Auteurs: Normand Bouchera, PascaleVincent, Priscille Geiserc, Patrick Fougeyrollasa
Organisation affiliée: ScienceDirect
Type de publication: Rapport
Date de publication: 2014
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Introduction
Depuis la décennie 1980, la question du handicap est inscrite à l’agenda de l’ordre international, notamment sous la forme d’événements tel l’année internationale des personnes handicapées de 1981 ou de documents tels les « règles pour l’égalisation des chances des handicapés » de 1993 ou la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) adoptée en 2006 par les Nations Unies (Organisation des Nations Unies, 2006). Du point de vue socio-historique, les mouvements de lutte en faveur de l’exercice des droits des personnes ayant des incapacités apparaissent comme un processus de réaffirmation des modes d’existence et d’appartenance à la diversité de l’humanité des personnes présentant des différences au plan fonctionnel.
À cet égard, certains seraient sans doute prompts à voir, dans l’adoption, en 2006, de la CDPH, le point culminant de cette « marche historique » de libération. Pour plusieurs observateurs, la CDPH représente l’articulation la plus achevée entre les revendications historiques du mouvement des personnes ayant des incapacités et les modalités de leur régulation par les États territoriaux signataires, et ce tant dans la sphère privée que sociétale.
Au-delà des qualités et des limites intrinsèques de la Convention, d’aucuns attirent l’attention sur l’importance d’assurer sa mise en œuvre, et surtout le suivi de ce processus d’implantation dans les différents pays signataires.
La vision proposée de sociétés réellement inclusives passe par l’opérationnalisation de principes fondamentaux réaffirmés par la CDPH. En lien avec l’historique de constitution du mouvement social des personnes ayant des incapacités reflété dans le slogan « rien sur nous sans nous », la notion de participation est particulièrement mise en relief dans le texte faisant de sa mise en œuvre un enjeu fort. L’un des secteurs d’activités les plus susceptibles de contribuer à cette transformation est celui des initiatives de développement local à caractère inclusif impliquant précisément la participation active des personnes ayant des incapacités et de leurs organisations.
L’approche du développement humain dans le champ du handicap et son lien avec l’exercice des droits
Tout comme celui du handicap, l’utilisation du concept de développement humain fait référence au système global de construction du phénomène et inclut le sous-système de l’environnement ; son utilisation nécessite une distinction entre ce que les personnes sont et ce qu’elles font, comme deux autres sous-systèmes. L’exercice des droits ne fait pas disparaître les déficiences et les incapacités, les corps différents, mais leur garantit les conditions collectives d’épanouissement, de compensation des incapacités et d’élimination des causes systémiques structurelles de production d’inégalités des chances basées sur ces différences particulières.
La situation de handicap correspond à la réduction de la réalisation des habitudes de vie, résultant de l’interaction entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux. Un milieu de travail inaccessible ou mal adapté ne permet pas l’accès, le retour ou le maintien au travail d’une personne dont la condition physique s’est transformée à la suite d’un accident, ou d’une diminution des capacités fonctionnelles en raison de son âge.
À l’autre extrémité du continuum de mesure, la situation de participation sociale correspond à la pleine réalisation des habitudes de vie, résultant de l’interaction entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux. La qualité de la participation, consubstantielle à la notion même de participation, repose sur le degré de réalisation des habitudes de vie de la personne : c’est ainsi qu’il faut considérer que «la qualité de participation est un indicateur qui s’apprécie sur un continuum ou échelle allant de la situation de participation sociale optimale jusqu’à la situation de handicap complète».
L’inclusion saisie comme une caractéristique environnementale d’une société qualifiée d’inclusive
La notion d’inclusion se rapporte à celle d’accès universel et sans obstacle à un bien, un service ou à un lieu au même titre que tous les autres citoyens. Dans une situation d’inclusion, une personne a la possibilité de participer socialement et bénéficie au besoin de mesures de soutien social et/ou d’un accompagnement dans la réalisation de ses habitudes de vie librement choisies. Un environnement inclusif est flexible et peut s’adapter aux particularités de la personne afin qu’elle puisse assumer le rôle et les tâches à réaliser. À titre d’exemple, on peut citer la possibilité d’établir un horaire de travail flexible qui répond aux besoins de la personne, ou la conception d’un environnement sans obstacle dans le milieu de travail et dans son accès. Il est possible d’étendre cette conception de manière à caractériser la société. Pour qu’une société soit inclusive et garantisse l’égalité des chances de tous les citoyens, elle doit mettre en place les moyens nécessaires à l’exercice effectif des droits des personnes, notamment celles ayant des incapacités, et créer des instances ou dispositifs permettant la participation à la prise de décisions.
