Auteurs : Adama Faye, Quentin Lejeune , Mouhamadou Bamba Sylla, Oblé Neya, Emily theokritoff, Sarah D’Haen
Organisation affiliée : Climate Analytics
Type de publication : Synthèse
Date de publication : novembre 2019
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Les impacts de l’utilisation des terres et leur contribution au changement climatique
L’utilisation des terres a entraîné une diminution de la biodiversité mondiale d’environ 11 à 14 %. La répartition géographique actuelle de l’utilisation des terres, l’appropriation massive de services écosystémiques multiples et la perte de biodiversité sont sans précédent dans l’histoire humaine.
Les changements dans les conditions d’utilisation des terres modulent la probabilité, l’intensité et la durée de nombreux événements extrêmes, y compris les vagues de chaleur et les fortes précipitations. La sécheresse du sol favorise ou renforce les conditions de canicule estivale en réduisant l’évapotranspiration et en augmentant la chaleur sensible. Par contre, les conditions humides du sol, par exemple l’irrigation ou les pratiques de gestion des cultures qui permettent de maintenir une culture de couverture toute l’année, peuvent atténuer les épisodes de chaleur extrême par une évapotranspiration accrue et une chaleur sensible réduite. Les sécheresses peuvent être intensifiées par une mauvaise gestion des terres. L’urbanisation augmente les précipitations extrêmes en amont ou en aval des villes.
Désertification
Les principaux facteurs anthropiques agissant sur la désertification sont l’expansion des terres cultivées, les pratiques non durables de gestion des terres et la pression accrue de la croissance démographique et des revenus sur les terres. L’étendue et l’intensité de la désertification ont augmenté dans certaines zones arides au cours des dernières décennies, réduisant la productivité et les revenus agricoles, et contribuant à la perte de la biodiversité dans certaines régions arides.
La gestion non durable des terres, en particulier lorsqu’elle est associée à des sécheresses, a contribué à une augmentation de l’activité des tempêtes de poussière, réduisant le bien-être humain dans les zones arides et au-delà. Les tempêtes de poussière sont associées à une mortalité cardio-pulmonaire d’environ 402 000 personnes par an à travers le monde. L’intensité accrue des tempêtes de sable et des mouvements des dunes de sable perturbe et endommage les infrastructures de transport et de collecte de l’énergie solaire et éolienne.
Le changement climatique exacerbera aussi plusieurs processus de désertification et les risques liés à la désertification devraient augmenter à mesure que le réchauffement climatique augmente. La zone exposée au risque de salinisation devrait augmenter à l’avenir. Le changement climatique futur devrait accroître le potentiel d’érosion des sols due à l’eau dans de nombreuses zones arides, ce qui y entraînera une diminution du carbone organique du sol.
Les tempêtes de poussière sont associées à une mortalité cardio-pulmonaire d’environ 402 000 personnes par an à travers le monde. L’intensité accrue des tempêtes de sable et des mouvements des dunes de sable perturbe et endommage les infrastructures de transport et de collecte de l’énergie solaire et éolienne
Les futures trajectoires de développement économique affecteront également ces risques. Pour un même niveau de réchauffement global, un scénario économique caractérisé par une faible croissance démographique, une réduction des inégalités, une réglementation de l’utilisation des terres, une faible consommation de viande, un commerce accru et peu d’obstacles à l’adaptation ou à l’atténuation (connu sous le nom de Shared Socioeconomic Pathway 1 ou SSP1) réduira la population des zones arides exposée (vulnérable) à divers impacts liés à la désertification tels que le stress hydrique, et la dégradation des habitats en comparaison avec une trajectoire aux caractéristiques opposées (connue sous le nom de SSP3). Environ la moitié de la population vulnérable se trouve en Asie du Sud, suivie par l’Asie centrale, l’Afrique de l’Ouest et l’Asie orientale.
Dégradation des terres
Les risques liés à la dégradation des terres augmentent avec la température moyenne globale. Le réchauffement de la planète d’origine humaine a déjà entraîné des changements pour deux aspects concernant la dégradation des terres : l’augmentation de la fréquence, de l’intensité et/ou de la quantité des fortes précipitations, et l’augmentation du stress thermique. Le réchauffement de la planète au-delà du réchauffement actuel exacerbera encore davantage les processus de dégradation des terres en cours en augmentant les inondations, la fréquence et la gravité des sécheresses, l’intensité des cyclones et le niveau de la mer. L’érosion côtière due à l’élévation du niveau de la mer et aux impacts de la modification des trajectoires des tempêtes sont des exemples de la dégradation des terres affectant des endroits où elle n’était jusqu’ici généralement pas un problème.
