Auteurs : Ariane Bernard, Camille Longépé et Hugo Zusslin.
Organisation affiliée : Campus France
Type de publication : Dynamiques régionales
Date de publication : décembre 2019
Lien vers le document original
L’Afrique subsaharienne est une région en pleine mutation, marquée par une grande diversité de contextes politiques, sécuritaires et économiques. Les systèmes d’enseignement supérieur doivent cependant faire face aux défis posés par une démographie dynamique et par une forte demande d’éducation. De 122 millions de jeunes en âge d’étudier en 2017, ils seront plus de 173 millions d’ici 2030. Sur cette même période, le nombre d’étudiants devrait plus que doubler, passant de 9 millions à au moins 20 millions. En outre, 400 000 Subsahariens étudient dans un autre pays que le leur.
Plus que jamais, assurer un accès à une éducation supérieure de qualité, financer l’enseignement et la recherche et renforcer le lien avec le marché de l’emploi local constituent des enjeux majeurs pour les pays subsahariens. Les contextes universitaires et la qualité des formations diffèrent entre les pays et les établissements, l’Afrique du Sud s’imposant comme le moteur de la zone. Pour autant, comment les établissements peuvent-ils faire face à la hausse du nombre d’étudiants tout en se positionnant dans la compétition internationale de l’enseignement supérieur et en répondant aux besoins économiques locaux ? Les stratégies d’internationalisation des établissements subsahariens, les partenariats universitaires et scientifiques et les mobilités réciproques sont autant de leviers qui permettront aux pays d’Afrique subsaharienne de relever ces défis.
De 122 millions de jeunes en âge d’étudier en 2017, ils seront plus de 173 millions d’ici 2030. Sur cette même période, le nombre d’étudiants devrait plus que doubler, passant de 9 millions à au moins 20 millions. En outre, 400 000 Subsahariens étudient dans un autre pays que le leur
Face à un enseignement supérieur en tension, des étudiants très mobiles
Dans un contexte de mise en tension des systèmes d’enseignement supérieur, d’accès compliqué à l’emploi des jeunes diplômés, voire de problématiques sécuritaires (en particulier dans la bande sahélienne), la mobilité étudiante permet aujourd’hui aux jeunes subsahariens de se former dans les meilleures universités du monde. Ils sont même les plus nombreux à partir étudier à l’étranger : plus de 4,5% sont en mobilité, contre 2% en moyenne dans le monde. Cette mobilité, parfois qualifiée de « fuite des cerveaux », œuvre néanmoins en faveur de la visibilité internationale de l’enseignement supérieur et de la recherche africains en constituant des diasporas hautement qualifiées.
Les jeunes subsahariens, des étudiants convoités
L’attractivité de la France auprès de la jeunesse africaine se maintient avec 50 000 étudiants en mobilité en 2017 (+21% en cinq ans). Encore premier pays d’accueil des étudiants, la France est cependant concurrencée. La Chine accueillerait désormais près de 30 000 étudiants dans ses universités. Présente de longue date sur le continent, son influence s’est intensifiée récemment, dans le prolongement des « routes de la soie ». Parallèlement, de nouveaux acteurs se distinguent par une croissance très rapide du nombre d’étudiants africains accueillis et par la mise en place de politiques d’attractivité à grande échelle sur le continent. Au total, 54 000 jeunes partent étudier en Malaisie, en Turquie, en Arabie saoudite ou aux Émirats arabes unis, pays qui multiplient les programmes de bourses à destination des étudiants de confession musulmane et développent de nouvelles infrastructures. Les étudiants subsahariens sont en effet très convoités par les grandes puissances mondiales qui cherchent à renforcer leurs liens économiques, politiques et culturels avec l’Afrique.
