Auteur : Antoine D’abbundo
Organisation affiliée : La Croix
Type de publication : Enquête
Date de publication : 05 juillet 2020
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Avec l’arrivée du coronavirus au Togo, Fiona, 36 ans, employée dans un restaurant de Lomé, la capitale, a perdu le travail qui lui permettait d’élever sa fille de 4 ans. Depuis, la jeune femme s’est reconvertie en vendeuse ambulante de chemises en attendant des jours meilleurs.
Le spectre de la faim resurgit
Contrainte de faire ses courses au jour le jour faute de revenus réguliers, la jeune femme n’a pas constaté de pénurie durant la crise. « Mais tout est plus cher, précise-t-elle. Le bol de maïs, par exemple. La nourriture de base ici, se vend 600 FCFA contre 500 FCFA avant. Sur l’huile, le vinaigre ou le concentré de tomates, les commerçants rajoutent aussi sur le prix. »
À l’échelle du continent africain, son sort n’a rien de singulier. La pandémie a privé des millions de travailleurs pauvres de leurs moyens de subsistance et a fait ressurgir le spectre de la faim. Selon l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le contre-choc économique de la pandémie pourrait faire passer de 20 à 40 millions le nombre de personnes souffrant de malnutrition en Afrique dès cette année, alors que 800 millions vivent déjà en insécurité alimentaire.
Des réseaux de transport médiocres
« Repenser le rôle des marchés » : c’est le titre et l’objet de l’étude publiée lundi 15 juin, journée mondiale contre la faim, par l’AFD et la Banque mondiale. Y sont pointées les multiples défaillances de chaînes d’approvisionnement qui ont du mal à s’adapter aux profondes mutations qu’a connues l’Afrique au cours des dernières décennies. En particulier une urbanisation galopante – 40 % des Africains vivent en ville – qui éloigne les zones de production des centres de consommation. « Or, la principale faiblesse du continent tient au sous-équipement et à la mauvaise qualité des infrastructures de transport », souligne Gaëlle Balineau, économiste à l’AFD basée au Kenya.
La pandémie a privé des millions de travailleurs pauvres de leurs moyens de subsistance et a fait ressurgir le spectre de la faim. Selon l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le contre-choc économique de la pandémie pourrait faire passer de 20 à 40 millions le nombre de personnes souffrant de malnutrition en Afrique dès cette année, alors que 800 millions vivent déjà en insécurité alimentaire
Une autre fragilité tient à l’absence de maîtrise de la chaîne du froid qui limite le transport et le stockage de produits périssables, frais ou transformés. Résultat : « Au Niger, il est très coûteux de faire venir de la campagne des morceaux de poulets frais à Niamey. En revanche, on peut importer du poulet congelé en provenance de Chine ». « Cela met en évidence un autre maillon faible : l’insuffisant développement d’une industrie de transformation ancrée dans le tissu rural ».
Un coût de l’alimentation élevé
Aux déficiences de la logistique et aux manques d’installations performantes – Abidjan et ses 5 millions d’habitants, soit 20 % de la population ivoirienne, ne sont toujours pas dotés d’un marché de gros -, il faut ajouter les freins institutionnels comme le difficile accès à l’information sur les prix et la qualité.
Cela met en évidence un autre maillon faible : l’insuffisant développement d’une industrie de transformation ancrée dans le tissu rural
Ces fragilités des chaînes alimentaires, entre la fourche et la fourchette, expliquent la difficulté à faire se rencontrer l’offre et la demande. D’où un manque d’opportunités pour les petits paysans qui peinent à valoriser leur production et un coût de l’alimentation élevé pour les consommateurs urbains.
Ne pas oublier les campagnes
« Investir dans les infrastructures, identifier où se situent les pertes d’efficacité qui peuvent varier d’un pays à l’autre, accompagner par l’aide internationale les États prêts à restructurer leurs marchés pour diminuer leur vulnérabilité est une urgence », plaide Thomas Mélonio.
Ce serait une chance pour l’Afrique : la Banque mondiale estime que l’économie alimentaire, qui y représentera 900 milliards d’euros en 2030, pourrait être la « pierre angulaire » du développement du continent. Pour le continent, le défi est énorme et il faudra du temps pour le relever. À Lomé, Fiona ne voit pas si loin. « Le Covid a encore compliqué la vie, mais en Afrique, on a l’habitude. Alors on supporte. »
Un marché à 1 000 milliards de dollars
L’économie alimentaire en Afrique devrait atteindre 1 000 milliards de dollars (890 milliards d’euros) à l’horizon 2030, du fait de la croissance de la demande, tant en volume qu’en qualité. Les importations représentent 8 % du total des dépenses alimentaires en moyenne en Afrique de l’Ouest.
L’économie alimentaire est le premier pourvoyeur d’emplois du continent, avec 66 % de l’emploi total, et le restera dans les prochaines années. Le secteur alimentaire non agricole – autrement dit les activités manufacturières et de services de transformation, transport, commerce – représente 22 % des emplois du secteur alimentaire et 37 % de l’emploi des femmes.
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