Auteur: Julien Chongwang
Organisation affiliée: SciDevNet
Site de publication : scidev.net
Type de publication : Article
Date de publication : Septembre 2020
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Les pays à faible revenu pourraient bientôt surclasser les Etats à revenu élevé en matière d’adoption des technologies de la santé basées sur l’intelligence artificielle (AI). C’est l’une des conclusions d’un rapport publié ce mois de septembre 2020 sous la direction de Microsoft et de la Fondation Novartis.
Dans un communiqué de presse, les auteurs de ce rapport justifient leur optimisme par le fait qu’un bon nombre de services adossés aux technologies de l’information et de la communication ont souvent été adoptés plus rapidement dans les pays à revenus faible et intermédiaire qu’ailleurs.
Un atout majeur pour les pays à faible revenu est que ceux-ci peuvent être exemptés des difficultés que rencontrent à présent les pays riches.
Ils concluent que « l’adoption des technologies de la santé suivra probablement la même tendance, avec la transformation numérique accélérée par la COVID-19 ».
« L’opportunité qu’ont les pays à faible revenu est que n’ayant pas encore ces différents systèmes, ils peuvent une fois pour toutes développer un écosystème unique de sorte que tous les systèmes de données aient la même structure et soient interopérables », Indique Ann Aerts, l’un des auteurs du rapport.
L’intéressée rappelle qu’il existe à ce jour plus de 300 possibilités d’utilisation de l’IA dans le secteur de la santé.
« Pour l’usager ou le citoyen lambda des pays à faible revenu, les investissements humains, technologiques et politiques nécessaires à la mise en place de l’IA ne nous permettent pas d’être aussi optimistes », justifie Fogue Foguito, chercheur et directeur exécutif de l’ONG Positive Generation.
« Bien que nous soyons conscients qu’avec l’IA, tout va vite, les contraintes politiques et infrastructurelles nous amènent à être prudents », souligne Fogue Foguito.
Manque de personnel médical
Cette perception n’est pas très éloignée de celle de Barnabo Nampoukime Kan-Paatib, médecin togolais qui constate d’abord que nos pays manquent cruellement de personnel médical, la population manque de moyens, la majeure partie est illettrée, n’a pas accès à l’eau, à l’électricité ou encore à l’internet.
L’opportunité qu’ont les pays à faible revenu est que n’ayant pas encore ces différents systèmes, ils peuvent une fois pour toutes développer un écosystème unique de sorte que tous les systèmes de données aient la même structure et soient interopérables
« Ce serait utopique de penser pouvoir rentrer dans l’ère de l’IA sans avoir atteint un niveau acceptable et accessible de soins de santé avec la médecine conventionnelle », conclut-il.
Préalables
Bernabé Batchakui, enseignant au département d’informatique à l’école nationale polytechnique de l’université de Yaoundé I (Cameroun) déduit qu’à la différence des technologies mobiles, l’adoption de l’IA en matière de santé requiert « d’importants préalables ».
Il rejoint ainsi les auteurs du rapport qui définissent d’ailleurs six axes sur lesquels les pays à revenus faible et intermédiaire devraient mettre l’accent pour le développement de l’IA dans la santé.
Au sujet du personnel et de la main d’œuvre, le rapport recommande par exemple que l’IA et la science des données soient intégrées dans les programmes nationaux d’éducation sanitaire aussi bien pour la formation initiale que pour la formation continue et l’éducation formelle.
Au sujet de la technologie, les pays devraient investir en priorité dans une architecture technologique robuste, la connectivité, l’accès à des données représentatives et de qualité, ainsi que dans l’interopérabilité, etc.
Mais, l’Afrique peut-elle se permettre de tels priorités ? « L’Afrique a besoin d’investir plus dans la formation de médecins et de rendre les soins de santé plus accessibles à la population. D’autre part, la population a besoin de sortir de la précarité et d’avoir accès à l’eau potable pour prévenir et réduire les maladies », répond le médecin Barnabo Nampoukime Kan-Paatib.
Bien que nous soyons conscients qu’avec l’IA, tout va vite, les contraintes politiques et infrastructurelles nous amènent à être prudents
Bernabé Batchakui voit plutôt une complémentarité entre la formation des médecins d’une part et le développement de l’IA d’autre part.
« L’investissement dans l’IA va contribuer à la formation d’un grand nombre de médecins. L’IA permet par exemple, à travers la simulation des environnements d’apprentissage, de faire profiter aux jeunes médecins des acquis d’expertises stockés sous forme de données. A mon sens, il n’est pas question de privilégier l’un au détriment de l’autre. »
Solutions endogènes
Fogue Foguito, renchérit en disant que « l’IA pourra ou devra aider à réduire certains délais dans la prise en charge des usagers des services de santé ».
« Notre système de santé ne doit pas toujours être une pâle copie de celui des pays qui nous ont colonisés, tant dans la démarche de soins que dans sa gestion et même son financement. Nous devons être en mesure d’associer et de maîtriser davantage les solutions africaines pour éviter cette surdépendance ».
Au final, le rapport, rédigé par la Commission sur le digital et l’IA dans la santé, conclut qu’à défaut d’en être les grands gagnants, les pays à revenu faible et intermédiaire pourraient être les plus grands perdants s’ils n’investissent pas pour tirer profit du potentiel de l’AI et transformer leurs systèmes de santé.
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