Auteur: COMITÉ AFRICAIN D’EXPERTS SUR LES DROITS ET LE BIEN-ÊTRE DE L’ENFANT (CAEDBE)
Type de publication : Rapport d’observation
Date de publication : 2017
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La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE/Charte africaine de l’enfant) prévoit la protection des droits de l’enfant regroupés sous 30 rubriques différentes. Par contre, outre les dispositions reconnaissant l’enfant en tant que titulaires de droits, la Charte, dans sa dernière disposition de fond, reconnaît également que les enfants sont titulaires de responsabilités.
Ainsi, l’article 31 de la Charte stipule que les enfants ont des responsabilités envers la famille, la société, l’État, les autres communautés juridiquement reconnues et la communauté internationale dans son ensemble. La Charte est donc unique en ce qu’elle met en évidence aussi bien les responsabilités que les droits de l’enfant. Cependant, cette disposition unique pose un défi de compréhension et d’appréciation des limites du champ des responsabilités de l’enfant qui, en même temps, jouit des droits garantis par la Charte.
L’article 42 de la Charte mandate le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant pour promouvoir et protéger les droits de l’enfant, notamment, en vertu de l’article 42(c), pour interpréter les dispositions de la Charte. Reconnaissant la nécessité de maintenir un équilibre entre la jouissance des droits et l’exercice des responsabilités chez l’enfant, cette Observation générale s’intéresse en particulier à ce point et oriente les parties prenantes dans la conceptualisation, l’interprétation et l’application des dispositions de l’article 31 de la Charte.
Peu d’instruments internationaux et régionaux contiennent des dispositions définissant les devoirs ou les responsabilités de l’individu. En effet, les instruments relatifs aux droits de l’homme sont avant tout conçus pour servir d’outils de protection des droits et non pour donner des devoirs aux titulaires de droits. Cependant, la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) contiennent des dispositions imposant des devoirs aux individus.
La CADHP présente une liste des devoirs de l’individu conformément aux traditions et valeurs historiques de la civilisation africaine. En conséquence, la CADHP établit l’équilibre entre les droits de l’individu et ses devoirs envers la société comme un aspect indispensable de la réalité africaine. Le contexte africain considère que l’individu fait partie intégrante de la communauté, au sein de laquelle l’exercice ou la jouissance des droits par l’individu dépend généralement des devoirs que d’autres individus de la communauté remplissent.
En effet, les instruments relatifs aux droits de l’homme sont avant tout conçus pour servir d’outils de protection des droits et non pour donner des devoirs aux titulaires de droits. Cependant, la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) contiennent des dispositions imposant des devoirs aux individus
En d’autres termes, l’individu a des devoirs par rapport aux droits des autres membres de la communauté et en tant que tels, envers la communauté dans son ensemble.
L’importance des droits communautaires ou collectifs dans le contexte africain est reflétée dans le titre même de la CADHP, qui souligne le fait que la communauté est une unité de la société au sein de laquelle les individus doivent coexister dans l’harmonie et la compréhension mutuelle. Cela est particulièrement pertinent dans le contexte des droits collectifs où la jouissance de ces derniers n’est possible que par l’accomplissement des devoirs individuels.
Les devoirs sont donc des éléments essentiels à la jouissance des droits. Dans l’ensemble, les responsabilités sont considérées comme complémentaires à la jouissance des droits fondamentaux.
La CADHP impose des devoirs positifs et négatifs pour s’assurer que les autres membres de la société jouissent des droits qu’elle leur accorde. Alors que les devoirs positifs exigent des actions particulières de la part des individus, les devoirs négatifs les obligent à s’abstenir de suivre une certaine conduite.
Cette Observation générale vise à donner un sens et une portée à l’interprétation et à la compréhension des responsabilités de l’enfant dans le contexte de la Charte africaine de l’enfant. Elle fait le point sur les obligations des États parties à la Charte (et d’autres parties prenantes) dans la mise en œuvre de l’article 31. Les principaux objectifs de cette Observation générale sont donc de clarifier les principes énoncés dans l’article 31 de la Charte africaine de l’enfant afin de fournir des orientations pratiques pour sa mise en œuvre.
