Auteur : Ochozias A. K. Gbaguidi
Organisation affiliée : Revue interventions économiques
Type de publication : Article
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Les États africains ont fait le choix de pôles énergétiques pour combattre les inégalités d’accès à l’énergie
Les progrès vers l’intégration régionale en Afrique ont fait l’objet de nombre d’évaluation ces dernières années. Une des plus récentes, (CEA, UA et AfDB, 2016) indique que, malgré les différents défis, les pays africains ont poursuivi leur marche vers l’intégration de leurs économies et ceci dans la quasi-totalité des domaines ciblés depuis le traité d’Abuja. En particulier dans le domaine des infrastructures, il a été noté que les pays africains ont fait des progrès remarquables pour combler le déficit d’infrastructures, en finançant près de la moitié (46,7 milliards de dollars EU sur 99,6 milliards de dollars) du total en 2013. La plupart ont augmenté leur budget consacré aux infrastructures au cours des dernières années tandis que le budget global de l’État a augmenté en Afrique de 3 % en 2011-2013, celui dédié aux infrastructures s’est accru de 8 % et celui de l’énergie a augmenté de 5%.
Plusieurs raisons imposent aux pays africains, une approche régionale dans l’offre d’énergie en général et d’électricité en particulier : l’important lien entre consommation d’énergie et croissance économique, l’inégale dotation en ressources de base pour la production d’énergie, l’écart entre l’offre et la demande, l’importance du coût d’installation.
L’inégale dotation des pays en ressources naturelle de base
Le continent africain est doté de ressources suffisantes pour la production d’électricité mais ces ressources ne sont pas équitablement réparties entre les pays. Avec 10 % des réserves hydrauliques mondiales économiquement exploitables, avec près de 10 % des réserves mondiales prouvées de pétrole, 8 % des réserves mondiales de gaz, et 6 % des réserves mondiales de charbon (Heureux et al., 2011), le continent offre un gisement considérable de potentiels et de ressources énergétiques. Les réserves de pétrole et de gaz sont centrées en Afrique du Nord et dans le golfe de Guinée. Un important potentiel hydroélectrique se trouve en Afrique centrale et en Afrique de l’Est avec une dotation particulière en République Démocratique du Congo, en Éthiopie et au Cameroun. Les gisements de charbon se concentrent en Afrique australe et particulièrement en Afrique du Sud, qui détient à elle seule 90 % des 55 milliards de tonnes de réserves totales du Continent (IAE, 2014).
Les estimations du PIDA indiquent que la demande d’électricité sera multipliée par six entre 2010 et 2040, soit une croissance annuelle moyenne de près de 6 %. Pour maintenir le rythme; le PIDA précise que la capacité de production d’électricité installée doit passer des niveaux actuels de 125 gigawatts à près de 700 gigawatts d’ici 2040
Le potentiel géothermique n’est pas en reste, puisque l’Ethiopie, le Kenya et Djibouti en sont particulièrement dotés. Le continent est également en matière d’énergie renouvelable l’un des mieux ensoleillé avec, un niveau d’ensoleillement très inégalitaire : 47 % du continent reçoit un ensoleillement supérieur à 2100 kWh/m² et le reste entre 1500 et 1900 kWh/m² (Favenac et al, 2010). Cette fracture énergétique incite les pays à mieux s’organiser pour les interconnexions avec les pays voisins.
L’importance du coût d’installation
Les investissements dans les infrastructures de fourniture d’énergie sont très coûteux à cause de leur dimension et aussi pour le fait que leur rentabilité s’appuie fortement sur les économies d’échelle. Le nouveau barrage éthiopien sur le Nil, par exemple aurait coûté 4,7 milliards de dollars, un coût prohibitif auquel très peu de pays africains peuvent faire face tout seul. Une estimation de la CEA indiquait déjà que les dépenses nécessaires pour résoudre le déficit énergétique du Continent se chiffraient déjà à 93 milliards de dollars par an. Une importante partie de ces besoins sont couverts par les investissements publics, mais il est estimé que même avec le caractère volontariste de l’action des États, le déficit de financement reste élevé à plus de 31 milliards de dollars par an. Les travaux du PIDA indiquent que les dépenses nécessaires pour répondre à la demande croissante se chiffrent globalement, pour la production de nouvelles capacités, à 33,1 milliards de dollars, pour les interconnexions à 5,4 milliards de dollars et à 3,7 milliards de dollars pour l’accès, soit au total 42,2 milliards de dollars. Dans une approche pays, ce montant augmente de plus de 33 milliards de dollars. L’intégration régionale faciliterait donc non seulement le partage des coûts, la réduction des coûts grâce à des économies d’échelle mais aussi rend plus abordable la contribution de chaque pays à l’effort global.
