Auteur : Souleymane DIALLO
Organisation affiliée : Institut d’Études politiques et stratégiques (IEPS)
Type de publication : Etude
Date de publication : Décembre 2013
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Introduction
Le 5 Décembre 2013 a lieu un événement négligé par les grands médias internationaux, excepté peut-être l’agence de presse Chine Nouvelle (Xinhua) : l’arrivée des premiers casques bleus chinois à l’aéroport de Bamako (une avant-garde de 135 militaires de l’Armée Populaire de Libération, l’effectif total prévu pour le contingent étant de 395).
La MINUSMA a été créée le 25 avril 2013 par la résolution 2100 du Conseil de sécurité de l’ONU. Les principaux objectifs de cette opération de maintien de la paix sont la stabilisation sécuritaire du pays, la protection des civils, le rétablissement de l’autorité du gouvernement malien sur l’ensemble du territoire, l’acheminement de l’aide humanitaire et le retour des réfugiés/personnes déplacées, l’appui au processus électoral et au dialogue national.
A partir du 1er juillet 2013, elle prend le relais de la « Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine » ou MISMA, créée par la Résolution 2085 du Conseil de sécurité le 20 décembre 2012, présente dans le pays depuis Janvier 2013, composée surtout de troupes de la CEDEAO et du Tchad.
La MINUSMA au Nord-Mali : un environnement opérationnel difficile et des moyens limités.
Le débarquement du contingent chinois prend place dans un contexte difficile pour le gouvernement malien et ses alliés de la coalition internationale. On constate certes une amélioration de la situation militaire comparé à l’année 2012 ou à Janvier 2013. Le gouvernement malien est en meilleure posture, le territoire n’est plus coupé en deux ; dans le Nord (principal objet de l’attention internationale) les grandes agglomérations et les axes de communication sont relativement sous contrôle depuis que les groupes jihadistes régionaux et internationaux (AQMI, Ansar Dine, MUJAO) en ont été délogés.
Enfin le gouvernement malien et ses alliés internationaux ont bénéficié de la rupture entre les groupes jihadistes et les rebelles nordistes, pour l’essentiel des mouvements ethno-nationalistes ou séparatistes touaregs comme le MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad).
Cette rupture, consommée en Juin-Juillet 2012, a conduit le MNLA à entamer des négociations de paix avec Bamako dès Décembre 2012 et à modérer ses revendications, abandonnant le projet d’indépendance de l’Azawad pour une simple autonomie à l’intérieur du Mali. D’autres groupes séparatistes adoptent la même posture et se joignent aux pourparlers. Le 18 juin 2013, à Ouagadougou, le gouvernement de transition malien et les rebelles du MNLA et du HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad) signent un accord de cessez-le-feu pour permettre la tenue de l’élection présidentielle le 28 juillet.
Cependant, la stabilisation du pays rencontre des difficultés. Dans le Nord, la situation sécuritaire est loin d’être sous contrôle et reste instable. Depuis qu’ils ont été chassés des grandes agglomérations en Février 2013, les jihadistes se sont réorganisés. Ils tentent de se fondre dans la population et pratiquent la guerre asymétrique, aussi bien dans les zones rurales qu’en milieu urbain .
Ils effectuent des enlèvements, des embuscades contre les convois notamment à l’aide d’engins explosifs improvisés (plus connus sous l’appellation anglophone « Improvised Explosive Devices » ou IEDs), ainsi que des attentats-suicide. L’un des plus récents s’est produit dans le centre-ville de Kidal le 14 Décembre : un kamikaze a projeté une voiture piégée contre des troupes de la MINUSMA et de la garde nationale malienne qui sécurisaient la banque locale; en plus du kamikaze, l’explosion a tué deux Casques bleus sénégalais et fait un certain nombre de blessés graves.
Le 15 Décembre, l’attentat a été revendiqué par un jihadiste local, « Sultan Ould Badi », d’origine arabo-touarègue, ancien membre d’AQMI et du MUJAO. Il faut aussi mentionner la persistance de tensions voire d’incidents armés entre les forces gouvernementales maliennes et les nationalistes touaregs (MNLA et autres), au cours desquels les militaires français de Serval et le personnel de la MISMA / MINUSMA tentent parfois de s’interposer ou de séparer les belligérants (notamment à Kidal en Juin, Juillet et Septembre 2013).