La citoyenneté et l’exercice des droits
Le comité de la convention on the elimination of all forms of discrimination against women (Convention on the Elimination of all forms of Discrimination Against Women [CEDAW]) sur la vie politique et publique présente la citoyenneté comme:
«Un vaste concept, qui recouvre l’exercice du pouvoir politique, notamment législatif, judiciaire, exécutif et administratif. Il concerne tous les aspects de l’administration publique ainsi que la formulation et la mise en œuvre des politiques aux niveaux international, national, régional et local. Le concept englobe également les nombreuses activités de la société civile – conseils publics et organisations telles que partis politiques, syndicats, associations professionnelles ou sectorielles, organisations féminines et à base communautaire et autres entités jouant un rôle dans la vie publique et politique» Bien qu’elle illustre la complexité de cette notion, cette définition néglige une dimension importante, identifiée T.H. Marshall puis reprise par plusieurs analystes du champ du handicap comme Prince : la responsabilité de l’État, à l’égard de l’exercice réel de la citoyenneté par l’ensemble des personnes :«social citizenship». Young, quant à elle, a évoqué une notion de «citoyenneté singulière» sur la base d’une critique à prétention universaliste, formant pour ainsi dire un idéal type, de la notion de citoyenneté, censée transcender les appartenances particulières, les différences et les inégalités sociales.
Dans le contexte de la CDPH, la citoyenneté est entendue en tant qu’exercice des droits. La Convention offre un cadre qui permet de garantir le plein exercice des droits fondamentaux ainsi que le respect de la dignité intrinsèque des personnes. Le milieu de travail doit s’attacher à ces mêmes objectifs.
L’exclusion
La notion d’exclusion est chargée historiquement et prend parfois le sens d’une situation défavorisée et durable, ancrée dans des inégalités sociales et économiques. C’est en ce sens qu’il y a un lien important à ne pas négliger, dans la compréhension de la relation entre l’individu et la société, entre cette notion et les politiques sociales, saisies comme un dispositif de régulation ou registre de traitement.
La notion d’inclusion se rapporte à celle d’accès universel et sans obstacle à un bien, un service ou à un lieu au même titre que tous les autres citoyens
L’exclusion peut être partielle (impossibilité d’exercice de ses droits dans un domaine d’activité) ou totale (impossibilité d’exercice des droits dans tous les domaines d’activités significatifs). L’exclusion procède à la fois de la discrimination et de la marginalisation. En milieu de travail, l’exclusion peut se produire par la mise à l’écart ou le congédiement d’une personne en lien avec l’apparition d’une déficience ou d’une incapacité, et par l’absence de volonté d’aménager le milieu, les relations ou les conditions de travail. L’exclusion peut aussi s’établir en amont lorsqu’il y a refus ou omission de concevoir ou d’aménager l’environnement de travail pour qu’il soit accessible dans son sens large.
Mesurer la qualité de l’environnement
La MQE est un instrument de mesure visant à évaluer l’influence des facteurs environnementaux sur la réalisation des activités courantes et des rôles sociaux des personnes, tout en tenant compte des capacités et limites personnelles. Il a été développé à partir de la nomenclature des facteurs environnementaux du PPH qui comporte des dimensions sociales (attitudes, lois, réseau social, etc.) ou physiques (faune, luminosité, bâtiments, technologies, etc.) déterminant l’organisation et le contexte d’une société. Toujours selon le même principe, cette appréciation de l’influence perçue de l’environnement est l’expression directe de la personne elle-même ou de son répondant le plus significatif.
Gouvernance et caractérisation territoriale
Le terme gouvernance renvoie à l’origine à la notion de management à fins d’efficience. Une transposition internationale à la gestion et à l’administration publique des méthodes de gestion empruntées au secteur privé, à travers le concept de new public management, a favorisé la diffusion de la notion de gouvernance, et l’expression dominante, devenue doctrine, de « good governance » ou « bonne gouvernance ». À partir d’une réflexion sur l’efficacité de l’aide au développement, la notion de gouvernance a évolué vers une approche aujourd’hui centrée sur les modalités de l’action politique.
Conclusion
La diversité des expériences en matière d’approches territoriales inclusives telles que mises en œuvre sur chaque site est à la fois une richesse et un défi du présent projet. Une richesse, car elle permettra de confirmer la pertinence des méthodes et outils de mesure que l’on souhaite développer en les testant sur des sites de nature très différente. Un défi, car dans la construction du projet, elle implique de déconstruire les habitudes de chacun pour s’entendre sur un langage commun et ainsi appréhender de manière cohérente et comparable les réalités et concepts clés qui font l’objet de cette recherche. À titre d’exemple, on a pu noter que la notion de « concertation » est peu utilisée au Brésil, alors qu’elle définit de manière centrale la logique multi-acteurs initiée à Madagascar.
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