Auteur : Comité Africain d’Experts sur les Droits et le Bien-être de l’Enfant
Organisation affiliée : Union Africaine
Type de publication : Rapport d’observation
Date de publication : 2014
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Le Comité définit l’enregistrement des naissances comme étant : l’enregistrement officiel de la naissance d’un enfant par une autorité administrative étatique d’un certain niveau, et coordonné par un secteur particulier du gouvernement. Il s’agit d’un enregistrement permanent et officiel de l’existence d’un enfant. Idéalement, l’enregistrement des naissances fait partie d’un système efficace d’enregistrement des actes d’état civil qui reconnaît l’existence de la personne devant la loi, établit les liens familiaux de l’enfant et suit les grands événements de la vie d’un individu.
L’enregistrement des naissances est un processus qui commence dès que l’enfant est né. Il commence par une notification de naissance émise par un hôpital, une sage-femme, un chef traditionnel, un chef ou un parent, selon le cas et la notification est portée par un parent au bureau de l’état civil pour déclarer la naissance et demander un acte de naissance. Dans certains cas, l’hôpital envoie directement la notification de naissance au bureau de l’état civil. Le processus est généralement le suivant: Naissance – Notification – Déclaration – Enregistrement – Délivrance d’un acte de naissance. Le Comité encourage les États parties à simplifier ce processus de manière à ce que l’acte de naissance puisse être délivré dans les plus brefs délais possibles, après la déclaration et l’enregistrement de l’enfant.
Dans de nombreux pays, un acte de naissance n’est délivré que sur demande, et bien souvent les parents doivent fournir un effort supplémentaire pour l’obtenir, notamment de nouvelles visites aux bureaux d’état civil, lesquelles entraînent des coûts supplémentaires de transport.
Il est également de la responsabilité de l’État de délivrer l’acte de naissance, gratuitement, immédiatement après l’enregistrement de la naissance. Dans de nombreux pays, un acte de naissance n’est délivré que sur demande, et bien souvent les parents doivent fournir un effort supplémentaire pour l’obtenir, notamment de nouvelles visites aux bureaux d’état civil, lesquelles entraînent des coûts supplémentaires de transport. La première copie de l’extrait d’acte de naissance (acte de naissance abrégé) devra être délivrée immédiatement après l’enregistrement.
Il devrait être possible pour les deux parents ou l’un d’eux de faire enregistrer l’enfant, et dans le cas des enfants orphelins ou abandonnés, la législation devrait désigner d’autres autorités pour les faire enregistrer. Pour que le droit d’être enregistré à la naissance soit effectif, le Comité estime qu’il doit être universel, gratuit et accessible et exercé immédiatement après la naissance d’un enfant. Ces trois caractéristiques sont examinées tour à tour dans la présente Observation générale.
Les enfants ayant une forme quelconque d’handicap physique, mental, intellectuel ou sensoriel doivent également être enregistrés en vue de réaliser l’universalité de l’enregistrement des naissances. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine) a souligné la nécessité de protéger la dignité des personnes vivant avec un handicap mental. Elle a déploré le fait que certaines législations nationales étiquettent ces personnes en utilisant des termes tels que « déments » ou « idiots », termes qui, sans nul doute, les déshumanisent et leur dénient toute forme de dignité, en violation de l’article 5 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. La Commission africaine a souligné que les personnes vivant avec un handicap mental aimeraient également partager les mêmes espoirs, rêves et objectifs ; et ont les mêmes droits de réaliser ces espoirs, rêves et objectifs que tout être humain.
Pour que le droit d’être enregistré à la naissance soit effectif, le Comité estime qu’il doit être universel, gratuit et accessible et exercé immédiatement après la naissance d’un enfant
Le Comité insiste sur le fait que les personnes handicapées ne peuvent aspirer aux espoirs, rêves et objectifs ci-dessus, que si leur naissance a été dûment enregistrée. Le Comité note que les lois discriminatoires et déshumanisantes à l’encontre des personnes handicapées suscitent chez les parents la peur de faire enregistrer un enfant né avec un handicap. La réalisation de l’obligation des États parties de ne pas discriminer les enfants nés avec un handicap signifie que les États parties doivent prendre des mesures spéciales en faveur de la protection de leurs droits, dès leur naissance en s’assurant qu’ils sont dûment enregistrés.
Le Comité note que l’enregistrement des enfants nés avec un handicap augmente les chances de leur inclusion dans des politiques et programmes spécifiques visant à s’assurer qu’ils soient traités avec dignité et qu’ils soient harmonieusement intégrés dans leur société. Ces politiques et programmes comprennent des régimes d’éducation adaptée à leur condition (comme le braille pour les aveugles, la langue des signes pour les sourds, des enseignants formés de manière appropriée et adéquate, et capables d’utiliser des stratégies axées sur l’enfant et individualisées, des matériels didactiques, équipements et appareils appropriés et acceptables), soins de santé, subventions sociales, prestations de sécurité sociale, etc.
