Organisation affiliée : United Nations
Type de publication : Note de synthèse
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Les migrants, les réfugiés et les déplacés internes en chiffres
Selon les données publiques officielles, les migrants internationaux − définis à des fins statistiques comme des personnes ayant changé de pays de résidence, y compris les réfugiés et les demandeurs d’asile − étaient estimés à 272 millions au milieu de l’année 2019. Depuis 1990, leur nombre total a augmenté beaucoup plus rapidement (78 %) que la population mondiale (45 %).
Selon l’Organisation internationale du Travail, le nombre de travailleurs migrants internationaux dans le monde s’établit à 164 millions. La proportion des travailleurs migrants dans le total des travailleurs est la plus élevée – et a augmenté ces dernières années – dans les États arabes, en Amérique du Nord, en Europe occidentale ainsi qu’en Asie centrale et occidentale.
Migrants, réfugiés et personnes déplacées en chiffres
Le nombre total de réfugiés dans le monde s’établissait à 25,9 millions fin 2018 et n’a jamais été aussi élevé. Parmi eux, 84 % se trouvent dans des pays de régions proches de leur pays d’origine, un tiers d’entre eux (6,7 millions) dans les pays les moins avancés. Au total, neuf des dix premiers pays d’accueil des réfugiés étaient des pays en développement et 84 % des réfugiés vivaient dans ces pays.
Le nombre total de personnes déplacées est estimé à 50,8 millions de personnes fin 2019 : 45,7 millions pour cause de conflit et 5,1 millions suite à une catastrophe. Il n’a jamais été aussi élevé.
LES CONSÉQUENCES SANITAIRES ET HUMANITAIRES
Les personnes en déplacement qui sont dans une situation vulnérable sont particulièrement touchées par l’impact sanitaire de la COVID-19. Elles sont nombreuses à vivre ou travailler dans de mauvaises conditions sanitaires ou dans la promiscuité, ce qui favorise la propagation de la COVID-19. Leur accès à la santé peut être compromis, en particulier lorsqu’elles sont sans papiers ou exclues.
Les personnes en déplacement sont nombreuses à ne pas jouir d’un niveau de vie suffisant, ce qui les rend extrêmement vulnérables à la pandémie. Les personnes déplacées, les réfugiés et de nombreux migrants − surtout ceux en situation irrégulière − vivent dans des conditions de promiscuité − dans des camps ou des établissements informels, des taudis, des foyers, des dortoirs ou des centres de détention d’immigrants quand ils ne sont pas des sans-abri.
L’accès aux services de santé des personnes déplacées, des réfugiés et de nombreux migrants, surtout de ceux qui se trouvent dans des situations vulnérables, est également entravé par divers facteurs, notamment le statut migratoire, le manque de connaissances, l’absence de protection sociale, le coût, la langue, le handicap, les normes liées au genre et les barrières culturelles, ou par des lois, des politiques et des pratiques qui sont discriminatoires.
De plus, les personnes en déplacement, en particulier les femmes, les nouveau-nés et les adolescentes ainsi que celles vivant dans des pays fragiles, sujets à des catastrophes ou touchés par un conflit, ressentiront fortement les effets de l’interruption ou de la suspension des services de santé essentiels
Les personnes en déplacement se trouvant dans une situation vulnérable ont également plus de risques d’être touchées par l’insécurité alimentaire liée à la COVID-19, sous l’effet de la réduction des activités agricoles, des interruptions de la chaîne d’approvisionnement et de la hausse des prix des biens essentiels ainsi que de la diminution du pouvoir d’achat résultant de la crise économique.
Tous les risques susmentionnés sont aggravés par la difficulté d’acheminer l’aide humanitaire aux personnes en déplacement les plus vulnérables compte tenu de l’annulation des vols, de la fermeture des frontières, du confinement et de la décision de certains pays de contrôler les exportations de fournitures et d’équipements médicaux. Les réfugiés et les personnes déplacées, dont la plupart sont dépendantes de l’aide humanitaire, sont les plus durement touchés.
