Aboubakar Alfa Ba & Iris Sanner
Contexte électorale
Reconnu comme une démocratie stable depuis plus de trente-ans, le Ghana a connu récemment un contexte électoral marqué par une profonde crise socio-économique, un risque d’escalade de la violence, et une désinformation galopante, favorisée par un environnement fertile à la propagation. Les Ghanéens étaient conviés aux urnes le 07 décembre 2024, afin d’élire leur futur Chef d’État, ainsi que les 276 futur(e)s députés, conformément au processus électoral régi par la constitution de 1992.
Les élections générales au Ghana s’inscrivent dans un espace ouest-africain qui connaît une régression démocratique, avec une multiplication de coups d’États, et un rétrécissement flagrant de l’espace public. Cette situation alimente davantage les craintes au sein des populations. Le Ghana se livre à un réel challenge électoral, surtout après les élections de 2020, qui s’étaient soldées par des contestations, notamment du candidat du Congrès Démocratique National (NDC), John Mahama qui accusait le camp au pouvoir de fraude électorale. Ce contentieux électoral avait été résolu par voie judiciaire.
Cette 9ème élection présidentielle et législative depuis la fin du régime militaire représente une véritable bataille électorale pour les deux principaux partis : Le Nouveau parti patriotique (NPP) et le Congrès Démocratique National (NDC). Les deux principaux partis a une bataille pour le contrôle du pouvoir, avec à la tête du NPP, l’ex vice-président, Mahamudu Bawumia et John Mahama à la tête du parti d’opposition. Ce dernier déclarait d’ailleurs que ces élections de 2024 sont une affaire de vie ou de mort, soulignant ainsi l’enjeu crucial du scrutin.
Sur 34 719 816 millions d’habitants, environ 18,7 millions d’électeurs inscrits sur les listes étaient appelés à voter le 07 Décembre 2024. Le Président est élu pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, sans possibilité d’exercer plus de deux mandats consécutifs. Le processus électoral repose sur un système à deux tours. Au premier tour, les candidats sont élus à la majorité des voix avec au moins 51% des suffrages exprimés.
Le Ghana se livre à un réel challenge électoral, surtout après les élections de 2020, qui s’étaient soldées par des contestations, notamment du candidat du Congrès Démocratique National (NDC), John Mahama qui accusait le camp au pouvoir de fraude électorale. Ce contentieux électoral avait été résolu par voie judiciaire
En l’absence de majorité, un second tour est organisé entre les deux meilleurs candidats du premier tour. Pour cette élection présidentielle, 12 candidats ont été retenu, dont 11 hommes et une seule femme. Les Ghanéens sont aussi appelés aux urnes pour élire les 276 membres du parlement. C’est un scrutin uninominal majoritaire à un tour, ce qui veut dire que dans chaque circonscription c’est le candidat qui a remporté le plus de voix qui l’emporte, pour une durée de quatre ans.
La campagne électorale révélait déjà les prémices d’une élection serrée. Au cœur des débats électoraux, la régression de l’économie occupait une place prépondérante et animait les échanges et discussions. L’économie, étant un enjeu majeur de cette élection, était étroitement liée avec la question du chômage des jeunes. Ces derniers constituent la composante la plus importante de l’électorat ghanéen.
Une nouvelle alternance politique au Ghana
Le samedi, 07 décembre 2024, 18 millions de ghanéens se sont rendus aux urnes afin d’élire le futur chef d’État de la République du Ghana. Dans un communiqué officiel, les autorités avaient annoncé des restrictions de déplacements inter-régions, afin de garantir la sécurité et le bon déroulement du scrutin.
Globalement, le vote s’est déroulé de manière pacifique et sans heurts. À l’exception d’un incident dans la banlieue de Tamale, dans le nord du Ghana, où une distribution de billets à des électeurs a provoqué un conflit causant la mort d’une personne. Toutefois, la Commission électorale a affirmé que le vote s’est déroulé de manière transparente, juste et inclusif.