Malgré la signature du cessez-le-feu le 18 Juin 2013 (accords de Ouagadougou), la paix reste précaire. Les deux camps s’accusent réciproquement de violations des accords et d’atteintes aux droits de l’homme. Le 26 Septembre les groupes armés touaregs (MNLA, HCUA et MAA) se retirent des négociations de paix suite au refus du nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta (élu en Août) de négocier l’autonomie de l’Azawad. Les négociations reprennent cependant le 5 Octobre.
La marge de manœuvre politique et diplomatique de la France et de la MINUSMA semble parfois limitée. Le nouveau gouvernement malien et une partie de l’opinion publique locale accusent fréquemment la France d’ingérences et de complaisance envers les nationalistes touaregs (souvent plus impopulaires que les islamistes, par exemple à Gao); récemment certains milieux gouvernementaux ont accusé la France d’unilatéralisme dans la conduite de ses opérations contre les jihadistes.
La situation est rendue encore plus complexe par les tensions existant au sein du gouvernement malien, entre les diverses factions politiques, héritées du putsch de Mars 2012. On peut citer comme exemple la mutinerie menée au camp de Kati, du 1er au 4 Octobre 2013 par des anciens putschistes « bérets verts », jaloux de la promotion d’Amadou Sanogo nommé général de corps d’armée le 14 Août.
Quatre militaires maliens ont trouvé la mort dans ces événements. Il y a aussi l’arrestation du général Sanogo le 27 Novembre, ce dernier étant accusé d’enlèvement et de meurtre contre des militaires rivaux qui avaient tenté un contre-coup d’état en Avril 2012 (des « bérets rouges » partisans de l’ex-président Touré). Une enquête est en cours. Le 4 Décembre, les aveux de ses anciens collaborateurs ont d’ailleurs permis la découverte d’un charnier contenant 21 corps, supposés être ceux des «bérets rouges».
Les spécificités du contingent chinois et les choix terminologiques de Beijing.
La décision de Beijing de fournir des casques bleus à la MINUSMA a d’abord été révélée le 22 Mai 2013 par des sources diplomatiques anonymes en poste au siège de l’ONU (New York), citées dans une dépêche de l’Agence France Presse. A l’époque, ces sources évoquent des négociations « en cours », affirmant que le nombre total et la nature des troupes chinoises n’ont pas encore été décidés, mais supposent que le contingent devrait compter 500 à 600 hommes, dont 155 ingénieurs; selon un fonctionnaire onusien, la décision chinoise a une « grande portée ».
Le gouvernement chinois refuse de commenter l’information et se contente de réaffirmer son soutien aux efforts du gouvernement malien, de l’ONU et de la communauté internationale. Mais le 27 Juin, à Beijing, la nouvelle est officiellement confirmée à deux occasions. Tout d’abord par le ministre des Affaires Etrangères Wang Yi lors d’un forum sur les questions sécuritaires, ensuite par un porte-parole du ministère de la Défense (Yang Yujun) pendant une conférence de presse.
Les propos du ministre des affaires étrangères (“We will send comprehensive security forces to Mali for the first time”) suscitent des spéculations parmi les chercheurs et diplomates, aussi bien chinois qu’étrangers, sur la possible inclusion d’unités de combat (« combat troops ») dans le futur contingent. Ainsi, Chen Jian, directeur du think tank « UN Association of China », est certain de la participation de troupes combattantes et affirme qu’il s’agit d’une innovation sans précédent dans les contributions chinoises au maintien de la paix. Ses propos sont aussitôt repris dans divers médias internationaux (autres que chinois) qui traitent ses hypothèses comme s’il s’agissait de faits établis.
Focalisés sur les propos du Ministre Wang et les spéculations de Chen, ces medias (principalement anglo-saxons) semblent négliger les clarifications fournies par le Ministère de la Défense chinois le même jour, représentant pourtant la position officielle. M.Yang précise que le gouvernement fournira environ 400 militaires à la MINUSMA, « y compris des équipes médicales, d’ingénierie et de garde » et qu’il n’y a pas de « soi-disant forces de combat parmi les casques bleus ». Il souligne que le « personnel de maintien de la paix » n’a pas vocation à être « directement impliqué dans les conflits militaires à l’intérieur des pays hôtes », mais au contraire à « rétablir et à maintenir la paix », « éviter les guerres et à contrôler les cessez-le-feu » (on reviendra plus en détail sur la distinction opérée par M.Yang, quelque peu artificielle dans le cas du Mali).