L’enseignement supérieur et la recherche en Afrique subsaharienne
L’émergence de l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne
Les deux premiers étudiants diplômés d’une université localisée en Afrique sont sortis en 1879 du Fourah Bay College dans l’actuel Sierra Leone, un établissement calqué sur le modèle britannique. 80 ans plus tard, il n’y avait encore que six universités en Afrique subsaharienne. Les universités coloniales étaient petites et elles ne concernaient qu’une élite d’origine européenne. Lorsque la République démocratique du Congo a acquis son indépendance, il n’y avait que 16 Congolais détenteurs d’un diplôme de premier cycle dans tout le pays. En 1960, si 43% des Subsahariens en âge d’étudier avaient accès à un enseignement primaire, seulement 0,2% étaient effectivement à l’université. En outre, l’enseignement portait quasi exclusivement sur l’apprentissage de la langue, de la littérature, de l’histoire et de la géographie de la métropole.
Dans le même temps, des étudiants africains quittaient leur pays pour poursuivre leurs études à l’étranger. Ainsi, les leaders nationalistes ont souvent suivi leur formation hors du continent : Jomo Kenyatta à Londres ou Léopold Sédar Senghor à Paris. Les gouvernements postcoloniaux ont commencé par démocratiser les établissements préexistants et les ont mis au service de la formation de l’administration des nouveaux États et de la création d’un récit nation.
Dans les années 1960, les universités deviennent en effet le symbole de l’identité nationale. Elles sont le lieu d’une production intellectuelle foisonnante qui doit répondre aux défis politiques et économiques rencontrés par les pays, participant au projet de décolonisation de l’Afrique. En outre, la demande croissante de main d’œuvre qualifiée oblige les leaders africains à investir jusqu’à un quart de leur budget dans l’éducation, et une part non négligeable dans les études supérieures. Il en résulte une explosion du nombre d’admissions dans les universités. Au Nigeria par exemple, le nombre d’étudiants passe d’environ 40 000 en 1975 à près de 2 millions en 2017.
À la fin des années 70, les crises pétrolières obligent un grand nombre de pays africains à réduire drastiquement leurs dépenses publiques. L’enseignement supérieur n’est pas épargné. Des calculs en termes de retour sur capital humain réalisés par la Banque mondiale incitent les pays subsahariens à procéder à un désinvestissement de l’enseignement supérieur au profit de l’enseignement primaire et secondaire. Un modèle d’universités africaines « de marché » se développe avec l’adoption de la culture du conseil (consulting) et l’implication plus forte des ONG. Aujourd’hui, les universités africaines restent très dépendantes des aides étrangères
La croissance démographique très rapide de la majorité des pays africains fait peser un poids important sur les capacités des établissements d’enseignement supérieur et implique des investissements constants dans le secteur pour le maintenir à niveau. À la fin des années 70, les crises pétrolières obligent un grand nombre de pays africains à réduire drastiquement leurs dépenses publiques. L’enseignement supérieur n’est pas épargné. Des calculs en termes de retour sur capital humain réalisés par la Banque mondiale incitent les pays subsahariens à procéder à un désinvestissement de l’enseignement supérieur au profit de l’enseignement primaire et secondaire. Un modèle d’universités africaines « de marché » se développe avec l’adoption de la culture du conseil (consulting) et l’implication plus forte des ONG. Aujourd’hui, les universités africaines restent très dépendantes des aides étrangères.
Un enseignement supérieur sous tension
Les différences entre les systèmes des pays subsahariens s’expliquent par la diversité des trajectoires historiques et des situations économiques et politiques. En parallèle, un phénomène de standardisation de l’enseignement supérieur et de la recherche est aussi à souligner : privatisation croissante de l’enseignement, passage au système LMD, etc. Dans de nombreux pays, les universités ont été érigées sur la base d’établissements existant à la période coloniale. Depuis lors, d’autres établissements ont fait leur apparition (écoles de formation, instituts techniques et professionnels, écoles polytechniques), mais ils souffrent généralement d’un statut inférieur à celui des universités5. Certain pays se distinguent par un taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur élevé (autour de 20%) : l’Afrique du Sud, le Cameroun ou le Ghana par exemple. L’île Maurice affiche même un taux de près de 40% et affirme son ambition d’être un pôle d’accueil régional de la mobilité étudiante.