Exemples de bonnes pratiques : Au Royaume-Uni, le Gouvernement a annoncé que le diagnostic et le traitement de la COVID-19 seraient gratuits pour tous les visiteurs étrangers, quel que soit leur statut en matière de résidence ou d’immigration. Au Liban, les organismes humanitaires et les partenaires de santé ont mené des campagnes visant à sensibiliser les réfugiés à la COVID-19. Le Pérou a approuvé une prise en charge temporaire des frais de santé des réfugiés et des migrants symptomatiques de la COVID-19 ou testés positifs. La Thaïlande autorise depuis longtemps les migrants en situation irrégulière à s’inscrire au régime national d’assurance maladie, garantissant ainsi leur accès aux soins de santé universels.
LES CONSÉQUENCES SOCIOÉCONOMIQUES
De nombreuses personnes en déplacement ont généralement peu ou pas du tout de réserves permettant d’atténuer les chocs socioéconomiques. Elles font donc partie de la population la plus touchée par la baisse des revenus, par la montée du chômage, ainsi que par l’augmentation des dépenses et la hausse des prix des denrées de base. La crise a aggravé la précarité des femmes et des filles en déplacement, qui sont davantage exposées à la violence de genre, aux abus et à l’exploitation, et ont de moins en moins accès aux services de protection et d’aide.
Dans le même temps, la crise est l’occasion pour les pays de « mieux se relever » grâce à l’inclusion socioéconomique des personnes en déplacement et à la création d’emplois décents pour elles, ainsi qu’à l’ouverture de voies régulières de migration. Les pays pourront ainsi s’appuyer sur la contribution positive des personnes en déplacement à la société, que la crise actuelle a mise en lumière. En effet, comme il est constaté dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, la mobilité humaine est inextricablement liée au développement durable.
Les pertes d’emploi ou les réductions de salaire subies par les travailleurs migrants ou réfugiés sont également douloureusement ressenties par leur famille dans leur pays d’origine. Selon les estimations de la Banque mondiale, les envois de fonds diminueront en 2020 de 109 milliards de dollars des États-Unis par rapport à 2019 en raison de la pandémie. Or, dans 30 pays, ils représentent plus de 10 % du PIB, et ils constituent une source de revenus essentielle pour plus de 800 millions de personnes. Les premières données fournies par des pays d’Amérique centrale indiquent que la valeur des envois de fonds a diminué de 40 % dans la dernière partie du mois de mars.
La diminution des envois de fonds sera également source de difficultés économiques pour les familles et les communautés des travailleurs migrants, et elle aura des conséquences directes sur les dépenses des ménages en matière d’éducation des enfants et de soins de santé dans les pays d’origine. En moyenne, 75 % de ces fonds servent à financer des besoins essentiels tels que la nourriture, les frais de scolarité, les frais médicaux et le logement.
Malgré les effets importants de la COVID-19 sur les travailleurs migrants et les réfugiés, la pandémie a mis en évidence l’immense contribution de ces groupes aux sociétés dans lesquelles ils vivent. Des millions de migrants et de réfugiés sont en première ligne dans la lutte contre la maladie ou jouent un rôle central en tant que travailleurs essentiels, en particulier dans le secteur de la santé, des secteurs formel et informel des services à la personne, et tout au long des chaînes d’approvisionnement alimentaire.
Cette crise offre donc l’occasion d’apprécier l’apport positif des personnes en déplacement à la société et, plus largement, le rôle essentiel de la migration dans les pays de destination. Pour que les pays puissent se relever le plus vite possible, il conviendra d’étudier plus avant les façons de faciliter la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles acquises à l’étranger, d’inclure les migrants et les réfugiés dans les systèmes de protection sociale et de faciliter des migrations sûres, ordonnées et régulières afin que les sociétés puissent bénéficier de tout le potentiel offert par ces groupes.
Exemples de bonnes pratiques : Le Pérou, le Chili et l’Argentine ont récemment commencé à autoriser des médecins, des infirmières et d’autres membres du personnel soignant formés à l’étranger à participer à la lutte contre la COVID-19 ; En Irlande, le Conseil des médecins a annoncé qu’il autoriserait les réfugiés et les demandeurs d’asile ayant une formation médicale à contribuer à la fourniture d’un appui médical essentiel, notamment en tant qu’auxiliaires de santé ; L’Ukraine a adopté une loi visant à garantir que les personnes déplacées reçoivent des prestations sociales pendant toute la période de confinement ; Au Burkina Faso, en Guinée, au Libéria et au Tchad, des intervenants humanitaires continuent de verser des primes aux enseignants réfugiés afin de leur assurer un revenu pendant la période de fermeture des écoles ; Le Gouvernement sud-africain a confirmé que 30 % de l’aide financière versée aux propriétaires de petits commerces de proximité bénéficiera à des entreprises détenues par des étrangers, y compris des réfugiés ; Les Philippines accordent une aide financière aux travailleurs migrants afin de garantir qu’ils puissent continuer de voyager lorsqu’ils détiennent un contrat de travail valide ; Bahreïn a défini des responsabilités particulières pour les employeurs (et les travailleurs) du secteur privé afin de garantir que les travailleurs migrants bénéficient d’installations et de logements appropriés pendant la pandémie ; En Turquie, l’État assure depuis longtemps la formation des professionnels de la santé réfugiés; il leur délivre des certifications et les autorise à exercer dans des centres de soins pour réfugiés afin qu’ils fournissent gratuitement des services de soins de santé primaires.
