Auteur: Mohamed Abdallahi Boussery
Date de publication: 22 Mai 2019
Source : Alakhbar
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Bientôt, nous allons élire un Président qui assumera la plus haute fonction du pouvoir exécutif. Voter pour un candidat aux élections présidentielles est un devoir civique, mais aussi une très lourde responsabilité, celle de choisir la personne qui va décider du destin de toute une nation.
De ce point de vue, ce choix libre et citoyen peut être assimilé à une responsabilité délictuelle, c’est-à-dire l’obligation d’un individu de répondre de ses actes, lorsque ceux-ci entraînent une situation portant préjudice à autrui. Cette responsabilité est comparable en termes de risque à celle de la sélection, s’il nous est donné d’en avoir l’opportunité, du pilote qui sera aux commandes d’un vol de nuit que nous devons prendre dans de mauvaises conditions météo.
En effet, choisir son président de la République c’est choisir son pilote de ligne ! Toute proportion gardée, le rapprochement peut être fait à plusieurs niveaux. En terme de responsabilité, le pilote et le président assurent la sécurité et le bien-être des personnes qui sont à leur charge : l’un ses passagers ; l’autre tout un peuple.
Concernant leurs facultés et compétences, chacun doit avoir une bonne vision, au sens propre pour le premier et figuré pour le second. Ces deux commandants de bord doivent partager la clairvoyance et la capacité d’anticipation en plus du sang-froid et des bons réflexes.
Voter pour un candidat aux élections présidentielles est un devoir civique, mais aussi une très lourde responsabilité, celle de choisir la personne qui va décider du destin de toute une nation
Une haute technicité et une bonne planification sont aussi exigées pour chacun dans son domaine de compétence. Le travail du pilote et du président ne commence pas au moment du décollage ou de l’investiture, mais bien plus tôt. Pour éviter de naviguer à vue, chacun doit préparer minutieusement son plan de « vol » et ses instruments de « navigation ».
Dans le cockpit ou le « Palais gris », le pilote et le président doivent rester constamment les yeux rivés sur leur tableau de bord. Même s’ils scrutent le ciel en permanence, ils doivent toujours avoir les pieds sur terre, car leur autorité peut faire face à des contrepouvoirs : la tour de contrôle et le Parlement ou le Conseil constitutionnel, etc.
Dans la pratique, ces critères de choix, s’ils sont toujours appliqués pour la sélection du pilote, ne sont malheureusement pas de rigueur dans l’élection du Président de la république. Ainsi, nous ne pourrons jamais attribuer, s’il nous en était donné l’occasion, une licence de vol à un aviateur, fut-il un parent, un ami ou quelqu’un qui pourrait nous couvrir de faveurs. Et nous n’avons pas besoin d’une culture civique pour lui refuser ce privilège. Le crash étant inévitable, l’instinct de survie et le sens aigu de responsabilité donneront l’alerte aussitôt !
Par contre dans la vie politique, tout est permis en l’absence de civisme et d’attachement à la patrie. Un électorat non avisé, peut mandater un président de la république sans mesurer les risques. Enfin, si aucun aviateur au monde ne peut exercer sans disposer d’une licence valide, un chef d’Etat du Tiers-monde peut exercer son pouvoir suprême sans aucun mandat légitime.
En Mauritanie où l’avènement de la démocratie n’a pas été accompagné par une bonne éducation citoyenne, les chaudes compétitions électorales, les sentiments d’appartenance sectaire et les discours politiques perfides ont souvent poussé des citoyens à faire des choix dictés par les sentiments et non par la raison.
Par contre dans la vie politique, tout est permis en l’absence de civisme et d’attachement à la patrie. Un électorat non avisé, peut mandater un président de la république sans mesurer les risques
Nombre d’électeurs se sentent entravés par la tradition : les liens de sang et l’appartenance au milieu d’origine (tribu, ethnie, clan, caste). De l’autre côté, certains candidats recourent à tous ces moyens de pression. Si besoin était, ils ne lésinent pas sur les moyens pour acheter les consciences fragiles en allouant des primes de fidélité et d’allégeance.
Les notables qui n’hésitent pas à négocier leur poids électoral, sont rarement du côté du moins disant. Pire, les plus « pragmatiques » de l’élite intellectuelle se bousculent chaque fois devant les portes des candidats favoris proposant leur soutien dans l’espoir de faire partie de la future équipe présidentielle. Dans ce contexte où l’intérêt personnel et sectaire prime sur l’intérêt supérieur de la Nation, incarner un projet de société idéal n’est plus le meilleur moyen de s’attirer les voix des électeurs.
Si l’on peut tenir la comparaison, la Mauritanie prendra son « Vol MR 2019 » juste après les élections et nous serons tous dans le même avion. Ce vol très spécial n’est pas hebdomadaire, ni mensuel ou annuel. Il n’est pas non plus toujours régulier. C’est donc un vol à ne pas rater, car programmé tous les cinq ans si la météo politique n’impose son report ou son annulation.
Enfin, les élections sont à notre porte et l’enjeu est de taille. Mais il est encore permis d’espérer qu’un ultime sursaut civique nous permettra d’être au rendez-vous de l’histoire en choisissant, en toute conscience, le meilleur candidat. Cette occasion ne s’offre pas tous les jours et nos capacités actuelles de relèvement ne permettent pas de la rattraper à court terme. Nous n’avons donc pas droit à l’erreur. Bonnes élections !
Source photo : jeuneafrique.com