Les défis de l’enseignement supérieur
Si les systèmes d’enseignement supérieur des 49 pays d’Afrique subsaharienne s’inscrivent dans des contextes nationaux spécifiques, certains défis sont communs à plusieurs pays. C’est notamment le cas du sous-financement systématique des établissements. Les pays dépensent une partie importante de leur budget dans l’éducation (près de 30% pour le Sénégal ; 27% pour le gouvernement éthiopien), toutefois le manque d’infrastructures et de personnel qualifié reste souvent criant. Le Mali compte en moyenne un enseignant pour 60 à 90 étudiants ; dans les universités nigérianes d’Abuja et de l’État de Lagos, le ratio enseignant-étudiants s’élève à 1 pour 122 dans la première et 1 pour 114 dans la seconde.
Le manque de qualification des enseignants du supérieur est également problématique. Une faible proportion d’entre eux sont titulaires d’un doctorat, ce qui s’explique structurellement par le manque de programmes doctoraux en Afrique et par les difficultés de financement. La qualité de l’enseignement peut souffrir de ce manque de qualification, contribuant à la faible reconnaissance des universités, des enseignants et de leurs travaux à l’international – à l’exception de certains pôles d’excellence.
La moyenne d’âge relativement basse de la population et la croissance démographique très rapide rendent également difficile l’absorption de la hausse du nombre de jeunes en âge d’étudier. En Afrique du Sud, seul un jeune sur huit est effectivement admis dans un établissement d’enseignement supérieur ; au Nigeria, ce sont seulement 30% des candidats à l’examen qui ont accès à l’université. Les investissements à réaliser sont de ce fait considérables : l’Angola prévoit par exemple de créer 17 nouveaux établissements d’enseignement supérieur d’ici à 2022 et l’Éthiopie devrait ouvrir onze nouvelles universités publiques dans les prochaines années. Un autre défi majeur rencontré par les systèmes d’enseignement supérieur des pays subsahariens est le faible taux d’insertion professionnelle des diplômés, en raison de l’inadéquation entre les formations proposées et les besoins réels du marché du travail. En effet, le manque de formations de qualité, en particulier de niveau master, pose souvent problème.
La réforme de l’enseignement supérieur subsaharien : vers plus de privatisations Depuis la fin des années 1980, les universités africaines ont connu des transformations importantes, qui s’inscrivent dans un contexte plus global de circulation de politiques publiques entre le Nord et le Sud ou entre les Sud. La Banque mondiale en est un relais très important, au même titre que les fondations, les forums et les réseaux d’interconnaissance.
La moyenne d’âge relativement basse de la population et la croissance démographique très rapide rendent également difficile l’absorption de la hausse du nombre de jeunes en âge d’étudier
Les réformes visaient une restructuration des modes de financement de l’enseignement supérieur, soumis à la double pression de la massification de son accès et de la crise économique. Le mauvais état des établissements publics a créé des opportunités de marché pour l’enseignement privé, porté par la hausse de la demande et qui devient désormais une alternative crédible à l’enseignement public. Dans le même temps, les universités publiques adoptaient progressivement des pratiques d’établissements privés pour les concurrencer : management inspiré du monde de l’entreprise, mise en place de cursus payants, de structures de financement hybride et appel à des capitaux privés. Ce mouvement s’est accompagné de la mise en place de techniques de quantification et d’évaluation, comme les audits, les normes, les programmes de développement avec des objectifs chiffrés, la mise en place de dispositifs d’assurance-qualité ou encore de procédures d’accréditation.
Standardisation de l’enseignement supérieur et de la recherche
Depuis les années 1990, « un système compétitif marchand entre les universités pour attirer les bailleurs et les étudiants privés », vise à mettre en concurrence les espaces universitaires nationaux pour les stimuler. Aussi, de nombreux campus d’universités ont-ils ouvert dans des pays voisins pour « attirer de nouveaux clients potentiels ». Cette compétition s’appuie sur l’adoption de normes et de pratiques répandues à l’échelle internationale, de manière à permettre l’insertion des établissements dans le paysage mondial.