Dans ce pays de plus de 34 millions d’habitants. Les bureaux de vote étaient bondés de monde, animés par un enthousiasme grandissant des populations d’accomplir leur devoir civique. Au lendemain des élections, les premiers résultats ont placé Mahama gagnant avec plus de 50 % des voix au moment des premiers dépouillements. L’ancien vice-président et candidat n’a pas attendu que les dépouillements dans les 276 circonscriptions soient effectués pour reconnaître sa défaite. “Je fais ce discours de concession avant l’annonce officielle de la Commission électorale pour éviter de nouvelles tensions et préserver la paix de notre pays”, a déclaré Bawumia.
L’humilité dont a fait preuve Bawumia en reconnaissant directement sa défaite est un cas assez rare pour être relevé dans une région où les élections sont souvent un moment de tensions et de crispations. Cette transition pacifique a aussi été saluée par Mahama sur le réseau social X, où il déclarait : “j’ai reçu ce matin un appel de félicitations de mon frère, le Dr Bawumia, suite à ma victoire catégorique aux élections de samedi. Merci, Ghana”. À juste titre, la victoire de Mahama est une des plus larges victoire depuis 24 ans. Le 09 Décembre 2024, soit deux jours après les élections, la commission électorale confirme officiellement les résultats. Le candidat du NDC, John Mahama est victorieux au premier tour, avec 56, 55% des voix, alors que le candidat du NPP perd avec 41, 01 des suffrages exprimés.
Du côté du Parlement ghanéen, 185 sièges sur les 276 ont été remportés par le NDC, sachant qu’il faut 139 sièges pour avoir une majorité. En face, le NPP, obtient 80 sièges. Les Ghanéens ont donc affirmé leur volonté d’une rupture nette avec l’ancien parti présidentiel.
Un exemple de démocratie et d’alternance pacifique
Ces élections sont un exemple concret de l’usage du vote comme outil de « sanction démocratique ». Les électeurs ont manifesté le jour du scrutin leur mécontentement face aux deux mandats de Nana Akufo-Addo en refusant d’octroyer un mandat de plus à son parti le NPP. C’est un message clair envoyé aux élites de la nation : le vote citoyen ne sera plus dicté par une affiliation politique, religieuse ou géographique mais bien par le bilan des performances économiques, politiques et sociales des partis au pouvoir. Il s’agit principalement d’une volonté de censure des mauvaises pratiques de gouvernance qui se sont multipliées sous le NPP, tel que la corruption, le népotisme ou encore la distribution de positions stratégiques à des proches et familles du régime.
Cette victoire marque donc le grand retour du NDC au pouvoir, mais contrairement à son prédécesseur, Jerry Rawlings fondateur du NDC, Mahama revient au pouvoir par les urnes. Le nouveau président du Ghana a déjà été président de 2012 à 2017. Mais le vote populaire le sanctionne en 2020 en élisant à nouveau Nana Akufo-Addo.
Le mandat de Mahama avait été marqué par une des pires crises énergétiques du Ghana ainsi que plusieurs scandales de corruption. Le nouveau Président promet d’impulser de nouvelles politiques ambitieuses pour juguler la crise économique que subit le Ghana actuellement. A ses côtés, il a désigné Jane Naana Opoku Agyemang pour l’épauler, pour la première fois une femme est nommée vice-présidente du Ghana.
Crédit photo: AllAfrica
Aboubakar Alfa Bah est assistant de recherche à WATHI. Il s’intéresse aux questions liées aux inégalités sociales, à la politique et à la sécurité en Afrique de l’Ouest et dans les pays du sud. Alfa est étudiant en Master de Science politique et relations internationales. Iris Sanner est étudiante en Master de Science politique, parcours Politique comparée Afrique Moyen-Orient à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle s’intéresse aux questions de mémoires politiques et de rapport à la démocratie en Afrique. Elle est stagiaire en recherche à WATHI.