Auteur : Salma Niasse Ba
Site de publication : Le Monde Afrique
Type de publication : Article
Date de publication : 27 novembre 2018
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Quand l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) vont à Dakar, c’est à l’Université virtuelle du Sénégal (UVS) qu’ils se retrouvent. Il y a un mois, c’est là que les deux prestigieux établissements français ont organisé un atelier d’initiation à l’analyse des réseaux. Depuis que l’UVS, premier établissement de ce type en Afrique francophone, a ouvert ses portes il y a cinq ans, Dakar est entré de plain-pied dans l’ère numérique.
Enterrés les doutes et les balbutiements des débuts. Aujourd’hui l’UVS a trouvé sa place dans le paysage. Près de 27 000 étudiants y ont fait leur rentrée à l’automne 2018. On y prépare désormais douze licences allant des mathématiques aux sciences politiques, en passant par la gestion ou les arts graphiques. Une majorité des formations sont à visée professionnelle, avec un accent fort mis sur le numérique. Dix masters sont aussi disponibles et, depuis avril, tout est accessible aux salariés dans le cadre de leur formation continue. Preuve qu’un long chemin a été parcouru depuis la création, en septembre 2013, de ce programme qui paraissait au mieux audacieux, au pire totalement hasardeux.
Ajustements majeurs
Si aujourd’hui de nouveaux bacheliers sont enthousiastes pour intégrer l’UVS, c’est aussi parce que le système pédagogique a largement évolué, en s’adaptant aux besoins des étudiants. A la rentrée 2017, l’université a connu des ajustements majeurs. Le modèle est passé du cours à suivre seul devant son écran, sans soutien spécifique, à une organisation plus encadrée. « Des enseignements où la présence de l’étudiant est obligatoire au sein de l’ENO viennent désormais compléter les cours en ligne, rappelle Yacine Samb, responsable au sein de la structure de Guédiawaye. Et depuis 2015, les examens requièrent la présence physique de l’étudiant. »
Il ne s’agit pas d’une remise en cause de la virtualité des enseignements, juste d’un accompagnement offert aux étudiants, parfois en difficulté dans le travail solitaire. Toujours pas de professeur « en chair et en os », donc, si ce n’est pour les cours de remise à niveau dispensés avant les examens. La seule concession au modèle est la mise en place d’un cours projeté pour que les premières années apprennent à accéder à la plate-forme. La mesure a été mise en place pour juguler le taux d’abandon précoce de 30 % lors des premières promotions.
Il ne s’agit pas d’une remise en cause de la virtualité des enseignements, juste d’un accompagnement offert aux étudiants, parfois en difficulté dans le travail solitaire. Toujours pas de professeur « en chair et en os », donc, si ce n’est pour les cours de remise à niveau dispensés avant les examens
La première année avait été assez chaotique. Compte tenu de la faiblesse de l’encadrement administratif, huit mois ont été nécessaires pour assurer le démarrage. Un retard qui a repoussé la première cohorte de licenciés à janvier 2018. « En fait, on a fait notre licence en quatre ans », résume Alpha Diallo, un étudiant en licence 3 qui fait partie des « pionniers », comme il aime à se baptiser. Des pionniers « actifs », car les étudiants ont aussi été les moteurs des changements de l’UVS.
Travaux de groupe et entraide
Fini les couloirs vides des premiers mois. Dans les différents espaces numériques, les étudiants ont investi les salles de cours à toute heure pour y monter ensemble des travaux de groupe ou réviser à plusieurs avant les examens. Chaque ENO a mis en place son bureau des étudiants, le « BENO ». Et, en plus de cette entraide au sein des promotions, les anciens jouent le rôle de moniteurs auprès des nouveaux et servent de relais pour les informations relatives aux œuvres sociales. Non contents d’avoir investi physiquement le lieu, ils ont aussi mis en place des pages spécifiques sur les réseaux sociaux, pour la discussion et l’entraide, afin d’éviter de rester seul face à ses blocages.
En même temps que les étudiants apprivoisent cette nouvelle façon d’étudier, l’université continue de grandir. La livraison de 50 espaces numériques, évaluée à 40 milliards de francs CFA (61 millions d’euros, en partie financés par la Banque africaine de développement), est prévue d’ici à 2022. C’est un effort considérable pour le Sénégal, mais l’ancien ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mary Teuw Niane, aimait surtout rappeler que c’était d’abord un investissement. « On va avoir trois à quatre années difficiles parce que c’est un projet énorme », confie-t-il, rassuré qu’au fil des ans « davantage d’étudiants s’approprient l’UVS ».
Pour autant, il reste encore à travailler la réputation de l’université, notamment à destination des parents, un peu déboussolés par l’absence de cours « physiques ». « Il faut imposer aux jeunes étudiants un emploi du temps plus rigoureux, parce qu’ils ne sont pas encore autonomes. Je trouve que les enfants ne travaillent pas assez. A la maison, je croise tout le temps mon fils à gauche, à droite, alors qu’il devrait étudier », regrette Thierno Diallo, le père de Yatma Cissokho, étudiant en licence 2 de sociologie à Mbour. Pour Alpha Diallo « le pionnier », il y a certes encore des marges d’amélioration, « mais l’UVS est une université d’avenir », assure le jeune homme, définitif. Le mot a été prononcé.
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