La mise en place du processus de Bologne en Afrique participe largement à cette évolution. Le processus a pour objectif d’unifier les systèmes d’enseignement supérieur des différents pays et de favoriser les mobilités en créant une équivalence des diplômes et en organisant les études universitaires en trois cycles (licence, master et doctorat – LMD) qui renvoient chacun à un nombre de semestres, d’heures de cours et de crédits. La mise en pratique est cependant souvent imparfaite. Dans le cas du Burundi par exemple, les maquettes de formation de l’université ont été largement inspirées de celles d’universités européennes, mais plaquées sur une pratique burundaise de l’enseignement supérieur, relativisant ainsi sa standardisation.
Dans la recherche également, l’importance des classements internationaux et des indices de citation pousse les chercheurs à adopter les consignes des revues scientifiques anglo-saxonnes, à rédiger en anglais ou encore à produire des résumés en anglais pour être comptabilisés par les services d’information universitaire comme le Web of Science par exemple. Cela explique que, pour exister à l’international, la recherche subsaharienne, comme d’autres dans le monde, soit amenée à se standardiser.
Le difficile essor de la recherche
Les pays d’Afrique subsaharienne ne représentent qu’environ 1% de la production scientifique mondiale et les États y allouent peu de moyens : 0,2 à 0,3% du PIB contre 2,4% en moyenne pour les pays de l’OCDE en 2017. Dans toute l’Afrique subsaharienne, seuls 46 000 travaux scientifiques ont été publiés en 2018, soit un nombre inférieur au nombre de publications suisses pour la même année. La production scientifique reste ainsi faible en Afrique subsaharienne, d’autant que la seule Afrique du Sud est à l’origine de 43% du total des publications (mais elle ne pointe qu’à la 34e place au classement mondial du nombre de publications scientifiques). Le deuxième pays est le Nigeria, avec un peu moins de 5 000 publications. Il convient de souligner que seulement neuf pays sont présents dans le top 100 (sur un total de 49 pays subsahariens). Avec 22 636 élèves inscrits en doctorat en 2017, plus de 26 000 chercheurs et en moyenne 222 000$ PPA courants dépensés par chercheur, l’Afrique du Sud fait donc figure d’exception. À titre de comparaison, le Sénégal comptait la même année 8 200 chercheurs et 7 212 doctorants, pour 33 000$ PPA dépensés par chercheur.
Les difficultés rencontrées par la recherche en Afrique subsaharienne sont complexes et multiples. Tout d’abord, les pays du Sud connaissent un problème de sous-financement de la recherche qui s’explique par des budgets moindres ainsi que par un coût de la recherche plus important que dans les pays du Nord (prix du matériel, taxe d’importation, frais de transport, etc.). Les laboratoires de recherche sont généralement mal équipés et ont peu de crédits de fonctionnement. Les chercheurs sont mal payés et doivent souvent financer eux-mêmes une partie du coût des matériaux utilisés. Un autre obstacle au développement de la recherche est l’absence d’écoles doctorales ; le fonctionnement des laboratoires repose largement sur quelques directeurs de recherche renommés.
Les pays d’Afrique subsaharienne ne représentent qu’environ 1% de la production scientifique mondiale et les États y allouent peu de moyens : 0,2 à 0,3% du PIB contre 2,4% en moyenne pour les pays de l’OCDE en 2017. Dans toute l’Afrique subsaharienne, seuls 46 000 travaux scientifiques ont été publiés en 2018, soit un nombre inférieur au nombre de publications suisses pour la même année
Or, au Cameroun comme dans de nombreux pays, les directeurs de thèse touchent une prime par doctorant, certains accumulent donc les étudiants encadrés, au détriment de la qualité des travaux. Le troisième enjeu est le faible niveau des formations de master, même au sein des bonnes universités subsahariennes. Deux raisons principales l’expliquent. Le manque de moyens empêche souvent les étudiants de master de réaliser des travaux pratiques, en particulier en sciences. Faute d’expérience, la transition vers le doctorat est donc compliquée. Le faible niveau s’explique également par le petit nombre de professeurs qualifiés. Les difficultés d’encadrement des doctorants et la très forte hiérarchisation du système ont pour conséquence de freiner l’émergence de docteurs et d’enseignants capables de former les prochaines générations d’étudiants.