Le Comité reconnaît la valeur des instruments antérieurs qui prévoyaient des devoirs et des droits, en particulier la CADHP qui a inspiré les dispositions relatives aux responsabilités de l’enfant dans la Charte africaine de l’enfant. Le Comité met l’accent toutefois sur les « responsabilités de l’enfant » et non sur les « devoirs de l’enfant » afin de ne pas confondre les devoirs auxquels fait référence la Charte africaine de l’enfant et les « devoirs juridiques », dont les violations entraînent des sanctions pénales.
Le Comité attend des États parties et d’autres parties prenantes qu’elles se servent des dispositions de l’article 31 comme d’un manuel ou d’une série d’instructions utile à former rapidement les enfants pour qu’ils deviennent des individus responsables et ultimement des adultes responsables de la société. Sur la base des principes inscrits à l’article 31, les enfants peuvent être guidés et encouragés à prendre de bonnes décisions à différents moments et dans différentes circonstances de leur vie. Ainsi, l’article 31 ne doit pas être interprété ou compris en ce sens que l’exercice des responsabilités est une condition de la jouissance des droits.
Les responsabilités de l’enfant telles que définies à l’article 31 de la Charte africaine de l’enfant révèlent la valeur accordée aux enfants depuis l’enfance en tant que participants et contributeurs actifs au bien de la société. C’est une reconnaissance des enfants et des jeunes en tant que citoyens qui contribuent à la société non seulement de l’avenir, mais d’ici et de maintenant.
L’objectif principal de la Charte est la promotion et la protection des droits légitimes et des intérêts sociaux de l’enfant. Le choix prudent et réfléchi des dispositions qui figurent dans l’article 31 de la Charte donne une indication claire de ce qui est prioritaire et important. En premier lieu, la Charte expose de manière très détaillée et complète les droits de l’enfant, sans aucunement les limiter. Ensuite, elle présente les responsabilités à la fin de la première partie, dans la section de la Charte qui traite des droits.
La réalisation de tous les droits de l’enfant repose sur quatre principes clés, à savoir les principes de non-discrimination (article 3) ; l’intérêt supérieur de l’enfant (article 4, paragraphe 1) ; le droit de l’enfant à la vie, à la survie et au développement (article 5) et le droit de l’enfant à être entendu, son droit à la participation (article 4(2) et 7). Ces quatre principes s’appliquent également à l’interprétation ou à l’application de l’article 31 de la Charte africaine de l’enfant.
Le droit de l’enfant à être entendu (droit de l’enfant à la participation) est un principe important qui valorise la contribution de l’enfant aux questions le concernant, y compris l’exercice des responsabilités. Il permet aux plus jeunes membres de la société de contribuer dans l’organisation de leur propre vie, de leur famille, de leur communauté et de la société dans son ensemble.
Le Comité met l’accent toutefois sur les «responsabilités de l’enfant» et non sur les «devoirs de l’enfant» afin de ne pas confondre les devoirs auxquels fait référence la Charte africaine de l’enfant et les «devoirs juridiques», dont les violations entraînent des sanctions pénales
La reconnaissance de la capacité de l’enfant à comprendre son propre environnement et le monde qui l’entoure rend possible sa participation active dans la promotion et la protection de ses droits et l’accomplissement de ses responsabilités. Grâce aux possibilités de développement des capacités de prise de décision et d’exercice des responsabilités adaptées à son âge et à son aptitude, l’enfant est outillé à prendre en charge sa vie à l’âge adulte.
L’article 21 de la Charte africaine de l’enfant protège les enfants contre les pratiques sociales et culturelles néfastes ayant un impact négatif sur leurs droits. Il interdit toute coutume et pratique préjudiciable à la santé et au bien être général de l’enfant, ainsi que toute coutume et pratique discriminatoire fondées sur le sexe, le genre, le handicap ou d’autres vulnérabilités ou d’autres statuts que peuvent subir les enfants. Il va plus loin en interdisant le mariage des enfants et les fiançailles des jeunes filles et garçons, appelant les États parties à la Charte à prendre des mesures en vue de l’élimination de ces pratiques négatives. Par conséquent, il n’est pas de la responsabilité des enfants à l’égard de la famille, de la communauté ou de n’importe qui d’autre d’être contraints ou d’être donnés en mariage.
