Auteurs : Christophe Bertossi & Mathieu Tardis
Organisation affiliée : Institut Français des Relations Internationales (IFRI)
Type de publication : Éditorial
Date de publication : 2020
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C’est là sans doute la première leçon à retenir de la crise sanitaire qui secoue aujourd’hui la communauté internationale. Les frontières nationales sont devenues autre chose qu’un outil de gestion des flux migratoires et il n’a fallu que quelques semaines pour que l’on voie ces frontières se fermer presque partout dans le monde, de façon plus ou moins totale.
Une nouvelle crise qui pèse sur l’avenir de l’Union européenne
En Europe, d’abord, l’existence de l’espace Schengen est aujourd’hui en suspens. Cette suspension ne se limite pas à la liberté de circulation des citoyens européens. Elle revêt aussi une dimension politique profonde dès lors qu’elle remet en question le rôle même de l’Union européenne (UE).
À peu d’exceptions près, cela s’est fait unilatéralement, sans concertation avec les institutions européennes ou les voisins concernés – et sans même les avoir informés au préalable.
Que reste-t-il du droit d’asile ?
La fermeture des frontières internes et externes de l’UE a des conséquences immédiates pour les personnes en situation de migration, en premier lieu, pour celles ayant des besoins de protection internationale. Rappelons que le droit international, la législation européenne et de nombreuses constitutions nationales obligent les pays à laisser entrer sur leur territoire les personnes qui cherchent asile. Cependant, seuls trois États membres et la Norvège ont explicitement exempté les demandeurs d’asile de leurs interdictions d’entrée.
La fermeture des frontières internes et externes de l’UE a des conséquences immédiates pour les personnes en situation de migration, en premier lieu, pour celles ayant des besoins de protection internationale
Là encore, la réponse de la Commission européenne est timide en dépit des efforts de la commissaire Ylva Johansson en charge des Affaires intérieures.
Des lignes de fractures à surveiller
Plus globalement, au-delà de la situation européenne, c’est le système migratoire international lui-même qui est ébranlé par la crise du COVID-19 et le retour des frontières nationales. Or, ce système migratoire constitue aujourd’hui une dynamique d’interdépendance étroite entre les régions de la planète, UE comprise.
Une première situation à surveiller concerne les transferts d’argent des migrants vers leurs pays d’origine (migrant remittances). Ces transferts représentaient 550 milliards de dollars en 2019. La Banque mondiale prévoit déjà une chute de 20 % en 2020 en raison de la fermeture des frontières liée au COVID-19 et de la récession durable dans les pays où sont installés les migrants. Il s’agit là d’un facteur multiplicateur des effets de la récession attendue des économies nationales pour les pays qui dépendent le plus de cet argent des migrants.
La crise sanitaire a démontré aux opinions publiques l’importance des professions occupées en grande partie par les travailleurs étrangers et immigrés – à l’hôpital, dans les métiers de la propreté, les transports, l’agriculture
Les migrations interrompues pourront rendre les opérateurs économiques moins réactifs à la reprise de l’activité à la fin de la période de confinement, en raison de tensions de recrutement dans certains secteurs. Dans la période de transition entre l’arrêt des économies nationales et la reprise de l’activité productrice, ce sont précisément ces travailleurs indispensables mais inscrits dans les formes d’emploi parmi les plus précaires qui seront sans doute les premiers fragilisés.
À quitte ou double ?
Cependant, un autre scénario est certainement possible. La crise sanitaire a démontré aux opinions publiques l’importance des professions occupées en grande partie par les travailleurs étrangers et immigrés – à l’hôpital, dans les métiers de la propreté, les transports, l’agriculture.
La fermeture des frontières et ses conséquences en matière migratoire étaient encore de l’ordre du fantasme pour certains et du cauchemar pour d’autres. Cependant, la pandémie est également un détonateur susceptible de reconfigurer les perceptions des frontières et de l’immigration. À ce jour, chacun peut trouver dans la situation actuelle une confirmation des thèses les plus contradictoires : d’une part, des frontières qui protègent des dangers venus de l’extérieur ; d’autre part, l’immigration qui, non seulement ne constitue pas cette menace, mais fait partie de la solution.
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