L’internationalisation de l’enseignement supérieur
Des étudiants subsahariens très mobiles
L’internationalisation de l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne est d’abord caractérisée par une forte mobilité sortante des étudiants. Les jeunes subsahariens sont très mobiles : 4,5% d’entre eux ont franchi une frontière pour étudier en 2017 (contre 2,3% en moyenne dans le monde), soit plus de 400 000 étudiants. Non seulement les jeunes subsahariens font le choix de réaliser leurs études hors de leur pays d’origine, mais ils le font majoritairement hors du continent africain (environ les trois quarts). Parmi les principaux pays d’origine des étudiants en mobilité internationale, on retrouve les pays comptant un nombre important et croissant d’étudiants et les pays caractérisés par un manque d’infrastructures et de financements dans l’enseignement supérieur.
Un étudiant sur cinq en mobilité diplômante est originaire du Nigeria, ce qui en fait le premier pays de mobilité sortante (+50% en cinq ans). De nombreux programmes de bourses financés par l’industrie des hydrocarbures, une classe moyenne grandissante, la saturation des universités locales et la maîtrise de l’anglais sont autant de raisons qui incitent les Nigérians à partir étudier à l’internationa. Le Cameroun est le deuxième pays d’origine, loin derrière le Nigeria, puisqu’il ne représente que 6% du total de la mobilité sortante. Plus de 7 000 Camerounais partent étudier en Allemagne, ce qui en fait une spécificité du pays. Un peu moins de 5 000 étudiants sont accueillis en France. Le Zimbabwe, troisième pays de la mobilité sortante, est un cas particulier : la grande majorité de ses effectifs partent sur le continent et près 60% dans la seule Afrique du Sud.
La France, principal pays d’accueil
La France est le premier pays d’accueil des étudiants internationaux originaires des pays subsahariens avec près de 50 000 étudiants accueillis en 2017 et une croissance de plus de 20% entre 2012 et 2017. Elle est suivie par les États-Unis, qui accueillent toujours plus de Subsahariens (+33%). L’Afrique du Sud arrive en troisième position, avec 35 000 étudiants, majoritairement issus des pays frontaliers. Une autre ex-puissance coloniale se glisse dans le classement, le Royaume-Uni, mais elle est en perte de vitesse (-20% sur cinq ans). De nouveaux pays d’accueil proposant des formations en anglais se distinguent comme le Canada (+95%), mais aussi la Malaisie (+110%), le Bénin (7 800 étudiants) ou l’Arabie saoudite, qui accueille deux fois plus d’étudiants originaires de la région qu’il y a cinq ans.
Par ailleurs, 30 000 jeunes subsahariens environ effectueraient leurs études en Chine. Pékin est un acteur majeur, en plein développement, de l’accueil d’étudiants subsahariens. L’Afrique est une destination prioritaire de la politique de d’influence chinoise incarnée par les nouvelles routes de la soie. Au-delà des politiques de bourses et des considérations stratégiques, la proximité culturelle explique une grande partie de la mobilité des étudiants. Une langue commune ou encore une diaspora active dans un pays étranger facilitent grandement les flux d’étudiants vers ce pays.