La dégradation des terres affecte négativement les moyens d’existence des populations et touche plus d’un quart de la surface terrestre non occupée par la glace. La majorité des 1,3 à 3,2 milliards de personnes affectées vivent dans la pauvreté dans des pays en développement
La dégradation des terres contribue au changement climatique via la déforestation, l’augmentation des feux de forêt, la dégradation des sols tourbeux et le dégel du pergélisol, qui entraînent à la fois des émissions de GES et une réduction des taux d’absorption du carbone. Depuis 1990, la superficie forestière a diminué globalement de 3% avec des diminutions nettes dans les tropiques et des augmentations nettes en dehors des tropiques. Les pratiques agricoles émettent également des GES autres que le CO2, et ces émissions sont exacerbées par le changement climatique. La conversion des forêts primaires en forêts aménagées, l’abattage illégal et la gestion non durable des forêts entraînent des émissions de GES et peuvent avoir des effets physiques supplémentaires sur le climat régional, y compris ceux découlant des changements d’albédo. Ces interactions exigent des évaluations d’impacts climatiques plus intégrées.
La dégradation des terres affecte négativement les moyens d’existence des populations et touche plus d’un quart de la surface terrestre non occupée par la glace. La majorité des 1,3 à 3,2 milliards de personnes affectées vivent dans la pauvreté dans des pays en développement. Les changements dans l’utilisation des terres et la gestion non durable des terres sont des causes humaines directes de la dégradation des terres, faisant du secteur agricole un des responsables de celle-ci.
Sécurité alimentaire
Les risques liés à la sécurité alimentaire augmentent avec la température moyenne globale. Le changement climatique observé affecte déjà la sécurité alimentaire en raison de l’augmentation des températures, de la modification des régimes de précipitations et de la fréquence accrue de certains événements extrêmes.
L’augmentation des températures augmente la productivité agricole pour certaines cultures dans les latitudes plus élevées (maïs, coton, blé, betterave sucrière), tandis que les rendements d’autres cultures (maïs, blé, orge) diminuent dans les régions des latitudes inférieures. Les régions tropicales, y compris l’Afrique subsaharienne, sont particulièrement vulnérables à ces baisses de rendement des cultures. « Sur la base des savoirs autochtones et locaux (SAL), le changement climatique affecte la sécurité alimentaire dans les zones arides, en particulier en Afrique et dans les régions de haute montagne d’Asie et d’Amérique du Sud. »
La vulnérabilité des systèmes pastoraux au changement climatique est très élevée. Le pastoralisme est pratiqué dans plus de 75 % des pays par 200 à 500 millions de personnes, dont des communautés nomades, des éleveurs transhumants et des agro-éleveurs. Les impacts dans les systèmes pastoraux comprennent la diminution de la productivité des pâturages et des animaux, la détérioration de la fonction reproductive et la perte de biodiversité. La vulnérabilité du système pastoral est exacerbée
L’augmentation des températures augmente la productivité agricole pour certaines cultures dans les latitudes plus élevées (maïs, coton, blé, betterave sucrière), tandis que les rendements d’autres cultures (maïs, blé, orge) diminuent dans les régions des latitudes inférieures. Les régions tropicales, y compris l’Afrique subsaharienne, sont particulièrement vulnérables à ces baisses de rendement des cultures
La production de fruits et légumes, un élément clé d’une alimentation saine, est également vulnérable au changement climatique. On prévoit des baisses de rendement et d’adéquation des cultures sous des températures plus élevées, en particulier dans les régions tropicales et semitropicales. La sécurité alimentaire et le changement climatique ont une forte dimension de genre et d’équité. Les impacts du changement climatique varient d’un groupe social à l’autre selon l’âge, l’origine ethnique, le sexe, la richesse et la classe sociale. L’autonomisation des femmes et les approches de la prise de décision fondées sur les droits peuvent créer des synergies entre la sécurité alimentaire des ménages, l’adaptation et l’atténuation.
Les mesures d’atténuation, d’adaptation, de sécurité alimentaire et de lutte contre la dégradation des terres
Synergies entre mesures d’atténuation, d’adaptation et de lutte contre la désertification et la dégradation des terres
De nombreuses mesures basées sur une utilisation différente des terres et qui contribuent à l’adaptation au changement climatique et à la réduction des émissions de GES peuvent également participer à la lutte contre la désertification et la dégradation des terres, ainsi qu’à l’amélioration de la sécurité alimentaire. « La plupart des mesures évaluées contribuent positivement au développement durable et à d’autres objectifs sociétaux. Un grand nombre de ces options d’intervention peuvent être appliquées sans se faire concurrence pour l’obtention de terres. » La dégradation des terres peut être évitée, réduite ou inversée par la mise en œuvre de pratiques durables de gestion, de restauration et de remise en état des terres qui procurent simultanément de nombreux co-bénéfices pour l’adaptation au changement climatique et l’atténuation des émissions de GES ainsi que la biodiversité, tout en contribuant au développement durable.