Le Comité souligne le fait que l’enregistrement des naissances profite non seulement aux réfugiés, mais facilite également leur retour dans leurs pays d’origine. Il les aide également à prouver leur identité et leur filiation lors de leur retour dans leur pays d’origine, aux fins de leur réinstallation sur leurs terres familiales ou de revendication de ces dernières devant divers tribunaux et autorités. Cette preuve d’identité est également cruciale pour le regroupement familial dans les situations où les membres de la famille auraient été dispersés dans différents endroits. Pour les pays d’origine, l’enregistrement des naissances, à long terme, permet le retour volontaire des réfugiés vers leur pays d’origine.
Le Comité tient à souligner que l’enregistrement des naissances et la délivrance d’un acte de naissance correspondant, pour les enfants réfugiés et enfants nés de demandeurs d’asile, ne signifient pas l’octroi d’une nationalité. Les conditions d’acquisition et d’octroi de la nationalité sont établies séparément dans la législation sur la nationalité des États parties. L’enregistrement des naissances est tout simplement un acte de reconnaissance juridique de ces enfants par le pays d’accueil qui leur permet d’avoir une identité juridique.
Le Comité note que, bien que la nationalité s’acquière normalement de manière indépendante et que l’enregistrement des naissances, en soi, ne confère normalement pas la nationalité à l’enfant concerné, l’enregistrement des naissances constitue une forme essentielle de la preuve du lien entre un individu et un État et permet ainsi de prévenir l’apatridie.
Le Comité considère que les enfants en situation irrégulière se situent (au moins) dans un des cinq groupes: les enfants sans-papiers, les enfants nés de parents sans papiers, les enfants dont le statut migratoire est devenu irrégulier du fait de l’expiration de visas ou de titres de séjour de leurs parents ou tuteurs dans un pays donné, les enfants en situation régulière (sans nécessairement avoir de papiers) mais dont les parents ou tuteurs sont sans papiers ou les enfants nés de parents dont l’expulsion a été suspendue en raison de circonstances justifiables au regard du droit international ou du droit international humanitaire, mais a qui il n’a pas été octroyé de documents.
L’article 30 de la Charte exige que les États parties « s’engagent à prévoir un traitement spécial pour les mères de nourrissons et de jeunes enfants qui ont été accusées ou jugées coupables d’infraction à la loi pénale. » Bien que la disposition interdise l’emprisonnement d’une mère avec son enfant, le Comité est conscient du fait qu’il existe un grand nombre d’enfants qui vivent en prison avec leur parent, la mère le plus souvent.
Les enfants dont les parents sont détenus ou emprisonnés sont un groupe invisible et très vulnérable dont les droits et le bien-être sont affectés à chaque étape de la procédure pénale à l’encontre de leur parent. Cela devient encore plus grave si ces enfants n’ont pas été enregistrés à la naissance. L’enregistrement des naissances doit être rendu gratuit par le biais de procédures d’enregistrement universelles, accessibles, simples, rapides et efficaces, sans discrimination aucune. L’enregistrement tardif des naissances doit être autorisé et gratuit, ou effectué à faible coût.
Ces politiques et programmes comprennent des régimes d’éducation adaptée à leur condition (comme le braille pour les aveugles, la langue des signes pour les sourds, des enseignants formés de manière appropriée et adéquate, et capables d’utiliser des stratégies axées sur l’enfant et individualisées, des matériels didactiques, équipements et appareils appropriés et acceptables), soins de santé, subventions sociales, prestations de sécurité sociale
Le Comité note que les États parties qui ont mis en place un système d’enregistrement des naissances utilisant de préférence l’interconnexion moderne entre hôpitaux, cliniques et dispensaires (si nécessaire), les autres services sociaux comme l’éducation, la santé, les services d’identification personnelle et électoraux et les bureaux nationaux de statistiques, ont obtenu de meilleurs résultats que ceux qui ne n’ont pas mis en place un tel système.
Dans les lieux où l’inter connectivité numérique n’est pas encore disponible, le Comité encourage les systèmes nationaux d’état civil d’établir une collaboration avec les hôpitaux, les cliniques et les dispensaires, ainsi que les bureaux nationaux de statistiques en vue d’un échange rapide d’informations, et d’une maximisation de chances de récupérer des données perdues.