Les pays d’accueil en Afrique subsaharienne
Si la grande majorité des pays d’Afrique subsaharienne sont avant tout des pays d’origine de la mobilité, certains pays se positionnent comme des pôles d’accueil de la mobilité étudiante. L’Afrique du Sud accueille à elle seule plus de 45 000 étudiants internationaux en 2017, soit un tiers de la mobilité entrante. L’origine des étudiants accueillis dans les pays d’Afrique subsaharienne est principalement régionale : il n’y a quasiment que des étudiants subsahariens qui sont accueillis dans ces pays – à l’exception de l’Afrique du Sud qui accueille par exemple 850 Étatsuniens et autant d’Allemands en 2017. Le Sénégal pour sa part attire un certain nombre d’étudiants d’Afrique du Nord, en particulier originaires du Maroc (900). Cette mobilité vers l’Afrique subsaharienne est assez classique dans ses motivations : il a été observé que les étudiants internationaux en Afrique cherchent à intégrer des programmes de bonne qualité et à vivre des expériences qu’ils ne pourraient pas avoir dans leur pays d’origine.
Les étudiants préfèrent les pays limitrophes, qui offrent l’avantage de la proximité avec la famille, la langue et la culture – parfois l’université la plus proche se trouve d’ailleurs dans un pays voisin. En outre, les étudiants internationaux dans les universités africaines ont tendance à retourner dans leur pays d’origine après la fin de leur diplôme. Ils participent ainsi au renforcement des compétences et à la conservation des talents à l’intérieur du continent. Même si les étudiants africains privilégient une mobilité vers un pays du Nord et en particulier vers les anciennes puissances coloniales, faire ses études au sein du continent africain reste pour beaucoup une option plus réaliste et plus abordable financièrement. La sécurité est également un facteur d’importance : la violence récurrente dans les pays comme le Nigeria ou l’instabilité politique en République démocratique du Congo, en Somalie ou au Soudan du Sud sont autant de raisons qui peuvent pousser des étudiants à faire leurs études dans des pays voisins comme le Ghana, l’Ouganda et le Kenya. Enfin, la culture est un facteur explicatif d’importance. Un environnement culturel familier favorise les mobilités. Cela passe également par l’influence des parents dans le choix du pays et de l’institution ; au Nigeria par exemple, les pasteurs locaux ont un impact très important dans le choix des étudiants d’aller étudier au Ghana, un pays majoritairement chrétien.
Les stratégies d’attractivité des pays d’accueil
Les États-Unis
Deuxième pays d’accueil des étudiants subsahariens après la France, les États-Unis accueillent près de 40 000 Subsahariens dans leurs universités en 2017. Ils renforcent leur attractivité sur le continent en accueillant un tiers d’étudiants subsahariens de plus qu’il y a cinq ans. Les principaux pays d’origine sont anglophones et le Nigeria représente à lui seul 31% des départs. Les États-Unis disposent d’un programme de bourses d’excellence, la Fulbright Scholarship, pour laquelle sont éligibles 27 pays d’Afrique subsaharienne. Ce sont principalement des étudiants sud-africains qui en bénéficient, avec 29 bourses attribuées en 2018. Le programme cible également le Kenya, la République démocratique du Congo ou l’île Maurice. La réputation universitaire des États-Unis et les bourses généreuses allouées par certaines universités leur permet également de rester une destination de choix, en dépit de frais de scolarité élevés.
L’Allemagne
Ancienne colonie allemande, le Cameroun continue d’entretenir des liens avec l’Allemagne, puisque cette dernière accueille plus de 7 000 étudiants camerounais en 2017. Cela représente près de 60% du total des étudiants subsahariens en Allemagne. Le nombre d’étudiants accueillis augmente rapidement, en particulier les Nigérians (+150%) et les Ghanéens (+80%). Le Deutscher Akademischer Austauschdienst (DAAD) attribue plusieurs bourses d’études aux pays d’Afrique subsaharienne, notamment ceux avec lesquels l’Allemagne a des liens historiques comme le Cameroun, la Namibie et le Togo. En outre, l’Allemagne met en place depuis plusieurs années une coopération universitaire et scientifique dans de nombreux pays africains. Le DAAD est par exemple engagé dans de nombreux partenariats avec des universités subsahariennes qui ont pour objectif d’améliorer le niveau d’enseignement dispensé.
