L’application de la loi sur la parité dans les instances locales « Nous pouvons dire qu’aux élections législatives de 2014 d’abord, ensuite à celles de 2017, nous avons eu effectivement l’application de la loi sur la parité. Au niveau des instances locales, surtout au niveau de la commune de Yoff, nous avons constaté que nous n’avons pas eu un bureau égalitaire. Une situation que nous avons quand même déplorée. Nous n’avons pas eu le temps de faire un recours, comme dans les autres collectivités. Une fois le maire élu et au moment même de son élection, des combines se font. Le maire élu a un certain pouvoir sur les conseillers qui sont élus et ils peuvent, à la faveur du nom de sa majorité, demander de voter pour tel ou tel adjoint au maire Mais même dans certaines collectivités où il y a eu des recours, cela n’a pas été appliqué. Il faut noter que les listes étaient paritaires, mais au moment de l’élection du bureau des instances communales, nous n’avons pas eu l’application effective de la loi sur la parité. Nous avons le maire et quatre adjoints, mais nous n’avons eu qu’une seule femme, membre du bureau, donc adjointe au maire et qui est deuxième adjointe au maire, alors que le premier adjoint au maire devait être une femme mais c’est un homme qui l’est. Une fois le maire élu et au moment même de son élection, des combines se font. Le maire élu a un certain pouvoir sur les conseillers qui sont élus et ils peuvent, à la faveur du nom de sa majorité, demander de voter pour tel ou tel adjoint au maire. C’est ainsi que les femmes n’ont pas tellement de voix. Nous avons été confrontées à ce problème où seul le maire décide des conseillers qui devaient être à ses côtés. » L’influence dans le processus de décision « Dans nos instances communales, une fois qu’ils sont élus, les maires ont un certain pouvoir et s’ils n’acceptent pas de le partager avec leurs conseillers, il y a alors un réel problème, surtout pour les femmes. Elles ont beau vouloir se faire entendre, ce n’est pas facile. Actuellement, nous sommes en train de nous organiser au plan national pour sensibiliser davantage les femmes, mais également les hommes, et même les leaders des partis politiques pour une meilleure prise en compte de cette parité et surtout, une meilleure prise en compte des femmes au niveau des instances et dans le processus de prise de décisions. Dans les hautes instances, le maire, en fonction de ses affinités avec les conseillers et de son bon vouloir, peut travailler avec ses alliés ou avec les membres de son parti ou toutes personnes avec lesquelles il souhaite travailler Ce n’est pas évident lorsqu’elles ne font pas partie du bureau, mais elles peuvent travailler au niveau des commissions. Si elles peuvent intégrer les commissions et y travailler. Maintenant, la question est de savoir si nos voix seront entendues. Au niveau de la ville de Dakar, où je suis conseillère, je fais partie de la commission éducation et de la commission santé. Je peux dire que je participe effectivement dans ces commissions et activement aussi dans les prises de décision. Le travail que nous réalisons est pris en compte. Dans les hautes instances, le maire, en fonction de ses affinités avec les conseillers et de son bon vouloir, peut travailler avec ses alliés ou avec les membres de son parti ou toutes personnes avec lesquelles il souhaite travailler. Ce qui ne devrait pas être le cas. Le maire et les adjoints devraient travailler avec tous les conseillers, toutes obédiences confondues, pour avoir les résultats escomptés. Parce que toutes les personnes élues le sont pour travailler au profit des populations. En tenant compte des préoccupations des femmes en général et celles des femmes élues, si nous arrivons à les intégrer effectivement dans la gestion de la commune, nous pouvons avoir de meilleurs résultats. Parce que les femmes sont au fait des problèmes des populations, des besoins des populations. Alors, prendre en compte les préoccupations de ces femmes, c’est vouloir obtenir des résultats. C’est pour cela que nous encourageons les maires et leurs bureaux, leurs adjoints et les commissions, de faire travailler au maximum les femmes qui désirent travailler dans les commissions. » La question de la qualité de la représentation « Même à l’Assemblée nationale, il n’y a pas d’école où nous formons des députés. Nous avons pour habitude de dire que la plupart des députés élus ne sont pas au fait de leur mission et c’est par des sessions de renforcement des capacités qu’ils sont en mesure de faire leur travail et d’assumer les missions qui leur sont