Les États parties doivent mettre en place un cadre juridique pour la protection des données personnelles sensibles, y compris celles relatives à l’enregistrement des naissances et d’autres données relatives aux actes d’état civil. La protection des données personnelles sensibles, informatisées ou manuelles entraine une obligation supplémentaire d’assurer l’intégrité, la confidentialité et la disponibilité des données recueillies. L’intégrité signifie que les données doivent être gardées authentiques, complètes et préservées contre tout risque de destruction ou de modification abusive ou accidentelle.
Les actes de naissance devraient inclure un système de sécurité ou des systèmes permettant de détecter la fraude ou l’altération, et constituant une mesure préventive contre l’usage frauduleux. L’intégrité fait également référence à l’intégrité des ordinateurs, des réseaux et des logiciels qui composent le système d’enregistrement des faits d’état civil. La confidentialité implique la préservation des restrictions autorisées sur l’accès et la divulgation, y compris des moyens de protection de la vie privée et des données exclusives. La disponibilité vise à assurer un accès rapide et fiable aux données qui doivent être disponibles pour faciliter leur récupération en cas de besoin. En cas d’usage de dossiers manuels, ceux-ci doivent être systématiquement stockés et répertoriés pour que la récupération, modification ou mise à jour des données soit possible.
Des mesures de sauvegarde doivent être mises en place pour s’assurer que les données ne soient pas complètement perdues en cas de destruction de l’information originale par une variété d’événements perturbateurs possibles, tels que les catastrophes naturelles, guerres , accidents , pannes de courant ou attaques.
La Charte africaine prévoit l’enregistrement de chaque enfant immédiatement après la naissance. Le Comité interprète «immédiatement» comme signifiant aussitôt que possible, étant donné les pratiques culturelles et locales liées à la maternité et à l’éducation de l’enfant. Le Comité est d’avis que par « immédiatement » après la naissance, les rédacteurs de la Charte souhaitaient que l’enregistrement des naissances se produise dans les quelques jours ou quelques semaines après la naissance et non pas des mois ou des années plus tard. Le Comité souhaite particulièrement attirer l’attention des États parties que « immédiatement après la naissance » ne doit pas être interprété comme signifiant «dans un délai raisonnable après la naissance».
Cette interprétation de l’expression « immédiatement après la naissance» devra donc guider la législation nationale sur l’enregistrement des naissances, laquelle devra indiquer le nombre de jours pendant lesquels un enfant doit être enregistré après la naissance. Évidemment, la coutume et les pratiques liées à la période post-natale par exemple lorsque les mères restent cloîtrées pendant un certain temps, ou lorsque les cérémonies d’attribution du nom sont retardées pendant une courte période doivent être prises en compte.
Les États parties doivent mettre en place un cadre juridique pour la protection des données personnelles sensibles, y compris celles relatives à l’enregistrement des naissances et d’autres données relatives aux actes d’état civil
Le Comité est d’avis que, conformément à la pratique actuelle, la législation doit en premier lieu confier l’obligation de faire enregistrer la naissance d’un enfant à ses parents. En d’autres termes, l’enregistrement de la naissance d’un enfant devrait être rendu obligatoire par la loi. Le Comité est conscient des justifications du non enregistrement des naissances que les parents peuvent avancer notamment le transport et les coûts associés.
Le Comité est néanmoins d’avis que l’impact de ces éléments dissuasifs peut être atténué par la suppression ou l’abolition d’autres frais liés à l’enregistrement immédiat, l’enregistrement tardif ou l’obtention d’actes de naissance ou d’extraits d’acte de naissance. Le droit à une nationalité revêt une importance centrale pour la reconnaissance et le respect des autres droits: ainsi la prévention de l’apatridie, y compris l’apatridie des enfants, est un principe fondamental du droit international des droits de l’homme.
Le Comité d’experts a indiqué que, « un des principaux objectifs de l’article 6, en particulier l’article 6 al. 4, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, est de prévenir et/ ou réduire l’apatridie.» Une personne qui est apatride est « une personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation.» Cette définition, figurant à l’article 1.1 de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, a été reconnue par le Comité comme faisant partie du droit international coutumier.
Les articles 6 al. 3 et 6 al. 4 de la Charte africaine réaffirment le principe international énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme à l’article 15 al. 1 selon lequel «Toute personne a droit à une nationalité.» Plus particulièrement, l’inclusion de l’article 6 al. 4 dans la Charte africaine est un signe de reconnaissance par les États africains que l’absence du droit à une nationalité, le manque de reconnaissance d’un individu comme participant à part entière à la vie politique et sociale du pays où il est né et a vécu toute sa vie, a été au centre de la plupart des crises politiques africaines les plus difficiles, et des conflits civils. Veiller à ce que tous les enfants aient une nationalité à la naissance n’est pas seulement dans l’intérêt supérieur de l’enfant et du futur adulte, mais aussi dans celui des États parties à la Charte africaine.
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