IMPACT SUR LES DROITS HUMAINS ET LES SYSTÈMES DE PROTECTION
La mobilité internationale a été fortement limitée par la crise de la COVID-19, ce qui a eu des conséquences souvent dramatiques pour les personnes en déplacement. Afin de contenir la propagation de la maladie, des pays du monde entier ont fermé leurs frontières et pris des mesures de restriction aux déplacements et de confinement. Selon l’OIM, au 21 mai 2020, 221 pays, territoires et zones avaient mis en place des restrictions en matière de voyage.
En conséquence, de nombreuses personnes en déplacement se retrouvent maintenant piégées dans des conditions particulièrement précaires. Les personnes qui tentent de fuir les persécutions, la guerre, la violence et d’autres violations des droits humains ne peuvent accéder à la protection dont elles ont besoin. Des migrants, y compris des enfants non accompagnés et séparés, ont été expulsés vers leur pays d’origine – qui est dans l’incapacité de les accueillir en toute sécurité – ou se sont retrouvés bloqués dans des zones frontalières sans pouvoir rentrer chez eux.
On dénombre de plus en plus d’incidents liés à la stigmatisation, à la xénophobie et à la discrimination. Dans certaines situations, ils ont conduit à l’expulsion de leur foyer de réfugiés, de migrants et de personnes déplacées, dont beaucoup se sont retrouvés sans abri et ont été obligés de retourner dans leur pays.
Les plans de lutte nationaux contre la COVID-19 ont également exposé les migrants à un risque accru de détention, de séparation familiale et de retour forcé sans procédure régulière ni garanties fondamentales. Certains États ont invoqué des préoccupations de santé publique pour justifier certaines mesures de contrôle de l’immigration, notamment des rafles et des détentions arbitraires de migrants et de réfugiés sans papiers, qui sont souvent détenus dans des installations surpeuplées, les détenus comme le personnel étant exposés à des risques accrus d’infection.
Aux endroits où les gens ne se sentent pas protégés, la pandémie actuelle risque de provoquer de nouveaux déplacements. L’expérience acquise durant les épidémies des maladies à virus Zika et Ebola montre que les pandémies peuvent être à l’origine de déplacements de personnes à la recherche d’une protection. Selon certains témoignages, des personnes déplacées fuient les camps ou les établissements informels par crainte de la COVID-19, tandis que de nombreux travailleurs migrants internes sont contraints de retourner dans leur village en raison du confinement.
Exemples de bonnes pratiques : Le Gouvernement portugais a annoncé que tous les migrants et demandeurs d’asile dont la demande de statut de résident est en cours seront traités comme des résidents permanents jusqu’au 30 juin 2020, ce qui leur permettra d’avoir pleinement accès aux systèmes publics de sécurité sociale, y compris aux soins de santé ; L’Équateur a prolongé jusqu’à la fin de l’état d’urgence le délai accordé aux migrants vénézuéliens se trouvant sur son territoire pour demander un visa humanitaire ; Les permis d’immigration et les documents de protection internationale délivrés par le Gouvernement irlandais qui expirent avant le 20 mai sont automatiquement renouvelés pour une période de deux mois, dans les mêmes conditions ; – Le Chili a mis en place un système en ligne qui permet de demander la prolongation de six mois de la validité des visas et des permis de séjour, qui est automatiquement accordée ; L’Ouganda a renoncé à infliger des amendes aux personnes dont le visa a expiré pendant la période de confinement ; La Commission européenne a adopté des orientations à l’intention de ses États membres sur l’application des règles communautaires relatives aux procédures d’asile et de retour et de réinstallation dans le contexte de la pandémie, et souligné que toute restriction en la matière doit être proportionnelle, mise en œuvre de manière non discriminatoire et respectueuse du principe de non-refoulement et des obligations découlant du droit international ; Selon le HCR, de nombreux États ont adapté leurs systèmes pour traiter les demandes d’asile à distance ou ont prolongé les permis de séjour en attendant d’être en mesure de mener à bien en toute sécurité les procédures d’octroi de l’asile : 82 États acceptent les demandes d’asile soumises par courrier, téléphone, courriel ou par un autre moyen en ligne, tandis que 86 ont pris des mesures aux fins de la délivrance de nouveaux documents d’asile ou de la prolongation de la validité des documents existants ; La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont prolongé les visas des travailleurs migrants saisonniers pour leur permettre de rester sur le territoire national et ainsi de pouvoir continuer à travailler pendant la période de confinement ; Le Panama offrira un refuge aux migrants bloqués tant que des restrictions en matière de voyages internationaux seront en vigueur.