assignées. C’est la même chose pour les conseillères. Normalement, au début de chaque mandat, le maire ou le bureau du maire doivent outiller les conseillères et les rendre capables d’œuvrer efficacement. Vous avez l’administration municipale, d’une part, et les conseillers municipaux d’autre part. L’administration municipale accomplit ses tâches, par exemple l’élaboration du budget, qu’elle soumet aux conseillers. Les conseillers doivent être en mesure de pouvoir discuter de ce budget, de le comprendre pour l’approuver. Il ne s’agit pas seulement de pouvoir lire un budget, ce qui est important, c’est de pouvoir prendre en compte les préoccupations des populations. » L’importance d’avoir plus de femmes dans les instances locales « Nous avons neuf compétences, dont les plus importantes sont l’éducation, la santé, l’assainissement, le logement, etc. Pour tous ces domaines, les femmes sont toujours au-devant. Ce sont elles qui s’occupent de l’éducation des enfants. Ce sont les femmes qui s’occupent de la santé. Ce sont les femmes qui s’occupent de l’assainissement autour d’elles, dans la cité, les maisons, etc. Les femmes sont vraiment les plus à même de comprendre les problèmes de la décentralisation et les problèmes des compétences transférées. Et si elles ont toutes les possibilités de s’exprimer, elles pourront mieux rendre compte des besoins des populations parce que c’est elles qui sont plus en contact avec les populations. Les femmes sont dans les associations, les femmes sont avec les jeunes, les femmes sont mères : elles sont donc partout. Nous avons une population où les femmes sont majoritaires. Nous ne pouvons pas développer nos communes sans l’implication forte des femmes. Je parle de toutes les catégories de femmes. Les femmes non alphabétisées sont capables de maintes choses. Dans le monde rural, ce sont elles qui créent de la valeur. Dans la région du fleuve, où se cultive le riz, vous verrez des femmes qui, comme Korka Diaw, sont des chefs d’entreprise ; elles sont même plus actives que les hommes. Les impliquer dans le développement, dans la gestion même de ces communes, peut apporter un meilleur développement au plan communal et je dirais même du Sénégal. Notre pays ne peut pas se développer sans le développement de ses collectivités territoriales. La commune est le meilleur endroit où le Sénégal peut se développer. » Développer le leadership des femmes au niveau local « Il faut d’abord sensibiliser les femmes au niveau politique pour qu’elles soient plus confiantes, qu’elles sachent qu’elles peuvent être dans ces instances au niveau des communes. Parce que dans les campagnes, lors des élections locales ou nationales, ce sont les femmes qui sont à chaque fois mises au-devant. Ce sont elles qui mobilisent. Elles font tout le travail et en fin de compte ce sont les hommes qui se retrouvent dans les instances de décisions à leur détriment. Maintenant, les femmes en sont conscientes. Je suis personnellement membre d’un programme et nous sommes en train de sensibiliser vraiment les femmes pour que nous ayons le maximum de femmes maires pendant les prochaines élections locales. Parce qu’actuellement, sur les cinq cent cinquante-sept (557) communes que nous avons, nous n’avons que quinze (15) femmes élues maires, plus deux qui ont remplacé deux autres maires. Ce qui ne représente vraiment rien du tout. C’est pour cela que nous avons l’objectif d’avoir au moins 10% de femmes maires pendant les prochaines élections locales. Nous sensibilisons le maximum de femmes à apprendre, à développer leur leadership au niveau local, mais aussi à se battre pour accéder aux fonctions décisionnelles. Les partis aussi doivent investir les femmes. Une fois les femmes investies, que les partis les accompagnent afin qu’elles puissent faire une bonne campagne et accéder à ces postes de décision. Et même si elles ne sont pas élues maires, qu’elles soient au moins première adjointe. Quand un homme est maire, il faut systématiquement que le premier adjoint soit une femme. C’est aussi un combat que nous menons au niveau de notre parti. En tout cas, c’est ce que nous disons à nos femmes : allez-y, battez-vous, c’est votre droit le plus absolu !»
Madame Penda Ndiaye Cissé est conseillère technique du Président de l’Assemblée nationale et élue à la ville de Dakar et à la commune de Yoff.
Juriste de profession et coordinatrice de projet, elle s’occupe de tout ce qui est gestion de projet et partenariat à l’Assemblée nationale.
Elle est également consultante dans les secteurs de la santé et de l’éducation pour des partenaires au développement.