En établissant un lien entre le contenu de l’article 15 et celui de l’article 31 sur les responsabilités de l’enfant, le Comité estime qu’aucun État partie n’est autorisé à imposer aux enfants l’obligation d’effectuer un travail assimilable à un travail infantile sous prétexte d’une quelconque « responsabilité ». Ce point est important parce que le travail est une responsabilité très sérieuse, et plus encore pour les enfants qui ne sont généralement pas aussi informés et outillés que les adultes en ce qui concerne le travail. Les États parties sont plutôt encouragés à adopter des mesures qui dissuadent les parents ou les tuteurs de confier aux enfants des responsabilités par rapport à des tâches assimilables au travail infantile qui sont préjudiciables à leur développement physique, mental, spirituel, moral ou social. Toute mesure contraire est une violation directe de l’esprit ou des intentions et objectifs de l’article 31.
En ce qui concerne la protection contre les abus, la violence, la torture ou les pratiques néfastes et abusives en général, il est important que les enfants apprennent à être des acteurs de leur propre protection. En d’autres termes, les enfants doivent être encouragés à participer aux efforts visant à les protéger du danger dans tous les contextes, y compris dans l’espace cybernétique, l’intimidation à l’école, etc. Ceci est particulièrement important à une époque de progrès technologiques rapides à laquelle les enfants sont raccord. Nonobstant les aspects positifs de ces avancées, les enfants sont également vulnérables à de nombreux dangers qui proviennent de l’accès à Internet et à la technologie mobile. On peut mentionner à titre d’exemples le contact avec des pédophiles, la pornographie infantile, la cyber intimidation et l’enrôlement par des groupes terroristes. Les enfants doivent donc apprendre à gérer leurs interactions avec la technologie de manière responsable pour ne pas s’exposer inutilement au danger. Les adultes qui ont différentes responsabilités vis-à-vis des enfants ont un rôle important à jouer dans la protection des enfants, en leur apportant une éducation adéquate sur les avantages et les risques qui en découlent et en leur donnant le sens de la responsabilité dans ces contextes.
La famille est une institution sociale qui est le socle de la société et il ne faut pas s’attacher à sa forme, mais plutôt aux éléments psychologiques qu’un tel environnement fournit ou représente. C’est, entre autres, un lieu de relations ou d’interactions personnelles (y compris informelles, spontanées et parfois frivoles), un lieu de sûreté, de sécurité, de stabilité, ainsi qu’un lieu où se construit l’estime de soi et le sens de la dignité humaine. Ceci est particulièrement important pour les enfants parce que l’existence d’un environnement familial approprié est fondamentale à la réalisation de leurs droits inscrits dans la Charte africaine de l’enfant. Cet environnement est particulièrement crucial pour la réalisation du droit de l’enfant à la vie, à la survie et au développement dans tous les aspects.
L’éducation est un outil important permettant aux enfants d’assumer leurs responsabilités et de les assimiler pleinement. Le Comité soutient le Comité sur les droits de l’enfant (CRC) qui a souligné dans son Observation générale sur « les objectifs de l’éducation » (2001) que l’éducation « dépasse de loin les limites de l’enseignement scolaire formel et englobe toute la série d’expériences de vie et des processus d’apprentissage qui permettent aux enfants, individuellement et collectivement, de développer leur propre personnalité, leurs talents et leurs capacités et de vivre une vie pleine et satisfaisante au sein de la société ». Ainsi, l’éducation a pour objectif de doter l’enfant des aptitudes nécessaires à la vie qui lui permettent de développer ses capacités à devenir un individu à part entière qui contribue de façon positive à la société.
La famille est une institution sociale qui est le socle de la société et il ne faut pas s’attacher à sa forme, mais plutôt aux éléments psychologiques qu’un tel environnement fournit ou représente
Ainsi, une éducation appropriée est vitale à la fois pour la jouissance des droits et l’exercice approprié des responsabilités. Un enfant bien éduqué est mieux à même de promouvoir les droits de l’homme, de développer son plein potentiel et d’apprécier les responsabilités comme un moyen positif de restitution.
L’objectif de l’éducation visant à promouvoir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales consiste également à enseigner aux enfants, conformément à leurs capacités évolutives, à agir de manière responsable afin que tous les efforts visant à concrétiser leurs droits éducatifs produisent les résultats souhaités. Par exemple, les enfants doivent non seulement aller à l’école, mais ils doivent également respecter leurs enseignants et les autres membres du personnel de l’administration scolaire et de l’ensemble du système éducatif.