M.Yang affirme que la « force de sécurité », composée de soldats considérés par divers observateurs ou médias comme des combattants (par opposition aux troupes du génie ou aux unités médicales), est en fait « une équipe de garde ». Elle sera « principalement chargée de la sécurité du quartier général de la MINUSMA et des zones d’habitation des casques bleus ».
Choix diplomatiques et stratégiques de la Chine dans la crise malienne. Prise en compte des conflits afghan, libyen et ivoirien, et de la rivalité sino-américaine
Les modalités de la contribution chinoise à la MINUSMA (taille et nature du contingent, missions à effectuer) résultent des choix diplomatiques et stratégiques du gouvernement chinois, et de sa perception de la crise malienne. La prédominance des troupes non-combattantes par rapport aux combattants et la manière dont ces derniers sont présentés («force de sécurité/sécurisation», «gardes de sécurité», rôle purement défensif) montre que la Chine souhaite mettre en avant l’aspect humanitaire de sa contribution et minimiser les enjeux militaires. Selon Craig Murray (analyste de l’USCC), Beijing veut éviter de nourrir les spéculations déjà abondantes sur les intentions stratégiques chinoises en Afrique et celles concernant sa montée en puissance militaire.
En effet, malgré une réelle interdépendance économique dans le cadre de l’économie mondialisée, la Chine est déjà perçue comme un rival voire une menace militaire par certains voisins asiatiques et par divers Etats occidentaux, en particulier les Etats-Unis (depuis l’éclatement de l’URSS en 1991, leur stratégie de sécurité nationale s’inspire de la «doctrine Wolfowitz» visant à empêcher la remise en cause de leur hégémonie militaire et l’émergence d’une superpuissance rivale. Depuis 2012 les USA ont d’ailleurs commencé à recentrer la majorité de leurs forces militaires vers l’Asie-Pacifique, dans le cadre de la politique de «pivot», que Beijing interprète comme une tentative d’encerclement et d’endiguement (containment).
Il faut aussi rappeler que depuis la fin de la guerre froide, la Chine mène officiellement une politique de non-ingérence dans les affaires internes de ses partenaires économiques, et rejette le recours à la force comme moyen de résolution des conflits (ce qui ne l’empêche pas de recourir fréquemment à la dissuasion militaire voire nucléaire dans son environnement asiatique immédiat.
M.Yang affirme que la « force de sécurité », composée de soldats considérés par divers observateurs ou médias comme des combattants (par opposition aux troupes du génie ou aux unités médicales), est en fait «une équipe de garde». Elle sera «principalement chargée de la sécurité du quartier général de la MINUSMA et des zones d’habitation des casques bleus»
De plus, malgré ses bonnes relations bilatérales avec le gouvernement malien et son soutien à la résolution 2085 (20 Décembre 2012), la Chine se montre initialement réservée face au lancement de l’Opération Serval par la France (11 Janvier 2013). Les analystes et dirigeants chinois craignent que l’intervention française n’aggrave la situation sécuritaire et qu’elle ne se retrouve enlisée dans une longue occupation comme les Etats-Unis en Afghanistan à partir de 2001.
Le 30 Janvier, Mme He Wenping (directrice des Etudes Africaines à l’Académie des Sciences Sociales de Beijing, et représentant généralement la ligne officielle), nuance les critiques qu’elle avait formulé précédemment contre Serval. Elle affirme qu’aucun dirigeant chinois ne s’est opposé au lancement de l’opération Serval, que celle-ci était «nécessaire» en raison d’une «situation d’urgence», à cause de la menace que représentaient les groupes terroristes pour la sécurité et l’intégrité territoriale du Mali.
Cependant elle maintient ses critiques contre l’interventionnisme militaire occidental en Afrique (citant les cas libyen et ivoirien) et l’implantation croissante de bases étrangères (faisant allusion aux Etats-Unis et l’AFRICOM sans les nommer), expliquant que ce phénomène stimule la montée du terrorisme.