La Chine
Il est difficile d’estimer le nombre d’étudiants subsahariens qui partent étudier en Chine. Les chiffres fournis par le ministère de l’Éducation chinois recensent 60 000 étudiants africains (Afrique du Nord et subsaharienne) en 2016, mais ils sont peu fiables car non précis. La Chine est néanmoins un acteur majeur de l’accueil des étudiants de la région depuis plusieurs années.
La Chine mène une politique d’influence d’envergure en Afrique subsaharienne et rivalise avec la France et le Royaume-Uni comme principale partenaire de la coopération économique, universitaire et scientifique. Pour s’implanter en Afrique, la Chine utilise un discours « décolonial » axé sur la coopération Sud-Sud. Les partenariats réalisés dans le milieu de l’enseignement supérieur constituent des relais de la politique d’influence chinoise en Afrique. Avec la saturation des établissements africains, apprendre le chinois et aller faire ses études en Chine est devenu une alternative réaliste. Elle offre de nombreuses opportunités pour étudier en Chine, relayées par les Instituts Confucius et appuyées par une ambitieuse politique de bourses (au moins 4 000 bourses par an).
L’Arabie saoudite
L’Arabie saoudite attirait plus de 17 000 étudiants d’Afrique subsaharienne en 2017. Les effectifs ont plus que doublé pour la plupart des nationalités entre 2012 et 2017. Le royaume accueille de nombreux étudiants de pays sunnites (Soudan, Mauritanie, Mali) ou à forte proportion sunnite (50% pour le Nigeria et l’Érythrée). Depuis quelques années, l’Arabie saoudite investit massivement dans son enseignement supérieur en proposant des programmes en anglais enseignés dans d’excellentes conditions matérielles. Le royaume y voit un vecteur d’influence politique et économique.
Plusieurs bourses sont financées directement par le gouvernement saoudien ou indirectement par des entités non gouvernementales telles que la Banque islamique de développement ou l’Organisation de la coopération islamique. 600 étudiants kenyans bénéficiaient par exemple d’une bourse pour y étudier en 2018. Particulièrement implanté au Soudan, au Mali, au Niger, au Sénégal ou au Nigéria, le royaume se tourne désormais également vers le Bénin et la Guinée. Néanmoins, la stratégie d’attractivité de l’Arabie saoudite reste concurrencée par certains pays du Golfe comme les Émirats arabes unis (pour le Nigeria) ou le Koweït (pour le Niger).
L’attractivité à l’échelle européenne
L’Union européenne (UE) est l’un des principaux partenaires régionaux de la coopération universitaire et scientifique avec l’Afrique subsaharienne. Entre 2014 et 2018, 206 projets Erasmus+ ont été déployés dans 39 pays africains. Ces programmes concernent essentiellement la mobilité internationale, les masters conjoints Erasmus Mundus, les projets de renforcement des capacités, les partenariats stratégiques et les projets Jean Monnet13. L’UE soutient également le renforcement du système d’enseignement supérieur africain à travers l’initiative « Harmonisation of African Higher Education Quality Assurance and Accreditation » (HAQAA) pour le développement d’un système d’assurance qualité et d’accréditation harmonisé aux niveaux national et régional, ou encore le programme « Tuning Africa » pour l’harmonisation des programmes d’enseignement supérieur en Union africaine.
Les Wathinotes sont soit des résumés de publications sélectionnées par WATHI, conformes aux résumés originaux, soit des versions modifiées des résumés originaux, soit des extraits choisis par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au thème du Débat. Lorsque les publications et leurs résumés ne sont disponibles qu’en français ou en anglais, WATHI se charge de la traduction des extraits choisis dans l’autre langue. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
The Wathinotes are either original abstracts of publications selected by WATHI, modified original summaries or publication quotes selected for their relevance for the theme of the Debate. When publications and abstracts are only available either in French or in English, the translation is done by WATHI. All the Wathinotes link to the original and integral publications that are not hosted on the WATHI website. WATHI participates to the promotion of these documents that have been written by university professors and experts.