Ils doivent également entretenir de bonnes relations avec leurs camarades et jouer avec les autres enfants dans un esprit de respect, de tolérance et d’égalité.
Les enfants ont la responsabilité de donner le meilleur d’eux-mêmes dans leurs études afin d’apprendre et de maîtriser les compétences enseignées tout en respectant les droits des autres à apprendre.
L’article 12 de la Charte reconnaît aux enfants le droit au repos et à la détente, au jeu et aux activités récréatives, ainsi qu’à participer à la vie culturelle et artistique en fonction de l’âge de l’enfant. Ce sont des facteurs importants pour la bonne croissance, la socialisation et le développement de l’enfant. Ils sont également utiles dans le contexte de l’apprentissage et de la gestion des responsabilités. Le sommeil est un ingrédient fondamental pour la croissance physique, mentale et d’autres formes de croissance, en particulier pour les enfants qui ont généralement un besoin plus important en sommeil que les adultes.
Dans le contexte d’un conflit armé, aucun enfant ne doit être recruté dans l’armée ou ne doit servir directement les forces militaires pour la réalisation des objectifs d’un conflit. L’obligation qui pèse sur les États parties de protéger et de prendre soin des enfants touchés par une situation de conflit n’autorise pas l’implication directe ou indirecte des enfants dans les conflits. Cependant, les enfants touchés par des conflits armés ont le devoir de coopérer avec l’État en acceptant les soins et la protection offerts par l’État ou un autre organisme, conformément au droit international humanitaire, et sans compromettre ni nuire aux efforts de l’État ou de l’organisme fournissant ces soins et cette protection.
Par le biais de l’article 31, la Charte donne la possibilité aux enfants de participer à toute décision les concernant et prendre part à la vie de la famille, à la vie de la communauté et à celles d’autres structures les concernant. Cela est en accord avec le droit à la participation des enfants, tel qu’énoncé à l’article 7 de la Charte, entre autres. La participation des enfants implique leur implication à différents stades et par divers moyens allant de l’expression verbale et non verbale à l’engagement physique ou l’implication dans la vie des différentes structures auxquelles ils appartiennent.
L’un des objectifs de la participation des enfants est de faire en sorte que les enfants acquièrent une certaine expérience de base des aspects essentiels de la vie tout en traçant le chemin qui les mène à l’âge adulte. Cela permet aux enfants de ne pas entrer à l’âge adulte sans y être préparés, sans avoir les moyens et les compétences nécessaires pour fonctionner de manière efficace en tant qu’adultes responsables dans la société.
Le deuxième élément dont dépend l’article 31 est la limitation imposée par la Charte elle-même, ainsi que par d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme. En vertu du paragraphe 3 de l’article 1 de la Charte, toute pratique, y compris la « responsabilité » qui est incompatible avec les droits, devoirs et obligations contenus dans la Charte doit être découragée. C’est en cela que la Charte est conforme à son rôle d’instrument de promotion des droits de l’enfant et de leur protection contre des pratiques contraires au bien-être de l’enfant.
La responsabilité, pour l’enfant, de servir la communauté doit se faire à l’aune de la contribution inestimable qu’apporte le travail au développement individuel et à la croissance personnelle de l’enfant. Dans l’exercice de ses responsabilités envers la communauté, l’enfant doit socialiser avec les autres, acquérir des compétences de base et l’expérience nécessaires pour son plein développement et sa survie future. Il s’agit des compétences telles que le leadership, l’empathie, l’intelligence émotionnelle et les compétences organisationnelles. En fonction du type d’activités exercées pendant les heures de travail, le travail lui-même peut constituer une partie importante de l’exercice physique et intellectuel des enfants. Vu sous cet angle, le travail peut être bénéfique à la fois à l’enfant et à la communauté.
La responsabilité des enfants de préserver et de renforcer la solidarité nationale est clairement liée au droit des enfants à la participation, y compris les droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association, entre autres.
Ainsi, cette responsabilité devrait être considérée comme une responsabilité qui renforce les droits de l’enfant généralement prévus dans la Charte, tout en contribuant à établir un équilibre avec les droits des autres enfants, des adultes, des communautés et de la nation dans son ensemble.
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