Un problème de marché: Important écart entre l’offre et la demande
Un aspect important qui appuie l’approche régionale est la question du marché. Avec 12 % de la population mondiale, l’Afrique consomme en moyenne 3 % de l’électricité mondiale. Les trois quarts de la consommation continentale ont lieu en Afrique du Nord (33 %) et en Afrique du Sud (45 %). Le reste est réparti entre les autres pays d’Afrique subsaharienne. En outre, la connectivité de l’électricité sur le continent reste relativement faible, avec des taux en moyenne de 43 % (l’Afrique du Nord est à 99%, les autres sous-régions entre 12 et 44).
Le déséquilibre noté dans les dotations naturelles et dans l’offre s’observe également au niveau de la demande et de la consommation. On distingue ainsi en matière de marché de l’électricité, trois grandes zones : L’Afrique du Nord et l’Afrique australe d’une part et la grande majorité des autres régions. L’Afrique du Sud à elle seule consomme la moitié de l’électricité produite en Afrique Australe. Les marchés sont globalement peu développés, avec de fortes disparités géographiques dans les taux d’électrifications des ménages: supérieurs à 90% dans le Nord, équivalents à 27% dans le Sud, et ne dépassant pas 18% en Afrique centrale.
Les pools énergétiques africains
Les États africains ont fait le choix de pôles énergétiques pour combattre les inégalités d’accès à l’énergie. Les pôles énergétiques visent à établir des marchés régionaux de l’énergie et à harmoniser la politique énergétique par grandes zones. Il existe ainsi cinq pools régionaux en Afrique, couvrant plus ou moins les cinq sous régions du Continent: le Comité Maghrébin de l’Electricité (COMELEC), le Pôle énergétique Ouest africain (PEOA), le Pôle énergétique d’Afrique Centrale (CAPP) et le pôle énergétique d’Afrique de l’Est (PEAE) et le pôle énergétique d’Afrique Australe (PEAA).
L’intégration régionale faciliterait donc non seulement le partage des coûts, la réduction des coûts grâce à des économies d’échelle mais aussi rend plus abordable la contribution de chaque pays à l’effort global
L’intégration par l’énergie: les acquis de l’option «power pool»
Les dirigeants africains se sont engagés dans l’Agenda 2063 à accélérer les actions pour connecter le continent par des infrastructures de niveau mondial, y compris l’inter connectivité entre les États insulaires et le continent. L’efficacité de l’option régionale faite par les États africains peut s’apprécier suivant deux principales dimensions: la mise en place d’un marché régional de l’électricité et l’optimalité des investissements régionaux.
Des marchés régionaux d’électricité fonctionnels: un acquis important
Les pools énergétiques ont permis la création d’importantes interconnexions entre pays des cinq sous-régions du Continent et parfois entre sous régions. Ceci a facilité la mise en place d’un marché d’électricité qui apparaît comme un véritable régulateur de l’offre et de la demande, surtout en période de pic dans certaines régions. Le Maghreb bénéficie en effet, grâce à la COMELEC, d’un important acquis: l’interconnexion complète des réseaux électriques et une très bonne coordination. En 1991, le séminaire de Marrakech du COMELEC mettait en relief cet avantage dans ses conclusions: Le secteur électrique demeure le secteur d’avant-garde dans le domaine de la coopération maghrébine.
De toute évidence, il y a encore des améliorations à faire qui permettront de renforcer les bénéfices du système de pôle, à savoir la réduction des coûts des investissements, le renforcement de la fiabilité des réseaux, le renforcement de la sécurité des installations et la coordination des besoins lors des périodes de pic pour le bien-être des usagers. Cependant il faut noter que les perspectives sont bonnes: L’Éthiopie est en train de construire un barrage hydroélectrique pour exporter de l’électricité vers d’autres pays de la région. Le barrage possédera une capacité installée de 6 000 mégawatts et devrait produire environ 15 000 gigawattheures par an. Il est prévu qu’une partie soit exportée vers Djibouti et vers le Kenya qui ont signé des accords avec l’Éthiopie dans ce sens.
Réduction des coûts et optimisation des investissements
Les estimations du PIDA indiquent que la demande d’électricité sera multipliée par six entre 2010 et 2040, soit une croissance annuelle moyenne de près de 6 %. Pour maintenir le rythme; le PIDA précise que la capacité de production d’électricité installée doit passer des niveaux actuels de 125 gigawatts à près de 700 gigawatts d’ici 2040. Seule une approche régionale permettra aux pays africains qui doivent faire face à d’autres déficits d’infrastructures (routes, télécommunication, etc) d’y parvenir. Il est calculé que la mise en œuvre intégrale du volet énergie du PIDA permettra des économies de coûts de production d’électricité de 30 milliards de dollars par an. Cette réduction est calculée dans l’hypothèse de la poursuite des efforts des pôles énergétiques pour maintenir les interconnexions actuelles, voire en créer de nouvelles.
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