Auteur : Alain Bienaymé
Revue : Communication, technologies et développement
Site de publication : journals.openedition.org
Type de publication : Article de revue
Date de publication : 2 janvier 2018
Le contexte démo-économique
L’Afrique abrite une population jeune ; les habitants de moins de 15 ans y représentent 41 % de la population totale en comparaison d’une moyenne mondiale de 25 %. La transition démographique ouvre une période favorable à l’accélération de la croissance économique. Les jeunes générations particulièrement réceptives à l’égard des convivialités digitales sont un atout sur lequel l’Afrique devrait pouvoir compter pour stimuler son développement.
En revanche, les outils numériques ne changent rien au fait qu’ils pénètrent un continent africain rassemblant des nations indépendantes dont les niveaux de PIB par tête sont très inégaux : en dollars courants leur PIB par habitant s’étalait en 2014 entre 286 dollars (Burundi) et un peu plus de 10 000 dollars (Gabon et Maurice).
L’urbanisation accélérée soumet les grandes villes d’Afrique à la pression incontrôlée d’une multitude de jeunes gens à la recherche d’emplois mieux rémunérés. L’inégalité des conditions de vie à l’intérieur de chaque pays est considérable.
À quels signes se manifeste l’irruption du numérique en Afrique ? Si dans les économies du Nord, le numérique a progressé avec Internet (depuis 1994) dans le sillage des ordinateurs et de l’informatique, au Sud le téléphone mobile, relativement peu onéreux, s’est imposé d’emblée comme la porte d’entrée du monde digital.
Les taux d’accès sont tous en forte progression au point que les entreprises fournisseuses des matériels et des services des TIC tels que Orange, Google, entendent bâtir leur avenir en s’appuyant sur le dynamisme des marchés africains.
L’outil numérique, probable accélérateur du développement
Le passé technologique et gestionnaire des entreprises quasi-inexistant ne dresse pas d’obstacle majeur à des projets économiques concurrents qui viendraient de la base.
Dans une première étape, les téléphones portables peuvent au contraire stimuler les activités locales, ne serait-ce qu’en informant les artisans et petits producteurs sur les conditions du marché, en facilitant les échanges d’expériences et le règlement des échanges.
De plus, il n’y a pas de développement possible sans échanges ni d’échanges sans communications. Avec le numérique, l’information interactive facilite les contacts multilatéraux, intragénérationnels et non plus seulement ceux qui empruntent la voie classique descendante et ascendante.
Soulignons enfin ce que peuvent apporter les diasporas africaines, le retour au pays de professionnels qualifiés soucieux de transmettre leur expérience, d’attirer des compatriotes aujourd’hui diplômés et pour certains devenus professeurs dans les universités occidentales. Le numérique entretient cette dynamique de rapprochement entre peuples de même origine que l’on voit éclore.
Où en est-on aujourd’hui sur le plan des réalisations ?
Un nombre appréciable de pays sont à l’aube et sur la piste d’un véritable décollage économique. Mais la création d’emplois doit intéresser tous les autres secteurs d’activité utilisateurs des infrastructures numériques et à laquelle le développement doit logiquement, sinon spontanément, amener.
Les taux d’accès sont tous en forte progression au point que les entreprises fournisseuses des matériels et des services des TIC tels que Orange, Google, entendent bâtir leur avenir en s’appuyant sur le dynamisme des marchés africains
L’économie numérique concerne en effet trois catégories d’emplois : la construction des infrastructures de réseaux (fibres, satellites, appareils téléphoniques…), les métiers périphériques (conceptions de logiciels, d’applications, de plateformes d’échanges, vidéos, services culturels…), et l’ensemble des autres secteurs dont les entreprises tirent profit d’un usage intense des TIC.
Pour que cet effet multiplicateur d’emplois se produise, il faut que la qualification des entrepreneurs et la formation technique des personnels répondent aux attentes suscitées par l’émergence de nouveaux métiers. Ce qui suppose une étroite coopération des entreprises leaders avec les initiatives de terrain.
Parmi les initiatives les plus dignes d’intérêt, on soulignera l’importance prise par le i-hub de Nairobi qui affirme son ambition de devenir la (une ?) Silicon Valley de l’Afrique. D’autres espaces d’incubation ouvrent leurs portes, par exemple au Ghana. Le multiplicateur d’emplois a d’autant plus de chances d’être élevé que les économies réceptrices sont déjà diversifiées.
Un des domaines de prédilection du numérique est le commerce en ligne qui a vocation à compléter un négoce archaïque. Plusieurs services tireront les plus grands bienfaits du numérique ; et au premier plan des services publics : l’éducation, la finance, la santé.
Pour que cet effet multiplicateur d’emplois se produise, il faut que la qualification des entrepreneurs et la formation technique des personnels répondent aux attentes suscitées par l’émergence de nouveaux métiers. Ce qui suppose une étroite coopération des entreprises leaders avec les initiatives de terrain
Des freins à desserrer
Tout d’abord, les deux tiers de la population du continent restent privés d’électricité. Le taux d’accès de la population à l’électricité est selon l’Agence Internationale de l’Énergie de 30 % en Afrique subsaharienne. Il devrait atteindre les 66 % en 2030. Il reste très inégalement réparti.
On évalue à 250 milliards de dollars les investissements nécessaires pour électrifier tout le continent à partir des énergies fossiles et renouvelables. En outre, nombre d’innovations isolées ne porteront leurs fruits que si elles appellent des investissements complémentaires.
Ces obstacles naturels s’accompagnent souvent d’une réglementation archaïque et paralysante. Son évolution est tributaire d’un contexte politique souvent ambigu. Dans un tel contexte, l’avènement d’Internet peut être vécu comme une menace par tous les potentats, petits ou grands, en mettant au grand jour leurs pratiques dans l’exercice du pouvoir et la protection de leurs rentes.
Plus généralement, la progression du numérique propage dans les sociétés de cultures différentes des nouvelles habitudes de vie et de travail qui se heurtent à des réticences. Le numérique dérange et modifie le rapport au temps des acteurs.
Dans une première étape, les téléphones portables peuvent au contraire stimuler les activités locales, ne serait-ce qu’en informant les artisans et petits producteurs sur les conditions du marché, en facilitant les échanges d’expériences et le règlement des échanges
À l’inverse, la promotion de la société civile est un résultat non négligeable de l’émancipation intellectuelle des individus et la diffusion des informations par les instruments numériques doit donner les moyens de lutter contre toute forme d’obscurantisme et d’abus de pouvoir.
Il reste que l’accueil réservé par les différents pays du continent aux innovations induites par les instruments numériques demeure très inégal même entre pays voisins.
Certes, les statistiques ne permettent pas de mesurer l’ampleur des vrais succès ni de les distinguer des effets d’annonce. Mais, au total, le sentiment domine que le numérique place une bonne partie du continent au début d’un véritable décollage économique. Internet peut aider les gouvernements à moderniser leurs pratiques et accélérer les coopérations transfrontières.
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