Les relations bilatérales sino-maliennes et la « solidarité Sud – Sud »
L’aide chinoise au Mali n’a pas débuté qu’avec la MINUSMA ni même avec le soutien à la MISMA et ne se limite pas au cadre multilatéral de l’ONU ; selon Yun Sun et Michael Rettig (Brookings Institution) il semble d’ailleurs que l’essentiel de l’aide chinoise à la reconstruction du pays se fera dans un cadre bilatéral. La coopération bilatérale sino-malienne est ancienne et multiforme ; elle est présentée comme mutuellement profitable mais le Mali est souvent en position de receveur et de bénéficiaire (le Mali est classé 182ème sur 186 selon l’Indice de Développement Humain du PNUD, la Chine étant 101e), surtout en ce qui concerne l’aide au développement, la coopération scientifique/technique et l’assistance militaire (la RPC est tout de même une puissance aérospatiale…).
Des relations diplomatiques ont été établies entre les deux pays dès l’indépendance du Mali (1960). Dans un essai publié par le Quotidien du Peuple le 5 Novembre 2013, l’ambassadeur chinois à Bamako (Cao Zhongming) a rappelé « l’amitié profonde » qui unissait Zhou Enlai et le ministre malien Seydou Badian Kouyaté. Un envoyé spécial du président Xi Jiping (Wang Zhengwei) est présent à la cérémonie d’investiture du président Keïta le 19 Septembre 2013, aux côtés de chefs d’état et de gouvernement africains et français.
Dès l’élection de «IBK» le 15 Août, le président Xi avait d’ailleurs envoyé un message de félicitations et annoncé son intention de renforcer la coopération bilatérale. Le 1er Octobre, anniversaire de la proclamation de la RPC, c’est au tour de «IBK» d’adresser ses félicitations à son «Excellence» Xi et au «vaillant peuple chinois».
La prédominance des troupes non-combattantes par rapport aux combattants et la manière dont ces derniers sont présentés («force de sécurité/sécurisation», «gardes de sécurité», rôle purement défensif) montre que la Chine souhaite mettre en avant l’aspect humanitaire de sa contribution et minimiser les enjeux militaires. Selon Craig Murray (analyste de l’USCC), Beijing veut éviter de nourrir les spéculations déjà abondantes sur les intentions stratégiques chinoises en Afrique et celles concernant sa montée en puissance militaire
Les discours tenus par Bamako et Beijing sur la solidarité Sud-Sud semblent être renforcés le 8 Décembre avec la signature d’une convention entre le Parti Communiste Chinois et l’Union malienne pour le Rassemblement Démocratique Africain (UM-RDA), parti de l’actuel Ministre du Travail et de la Fonction Publique (Bocar Moussa Diarra) mais aussi du défunt Modibo Keïta (premier président du Mali, de 1960 à 1968).
En plus d’évoquer les liens entre Modibo Keïta et Mao Zedong, le chef de la délégation chinoise évoque la persistance d’une lutte conjointe du Mali et de la Chine «contre l’impérialisme, le capitalisme et le néocolonialisme, pour offrir de meilleures conditions de vie aux peuples chinois et malien». L’objectif commun est de «booster le développement afin de réduire l’écart entre les riches et les pauvres». Il rappelle aussi la politique de non-ingérence de la Chine dans les affaires intérieures de ses partenaires africains.
Concernant la coopération économique sino-malienne ainsi que l’aide chinoise au développement et à la reconstruction dans la période récente, on peut citer quelques exemples significatifs. Les accords les plus importants datent de Septembre 2011, le montant total de l’aide fournie étant de 739 millions de yuans RMB. On peut la subdiviser ainsi : d’abord un don de 70 millions RMB (11,4 millions USD) et un prêt à taux zéro de 50 millions RMB (8,1 millions USD). Ces deux premiers accords doivent financer des projets de développement prioritaires pour « améliorer les conditions de vie de la population locale ».
Le troisième accord concerne un prêt concessionnel (ou prêt à taux préférentiel) de 619 millions RMB (100,8 millions USD). Il devait contribuer au financement d’un barrage hydroélectrique à Taoussa dans la région de Gao, le financement et la construction impliquant aussi d’autres partenaires que la Chine.