« La gestion durable des terres, y compris la gestion durable des forêts, peut prévenir et réduire la dégradation des terres, maintenir la productivité des terres et parfois inverser les effets néfastes du changement climatique sur la dégradation des terres. Elle peut également contribuer à l’atténuation et à l’adaptation. La réduction et l’inversion de la dégradation des terres, à des échelles allant des fermes individuelles aux bassins hydrographiques entiers, peuvent procurer des avantages rentables, immédiats et à long terme aux collectivités et appuyer plusieurs Objectifs de Développement Durable (ODD) avec des avantages connexes pour l’adaptation et l’atténuation. »
« Les options de réponse dans l’ensemble du système alimentaire, de la production à la consommation, y compris les pertes et les déchets alimentaires, peuvent être déployées à une plus grande échelle pour faire progresser l’adaptation et l’atténuation. » Il existe de nombreuses options de gestion des terres pour réduire l’ampleur des émissions et accroître l’absorption du carbone.
Ces options améliorent la productivité des cultures, l’état des éléments nutritifs du sol, le microclimat ou la biodiversité, et favorisent ainsi l’adaptation au changement climatique. Environ un quart des mesures d’atténuation à l’horizon 2030 promises par les pays dans leurs contributions nationales initiales au titre de l’Accord de Paris devraient provenir d’options d’atténuation liées aux terres. Plusieurs font explicitement référence à la réduction de la déforestation et à l’augmentation des puits forestiers, tandis que quelques-uns incluent la séquestration du carbone dans le sol, la gestion agricole et la bioénergie.
L’utilisation combinée de cultures tolérantes au sel et de meilleures pratiques d’irrigation permettent de réduire efficacement l’impact de la salinisation secondaire. L’application de techniques de stabilisation des dunes de sable contribue à réduire les tempêtes de sable et de poussière. Les pratiques agroforestières et les brise-vents contribuent à réduire l’érosion des sols et à séquestrer le carbone. Les programmes de boisement visant à créer des brise-vents sous forme de “murs verts” et de “barrages verts” peuvent contribuer à stabiliser et à réduire les tempêtes de poussière, éviter l’érosion éolienne et servir de puits de carbone, en particulier lorsqu’ils sont réalisés avec des essences adaptées localement. Une meilleure gestion des sols peut compenser 5 à 20 % des émissions anthropiques mondiales actuelles de GES.
Conditions favorisant la mise en œuvre des mesures d’atténuation, d’adaptation, de lutte contre la désertification et la dégradation des terres et la sécurité alimentaire
Une gouvernance intersectorielle et inclusive peut permettre l’adoption de politiques coordonnées qui favorisent une adaptation et une atténuation efficaces. Une gouvernance inclusive qui tient compte des droits des femmes et des peuples autochtones d’accès et d’utilisation des terres renforce le partage équitable des ressources foncières, favorise la sécurité alimentaire et accroît les connaissances existantes sur l’utilisation des terres.
Pour l’adaptation et l’atténuation dans l’ensemble du système alimentaire, des conditions favorables doivent être créées par le biais de politiques, de marchés, d’institutions et de gouvernance. En ce qui concerne l’adaptation, la résilience aux événements extrêmes croissants peut être assurée par des mécanismes de partage et de transfert des risques tels que les marchés de l’assurance et l’assurance météorologique indexée. « Les politiques de santé publique visant à améliorer la nutrition – telles que l’augmentation de sources de nourriture dans les marchés publics, les assurances médicales, les incitations financières et les campagnes de sensibilisation – peuvent potentiellement modifier la demande en nourriture, réduire les coûts des soins de santé et contribuer à réduire les émissions de GES. » Sans l’inclusion de réponses globales du système alimentaire dans des politiques plus larges en matière de changement climatique, les potentiels d’atténuation et d’adaptation évalués dans ce chapitre ne seront pas réalisés et la sécurité alimentaire sera mise en péril.
Une action coordonnée entre une série d’acteurs, notamment les entreprises, les consommateurs, les gestionnaires fonciers, les communautés autochtones et locales et les décideurs est nécessaire afin de créer les conditions propices à l’adoption d’options de réponse.
« L’amélioration des capacités, de l’accès aux services climatiques (y compris les systèmes d’alerte rapide au niveau local) et l’utilisation accrue des technologies de télédétection sont des investissements à haut rendement pour permettre des mesures efficaces d’adaptation et d’atténuation qui aident à lutter contre la désertification. » Des services climatiques fiables, opportuns et pertinents pour la désertification peuvent contribuer à l’élaboration d’options d’adaptation et d’atténuation appropriées pour réduire l’impact de la désertification sur les systèmes humains et naturels, avec des estimations quantitatives indiquant que chaque dollar investi dans le renforcement des services hydrométéorologiques et d’alerte rapide dans les pays en développement peut générer entre 4 et 35 dollars. Les connaissances et la circulation des connaissances sur la désertification sont actuellement fragmentées. L’amélioration de l’échange et du partage des connaissances et des données permettra d’accroître l’efficacité des efforts visant à atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres. L’utilisation accrue de l’information de télédétection pour la collecte de données aide à mesurer les progrès vers la neutralité de la dégradation des terres.
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