L’AVENIR DE LA MOBILITÉ HUMAINE
Alors que la mobilité est au point mort dans de nombreuses régions du monde, il est à craindre qu’à moyen et à long terme, certaines des restrictions aux déplacements ne subsistent après la crise actuelle, ce qui pourrait entraver le respect des obligations légales liées à l’accès à la protection au titre du droit international des droits humains et du droit international des réfugiés, et remettre en cause les pratiques et normes établies en matière de mobilité. Les bénéfices que la migration apporte aux pays de destination comme aux pays d’origine pourraient alors en être réduits.
Pour éviter que de telles prescriptions et mesures ponctuelles n’imposent des contraintes trop lourdes et prolongées aux voyageurs internationaux et ne soient contraires aux engagements pris dans le cadre du Règlement sanitaire international, il importera de veiller à ce qu’elles restent proportionnelles aux risques pour la santé publique et fondées sur des données probantes.
Notre dépendance collective à l’égard de la contribution vitale des travailleurs migrants et des réfugiés dans tous les secteurs d’activité nous pousse à repenser la mobilité humaine, à repousser les discours hostiles aux migrants et à renforcer la résilience de nos systèmes d’immigration face aux pandémies.
QUATRE PRINCIPES FONDAMENTAUX AU SERVICE D’UNE MOBILITÉ HUMAINE SÛRE ET INCLUSIVE PENDANT ET APRÈS LA CRISE DE LA COVID-19
L’exclusion a un coût à long terme alors que l’inclusion profite à tous. Comme le virus frappe indistinctement, nous ne pouvons nous permettre de lutter contre la pandémie en prenant des mesures discriminatoires en fonction de la nationalité ou du statut migratoire. L’exclusion des personnes en déplacement est précisément la raison pour laquelle elles sont aujourd’hui parmi les plus exposées à cette pandémie.
La riposte à la COVID-19 et la protection des droits humains des personnes en déplacement ne s’excluent pas mutuellement. Les efforts déterminés que nous déployons pour surmonter cette crise sans précédent ne doivent pas se faire au détriment de la responsabilité qui incombe à tous de respecter les droits des personnes en déplacement et de les protéger contre tout nouveau préjudice.
Personne n’est en sécurité tant que chacun de nous ne l’est pas. La pandémie et ses répercussions toucheront le plus durement les personnes qui étaient déjà vulnérables avant la crise. Il s’agit notamment des personnes en déplacement qui vivent dans des conditions précaires, ainsi que de celles qui vivent dans des pays fragiles ou touchés par un conflit, en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées. L’aide humanitaire d’urgence doit continuer à atteindre les personnes dans le besoin même pendant les périodes de confinement.
Les personnes en déplacement font partie intégrante de la solution. Les personnes en déplacement sont en première ligne dans la lutte contre la pandémie, car elles fournissent des services de soins de santé et assurent le fonctionnement des chaînes de production et d’approvisionnement alimentaires mondiales. Nous devons valoriser et reconnaître leurs contributions aux sociétés qui les accueillent. Le meilleur moyen d’y parvenir est de faciliter la reconnaissance de leurs qualifications, de veiller à ce que la mobilité humaine reste sûre, inclusive et respectueuse du droit international des droits humains et du droit des réfugiés, et d’étudier différents modèles de parcours de régularisation pour les migrants en situation irrégulière.
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