Auteur : Christophe Angely et Jean-Claude Berthelemy
Publié par : Entreprenante Afrique
Type de publication: Article
Date de publication: 5 novembre 2019
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Sur la base des données de l’AIE WEO 2018, des progrès considérables ont été réalisés, ces dernières années, dans le domaine de l’accès à l’énergie et plus spécifiquement pour l’accès à l’électricité. En 2017, et pour la première fois, la population ne disposant pas d’un accès à l’électricité est passée sous la part du Milliard d’individus.
Pourtant cette vision globale positive masque une hétérogénéité particulièrement préoccupante. En Afrique sub-saharienne, le taux d’accès qui s’établissait à 43% en 2016 va certes continuer de progresser mais le nombre d’individus sans accès à l’électricité repart à la hausse dans cette partie du monde et, toujours selon l’AIE, sur les 674 millions de personnes sans accès en 2030, 90 % d’entre elles vivront en Afrique sub-saharienne.
Population sans accès à l’électricité au km², 2018
Sur la période 2000-2016 la plupart des gains d’accès ont été réalisés au moyen de la création ou de l’extension de nouveaux réseaux mais sans être tout à fait satisfaisants au regard des Objectifs de Développement Durable (ODD) ou des besoins des populations ciblées. En effet, d’une part et sans grande surprise les énergies fossiles restent le principal mode de production, même si la part du renouvelable est en croissance sur la fin de cette période et d’autre part la fiabilité de ces réseaux, en Afrique sub-saharienne, n’offre pas la qualité de services requise. Enfin, pour des raisons de géographie et de dispersion de la population ces réseaux laissent hors connexion des pans entiers du territoire de pays à forte population rurale.
Sur les 674 millions de personnes sans accès en 2030, 90 % d’entre elles vivront en Afrique sub-saharienne
Le développement de solutions décentralisées, pour ces populations non connectables au réseau national, est donc un enjeu essentiel pour les années à venir. Alors que les coûts associés à ce type d’installation deviennent compétitifs, bénéficiant fortement des avancées en matière de technologies solaires et de capacités de stockage, d’ici à 2030 ce type de solutions représentera une part de plus en plus importante des nouveaux accès à l’électricité en Afrique sub-saharienne (déjà 34% des nouvelles connections depuis 2012 selon l’AIE), que ce soit sous forme de solutions hors réseau ou de mini réseau.
Si dans les zones urbaines, la connexion au réseau restera le meilleur moyen d’accès à l’électricité, les solutions décentralisées devraient d’ici 2030 offrir aux populations rurales (voire périurbaines) le moyen, le plus économique et sur, d’accéder à ce service essentiel. Leur adaptabilité aux contextes, environnements et usages devrait permettra une mobilisation plus facile de financements s’appuyant sur les impacts positifs que l’on peut attendre e cet accès à une ressource énergétique moderne et durable.
Pourtant aujourd’hui, ces solutions sont souvent le fruit d’une combinaison de facteurs et cette hétérogénéité ne facilite pas l’identification des « bonnes pratiques » quand à la maximisation de l’impact sur les populations. Compte tenu du caractère relativement nouveau de ces solutions, on manque de recul sur ce que pourraient être ces bonnes pratiques, et ce d’autant plus que les études évaluative récentes se sont concentrées sur le segment le plus élémentaire, les solution individuelles de petite taille de type Solar Home Systems (SHS), au détriment de l’évaluation des solutions collectives plus ambitieuses de type mini-réseaux.
D’autant qu’à l’hétérogénéité technico-économique vient s’ajouter, s’agissant des mini-réseaux, de nombreuses interrogations sur les modes de gouvernance. En la matière les travaux d’Elinor Ostrom devraient s’appliquer à ces biens publics locaux qui nécessitent le choix d’une gouvernance locale adaptée et efficace pour résoudre les problèmes connus sous le nom de « tragédie des communs ». Mais trop peu de travaux se sont attachés à vérifier en pratique cette adaptabilité au secteur de l’électricité des conclusions obtenues par Ostrom sur la gestion traditionnelle de ressources naturelles locales.
Ces solutions sont souvent le fruit d’une combinaison de facteurs et cette hétérogénéité ne facilite pas l’identification des « bonnes pratiques » quand à la maximisation de l’impact sur les populations
Or le passage à l’échelle ne sera réalisable qu’au prix de l’identification de ces meilleurs choix technologique, de modèle économique et de gouvernance et ces choix ne peuvent se faire qu’en recherchant la maximisation des impacts sociaux et économiques sur des populations qui, grâce à l’électricité, bénéficieront d’un moyen essentiel de transformation économique qui va bien au-delà des besoins de connexions des ménages pour l’éclairage et la recharge des batteries de téléphones portables.
Pour espérer le passage à l’échelle, c’est cette maximisation des impacts qu’il faut viser. Mais pour cela il faudrait disposer de données d’évaluation scientifiques or c’est une des difficultés de l’analyse. Ces 10 dernières années ont certes permis une première phase de capitalisation s’appuyant sur des études d’impacts de projets de type SHS mais ces travaux scientifiques sont relativement peu nombreux au regard des études évaluatives disponibles. Ils sont même très rares sur les solutions collectives de plus grande puissance comme les mini-réseaux.
Sur la base d’un important travail de recensement de ces travaux de recherche une première base de connaissances a été créée, la «Collaborative Smart Mapping of Mini-grid Action» (CoSMMA) de la Ferdi qui sera disponible en ligne mi-Novembre 2019. A partir de la CoSMMA, une méta analyse a permis de tirer les premières leçons de l’expérience accumulée. Celle-ci met en avant le rôle prépondérant que devrait jouer l’énergie photovoltaïque et les solutions collectives s’appuyant sur des modes de gouvernance locale, mettant ainsi en évidence de premières conclusions sur les bonnes pratiques, au regard des impacts de transformation économique et d’amélioration de la qualité de vie des populations.
Les besoins d’investissement pour permettre l’accès à l’électricité pour tous représentent pour le seul continent africain au moins USD 20 milliards par an et probablement plus. Les solutions décentralisées à base de production solaire sont déjà parmi les plus économiques et représenteront donc indubitablement une part importante des nouveaux projets africains. Mais pour opérer ce passage à l’échelle il faut des actions décisives en faveur de l’électrification décentralisée. Ces actions reposeront sur les bonnes pratiques qu’une meilleure et plus fine mesure des impacts aura permis d’identifier et qui permettront de limiter l’hétérogénéité des solutions disponibles.
Pour ce faire, d’autres travaux doivent encore être menés en s’appuyant sur des données scientifiques exploitables dont il faut accroître la collecte. C’est à cette condition qu’il sera possible d’attirer les investissements nécessaires, de baisser le coût de l’accès pour l’usager et d’offrir aux plus vulnérables un accès à l’électricité pouvant, dans l’esprit des ODD, les aider à sortir de la pauvreté en améliorant leur sécurité alimentaire et leur situation sanitaire ainsi qu’en leur apportant des opportunités d’emploi, ou encore en améliorant les condition d’apprentissage scolaire de leurs enfants.
Les besoins d’investissement pour permettre l’accès à l’électricité pour tous représentent pour le seul continent africain au moins USD 20 milliards par an et probablement plus
Cette analyse des impacts socio-économiques des solutions d’électrification décentralisée nécessite de se donner les moyens de collecter de la donnée scientifique utilisable pour évaluer les impacts de petits projets isolés à un coût abordable. C’est l’enjeu de demain dont les acteurs du secteur ne se sont pas encore saisis.
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