Il est probable que les événements de 2012-2013 ont compromis ce projet ou à tout le moins conduit à sa suspension temporaire. Plus récemment, la Chine a soutenu le Mali dans la relance de son économie et dans le processus de reconstruction. Le 14 Mai 2013, la RPC a offert 31,9 milliards Fcfa (400 millions de yuans RMB) dont 27,9 milliards Fcfa sous forme de don et 4 milliards de Fcfa de prêt sans intérêt.
L’aide annoncée est destinée à des projets convenus entre les deux parties et à l’aide humanitaire. Enfin, le 23 Octobre 2013, la banque chinoise d’import-export EXIM a prêté 94 millions RMB (6 milliards FCFA) au gouvernement malien. Ce prêt doit financer l’alimentation électrique d’un complexe sucrier dans la région de Ségou (« N-SUKALA »), et il est intéressant de noter qu’il s’agit d’« électricité verte » produite selon un système expérimenté dans divers parcs industriels chinois (recyclage des déchets de canne à sucre), suivant le principe de «l’économie circulaire».
De plus, malgré ses bonnes relations bilatérales avec le gouvernement malien et son soutien à la résolution 2085 (20 Décembre 2012), la Chine se montre initialement réservée face au lancement de l’Opération Serval par la France (11 Janvier 2013). Les analystes et dirigeants chinois craignent que l’intervention française n’aggrave la situation sécuritaire et qu’elle ne se retrouve enlisée dans une longue occupation comme les Etats-Unis en Afghanistan à partir de 2001
Concernant les échanges commerciaux, en 2012, la Chine était le premier client des exportations maliennes (53,7% du total, le second importateur de produits maliens étant la Malaisie avec seulement 11,2%) et le troisième fournisseur des importations du Mali (8,4% du total derrière les 10,9% de la France et les 9,7% du Sénégal).
Coopération militaire et sécuritaire sino-malienne : une aide chinoise essentiellement logistique et technique, non létale et à forte fonction symbolique?
Il est avéré qu’après l’établissement du gouvernement de transition civil (Avril 2012), la Chine a offert une aide logistique à l’armée malienne par l’intermédiaire de dons ponctuels (d’une valeur totale d’environ 5 millions d’euros pour la période 2012-2013). Deux accords ont été signés en 2012 et 2013 par l’actuel ambassadeur (Cao Zhongming, entré en fonction le 8 Avril 2011) avec le ministre malien de la défense. Il n’a pas été possible de vérifier la date exacte du premier accord mais il semble avoir été signé en Avril-Mai 2012, l’aide ayant été réceptionnée avant le 17 Juillet d’après un document officiel malien. Le second accord a été signé le 7 Mars 2013 (la Chine commence à livrer le matériel promis à partir du 19 Juin.
Après la débâcle du MNLA pendant l’été 2012, lorsque le nord-Mali passe sous contrôle jihadiste, la Chine n’a plus de réticences à soutenir ouvertement la reconquête de cette région. Ainsi, le 25 Septembre 2012, dans une interview accordée à la télévision d’état malienne, le chargé d’affaires de l’ambassade (Guo Xueli) rappelle que « la Chine soutient fermement la position du Mali » et promet une assistance maximale, « en particulier dans le domaine militaire où nous avons déjà une coopération très ancienne ». Le 7 Mars, le 14 Mai et le 20 Juin 2013, l’ambassadeur Cao déclare que la Chine «tient à soutenir le Mali» dans «l’unification nationale» et «le rétablissement de l’intégrité territoriale» ; il félicite également les forces armées maliennes pour leurs succès dans la lutte contre les «groupes terroristes» et les «narcotrafiquants».
La nature de l’aide fournie à l’armée malienne (aide logistique et «non-létale» plutôt que «létale») résulte probablement d’un choix diplomatique chinois mais aussi de la demande malienne et d’une «répartition des tâches» dans l’aide militaire internationale, l’aide létale et la fourniture de matériel militaire offensif étant prise en charge par d’autres pays (fin 2012, il s’agissait essentiellement de pays d’Europe de l’Est comme la Bulgarie ou la Russie.
