Vue d’ensemble
Des 73 candidats à l’élection présidentielle, seuls deux étaient considérés comme les grands favoris des élections générales de 2019 au Nigéria. Muhammadu Buhari, le président sortant et membre du parti All Progressives Congress (APC), et Atiku Abubakar, l’ancien vice-président et membre du parti People’s Democratic Party (PDP), parti de l’opposition. Ces deux candidats se disputaient la direction du pays le plus peuplé en Afrique. Pour sortir vainqueur, un candidat doit obtenir vingt-cinq pourcent (25%) des voix dans au moins les deux tiers des trente-six Etats du Nigéria.
Certains des problèmes au coeur du débat électoral de cette année étaient la corruption, la pauvreté, la question de Boko Haram, la mauvaise gestion des énormes réserves de pétrole du pays et l’économie.
Les deux pionniers que sont Buhari et Atiku ont plus de 70 ans. Un contraste frappant avec la population nigériane dans laquelle 51% a moins de 35 ans. L’avocate Eunice Atuejide (40 ans), l’homme d’ affaires Chike Ukaegbu (35 ans) et Adama Garbo (35 ans ) étaient parmi les candidats les plus jeunes . Pourtant ces jeunes candidats issus de partis politiques de moins grande envergure ont été incapables de recueillir le soutien et l’attention en comparaison avec leurs ainés.
Certains des problèmes au coeur du débat électoral de cette année étaient la corruption, la pauvreté, la question de Boko Haram, la mauvaise gestion des énormes réserves de pétrole du pays et l’économie, spécialement après le léger regain économique que connaît le Nigéria depuis la récession de 2016.
Qui est Muhammadu Buhari, le president réélu?
Muhammadu Buhari, 76 ans, est arrivé au pouvoir pour la première fois dans les années 1980 comme un chef militaire. Durant les élections de 2015, Buhari a capitalisé sur son passé de militaire en se présentant aux populations comme un chef rigoureux et juste. Cela s’est avéré être un atout pour sa campagne. Il s’est opposé à l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, et est devenu le premier candidat de l’opposition à battre un président sortant depuis le retour à un régime démocratique en 1999 au Nigéria. Le programme de campagne de Buhari en 2015 était basé sur des objectifs tels qu’éliminer la corruption, mettre fin à l’insurrection de Boko Haram et redynamiser l’économie du Nigéria.
En 2019, Buhari a promis de faire franchir une “nouvelle étape” au Nigéria. Il a demandé au peuple nigérian de lui renouveler sa confiance afin qu’il puisse poursuivre les accomplissements entamés lors de son premier mandat. Pour beaucoup, les qualités que Buhari présente comme faisant de lui un bon candidat présidentiel, sont devenues des handicaps. En fait, une grande partie de l’opinion publique au Nigéria soutient que le gouvernement de Buhari n’a fait qu’aggraver l’état déjà pitoyable du Nigéria.
Qui est Atiku Abubakar, la candidat battu?
Atiku Abubakar était le principal adversaire de Buhari à l’élection présidentielle de 2019. Il a exercé les fonctions de vice-président du Nigéria entre 1999 et 2007. Les élections générales de 2019 ont étées la quatrième tentative d’Abubakar pour devenir président du Nigéria. Au cours de la campagne, M. Abubakar a souligné les graves lacunes du régime de Buhari, notamment la grande pauvreté dans le pays, le taux de chômage important des jeunes, ainsi que la menace croissante que Boko Haram fait peser sur la sécurité du Nigéria.
Trouble aux urnes
Les élections générales de 2019 au Nigéria ont connu un début difficile. Les élections, qui devaient se dérouler le samedi 16 février, ont été reportées au samedi 23 février, cinq heures seulement avant l’ouverture des bureaux de vote. Le directeur de la Commission électorale nationale indépendante (INEC), Mahmood Yakubu, a affirmé que cette décision était motivée par des raisons logistiques et non par des pressions politiques. Néanmoins, l’APC (All Progressives Congress) de Buhari et le PDP (People’s Democratic Party) de Abubakar ont chacun accusé l’autre parti d’ingérence dans les affaires de l’INEC dans le but d’influencer le résultat des élections. Buhari est même allé jusqu’à appeler à une action militaire contre les personnes qui tentent de commettre une fraude, remarque considérée par beaucoup comme incendiaire en période de tensions exacerbées.
Des actes de violence ont été signalés au cours de la campagne électorale, avec 260 décès signalés entre octobre 2018 et février 2019. 39 cas de décès ont été signalés le jour du scrutin. Quelques jours à peine avant les élections, trois bureaux de vote contenant du matériel électoral dans les Etats d’Abia, d’Anambra et de Plateau ont été incendiés, ce que les responsables ont considéré comme une tentative de saboter le processus électoral.
Participation
Le Nigéria compte environ 190 millions d’habitants et sur les 84 millions de personnes inscrites sur les listes électorales (soit environ 44%), seules 73 millions ont leur carte d’électeur. Le taux de participation à cette élection était le chiffre le plus bas de l’histoire du Nigéria. Seul 35,6% des électeurs ont voté, contre 43,7% des nigérians ayant voté aux élections générales de 2015. Le report de l’élection du 16 au 23 février a été l’une des causes de la faible participation électorale. Les électeurs sont tenus de voter dans le district où ils sont enregistrés. Les personnes qui ont déjà voyagé pour la première date des élections n’ont peut-être pas les moyens ni la motivation de voyager à nouveau.
De nombreuses personnes ont affiché un désintérêt pour le vote en raison de la méfiance et de la déception suscitées à l’encontre du gouvernement nigérian. Le premier mandat de Buhari a suscité des réactions mitigées. Beaucoup estiment qu’il n’avait pas fait suffisamment d’efforts pour sortir le pays de son marasme économique ou pour s’acquitter de sa promesse de mettre fin à la corruption.
Conclusion
Cette année marque les vingt ans d’une démocratie ininterrompue au Nigéria. Le 27 février, l’INEC, l’organe chargé de superviser les élections au Nigéria, a confirmé que Muhammadu Buhari avait été réélu pour un second mandat, battant ainsi son principal adversaire, Atiku Abubakar. Bien que des rapports indiquent que Buhari a remporté avec une marge de près de quatre millions de voix, l’opposition conteste les résultats, relevant une incohérence dans les données.
Photo credit: Tell Us Naija
Kristina Ohemeng est étudiante en Sciences politiques, études françaises et francophones à l’Université Columbia aux Etats Unis. Elle est actuellement stagiaire à WATHI. Elle soutient le travail de l’équipe dans la recherche et la création de contenu.