Les récentes réformes du Département de la santé et des affaires sociales ont conduit à la scission du Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (CNAM) et au redéploiement de ses différents services entre deux nouvelles structures : l’Institut national de santé publique (INSP) et l’Hôpital de dermatologie de Bamako. Ce dernier est le résultat d’une recommandation forte de la carte nationale hospitalière 2016-2020. L’Hôpital de dermatologie de Bamako est créée par une ordonnance du 27 mars 2019, ratifiée par une loi du 23 juillet 2019. Pour le nouvel établissement hospitalier qui doit s’attacher à répondre aux aspirations en matière de soins dermatologiques de référence, les choses se posent en question de ressources, d’organisation et d’initiatives novatrices pour sortir des sentiers battus. Autrement dit, partir sur des bases saines pour éviter les difficultés et les turbulences vécues par d’autres structures hospitalières du Mali. L’Hôpital de dermatologie de Bamako a pour mission d’assurer le diagnostic, le traitement des maladies de la peau et problèmes dermatologiques issus des infections sexuellement transmissibles et autres affections dermatologiques, de prendre en charge les urgences dermatologiques et les cas référés. Il doit également participer à la formation universitaire continue et promouvoir la recherche. L’hôpital, dont le budget 2019, hérité du CNAM et adopté en retard, a pu mobiliser sur une prévision de 1,374 milliard, un peu plus de 75% des ressources. Pour l’exercice 2020, ses dépenses sont estimées à un peu plus de 1,569 milliard de Fcfa, dont 72% assurées sur le budget d’État. Les ressources propres et les subventions des partenaires couvrent le reste. De multiples efforts sont accomplis par l’administration hospitalière et le personnel pour corriger les balbutiements liés au démarrage de tout établissement et garder le cap sur la consolidation des acquis. Les premiers responsables de l’Hôpital de dermatologie de Bamako, connus pour leur sérieux et la philosophie qui sous-tendent toutes leurs actions à savoir mettre le malade au cœur d’un projet de soins efficace et accessible s’engagent à faire de l’établissement une référence.
Activités de recherche « Nos activités de recherche sont focalisées sur la filariose et les autres maladies tropicales négligées. Essentiellement, nous avons mené beaucoup d’études sur la filariose lymphatique. Nous avons fait la recherche fondamentale à travers l’immunologie et l’histoire naturelle de la maladie pour voir quel est l’impact de certains profils immunologiques surtout dans les cas de co-infections mêlant la filariose et le paludisme ou avec deux filarioses différentes. À côté de ces études fondamentales, nous avons aussi fait des études à visée opérationnelle telles que les évaluations d’impact du traitement de masse qui est destiné à lutter contre la filariose lymphatique, dont l’élimination était prévue pour 2020 par l’Organisation mondiale de la santé et ses partenaires. Malheureusement, beaucoup de pays n’ont pas encore pu y parvenir, mais certains sont sur la bonne voie comme le Mali. Par rapport à la filariose lymphatique, nous avons commencé des études de recherche avant la mise en place du programme national et c’était dans l’optique de pouvoir guider le programme national d’élimination de la filariose lymphatique à toutes les étapes de la mise en œuvre du processus d’élimination. Il s’agissait d’étudier, en plus des impacts des traitements de masse, la fréquence des infections, les caractéristiques des événements indésirables lors du traitement de masse et suivre aussi l’impact du traitement de masse après cinq ans d’abord, et ensuite après l’arrêt du traitement. À toutes ces étapes, nous avons un site sentinelle pilote qui est dans la région de Sikasso où nous avons suivi un groupe de six villages. Cela nous permettait de tenir informés les chargés du programme sur l’adaptabilité du traitement et sur les vecteurs entomologiques aussi bien sur les anophèles que sur les hommes. » La disponibilité des financements « Beaucoup de chercheurs vous diront que les ressources ne sont pas suffisantes. En réalité, nous avons beaucoup d’idées que nous ne pouvons pas mettre en œuvre parce qu’il n’y a pas assez de ressources aussi bien sur le plan international que sur le plan national. Je travaille sur une maladie dite tropicale négligée donc ce sont des maladies qui n’attirent pas beaucoup l’attention des décideurs et des bailleurs. C’est peut-être très récemment qu’il y a eu un regain d’intérêt au cours de la dernière décennie par rapport à ces maladies. Certes, nous avons pu mener quelques activités mais le problème des ressources financières reste présent. Au niveau de la faculté de médecine, le National Institute of Health (NIH) finance beaucoup de nos activités. Grâce un financement alloué, nous élaborons des protocoles à l’interne que nous faisons valider au niveau du comité d’éthique de la faculté de médecine et du NIH pour pouvoir mettre l’étude en œuvre, mais généralement avec des budgets limités. Il y a aussi l’USAID, à travers la Taskforce for global health se trouvant à Atlanta, qui est une structure intermédiaire qui organise des financement des activités de recherche dans les pays en voie de développement. Donc c’est le NIH et l’USAID, qui sont des structures américaines, et l’OMS qui financent certaines de nos activités. » Les principales difficultés « Pour apporter des solutions aux populations, la disponibilité des ressources financières est la première difficulté. Ensuite, il y a un problème d’accompagnement souvent pour les phases préliminaires. Des chercheurs sont obligés de se débrouiller pour collaborer avec les communautés, pour chercher des informations qui leur permettent de formuler une bonne question de recherche. C’est vrai que la littérature permet de s’informer et de pouvoir dégager des questions de recherche, mais très souvent, il faut aller vers les communautés pour la recherche opérationnelle et pouvoir discuter avec elles et dégager des questions de recherche et cela peut poser des problèmes logistiques et financiers. » Message à la population, aux collègues et à l’État « D’abord, je demande à la population d’adhérer aux activités de recherches qui, le plus souvent, sont déjà approuvées par les comités d’éthique et scientifique. Ce sont les comités qui sont conçus pour protéger les participants et aussi protéger les chercheurs contre tout ce qui peut advenir, c’est-à-dire leur intégrité physique, morale et psychologique. Le comité d’éthique essaie de préserver les sujets et les participants à la recherche. Donc, j’exhorte les communautés à accepter de participer aux activités de recherche. C’est de là que la lumière va jaillir pour leur bien-être et pour l’amélioration de leur état de santé. Pour les chercheurs, le message est d’adhérer strictement aux recommandations du comité d’éthique et de garder en tête le bien-être des participants et de persévérer par la recherche nos populations de toutes ces nombreuses maladies qui existent dans nos pays tropicaux. Pour le gouvernement, il doit augmenter sa participation même si elle a été beaucoup améliorée avec l’avènement du fonds pour la recherche et l’innovation. C’est une initiative qui est à saluer, mais elle doit s’accompagner d’un financement plus spécifique pour les instituts. »
Le Dr Yaya Ibrahim Coulibaly, médecin de formation est titulaire d’un master en santé publique, spécialisé en santé internationale et d’un PhD en épidémiologie.
Il est le chef du département formation et recherche de l’hôpital de dermatologie de Bamako ex Cnam (Centre national d’appui à la lutte contre la maladie) et de l’unité de recherche sur la filariose au Centre de recherche et de formation sur le paludisme (MRTC) de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie (FMPOS) de l’Université de Bamako.
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Congratulations
Bonsoir, vraiment le compte rendu est très fidèle. Merci et bonne continuation.
Vous faites notre fierté cher Maître 👏🏻