Concernant les échanges commerciaux, en 2012, la Chine était le premier client des exportations maliennes (53,7% du total, le second importateur de produits maliens étant la Malaisie avec seulement 11,2%) et le troisième fournisseur des importations du Mali (8,4% du total derrière les 10,9% de la France et les 9,7% du Sénégal)
Conclusion
Pour conclure, il convient d’identifier les avantages et les gains que la Chine compte tirer de sa contribution à la MINUSMA et les perspectives qu’elle offre. Sur le plan sécuritaire et économique, les gains semblent peu évidents (à court terme en tout cas) ; vu les spécificités du contingent chinois, il semble que l’envoi de casques bleus au Mali n’ait pas pour but d’assurer directement la protection des ressortissants et des intérêts économiques ou stratégiques chinois (si on la compare par exemple à l’Opération Serval).
Les forces maliennes et d’autres forces étrangères (comme Serval) semblent plus adaptées à cette tâche. En Janvier 2013, le journaliste américain Barry Lando affirmait d’ailleurs qu’en protégeant les intérêts et ressortissants étrangers au Mali, l’intervention française permettrait à la Chine de ne pas avoir à assumer ses responsabilités dans le domaine sécuritaire, à court terme en tout cas (Lando admet que le développement des capacités navales chinoises suggère un futur rôle de «gendarme international»).
Sur le plan militaire, il est probable que la participation à la MINUSMA apportera à l’APL des gains en matière d’expérience opérationnelle, et d’interopérabilité avec des armées étrangères (cette dernière étant particulièrement importante pour les OMP et les autres types d’interventions multilatérales jugées acceptables ou légitimes par Beijing). C’est également un test pour le matériel militaire chinois (selon la presse gouvernementale, c’est la première OMP au cours de laquelle les casques bleus chinois utilisent essentiellement du matériel national.
Il est avéré qu’après l’établissement du gouvernement de transition civil (Avril 2012), la Chine a offert une aide logistique à l’armée malienne par l’intermédiaire de dons ponctuels (d’une valeur totale d’environ 5 millions d’euros pour la période 2012-2013). Deux accords ont été signés en 2012 et 2013 par l’actuel ambassadeur (Cao Zhongming, entré en fonction le 8 Avril 2011) avec le ministre malien de la défense
Sur le plan diplomatique et politique, la participation chinoise à la MINUSMA permet à la Chine de rassurer ses alliés et partenaires économiques africains et de renforcer son prestige auprès d’eux: avec l’aide au développement et les diverses formes de coopération, les OMP sont un autre moyen de concrétiser les discours sur la solidarité sud-sud.
Concernant les relations avec les puissances occidentales et l’OTAN, la Chine souhaite apaiser ces dernières après les tensions autour du conflit syrien. L’objectif est aussi de contrer les critiques et les attaques formulées récemment par les diplomates américains contre la politique africaine de la Chine, notamment le discours prononcé par Hillary Clinton à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2 Août 2012).
Vantant les mérites du modèle politique américain, ce discours invitait les pays africains à privilégier les relations avec les Etats-Unis et les puissances « démocratiques », « responsables », par opposition à d’autres supposées mépriser les droits de l’homme et ne s’intéresser qu’aux ressources naturelles du continent. Bien que la Chine n’ait pas été explicitement nommée, le message était suffisamment clair pour déclencher une réaction acerbe des médias officiels chinois.
D’autres critiques formulées à plusieurs reprises dans les milieux gouvernementaux et les médias américains ont accusé la Chine de ne pas assumer ses responsabilités dans le domaine de la sécurité internationale face aux risques terroristes. Par exemple en Janvier 2013 concernant le Mali mais les plus anciennes remontent aux années 2000 et concernent le refus chinois d’envoyer des troupes en Afghanistan aux côtés de l’ISAF contre les Talibans.
La participation chinoise à la MINUSMA (en incluant des troupes combattantes bien qu’à fonction défensive) et d’autres initiatives récentes (2012-2013) permettent à la Chine de montrer qu’elle assume ses responsabilités dans le domaine de la paix et de la sécurité internationale (ce dont le ministre hollandais des affaires étrangères s’était d’ailleurs félicité le 29 Novembre 2013).
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