Dans le cadre du débat de WATHI sur l’entrepreneuriat, nous sommes allés à la rencontre de Monsieur Djibril Bokoum, fondateur de Royukaay et de l’initiative « Aidons les Talibés ». Dans cet entretien, il revient sur la mission de l’entrepreneur social, les difficultés à trouver les ressources et les enjeux liés à un environnement social décourageant à cause des tabous et/ou la réticence à interroger certaines pratiques à connotation religieuse.
Qu’est-ce qu’un un entrepreneur social ?
Un entrepreneur social est avant tout une personne qui veut avoir de l’impact sur sa communauté et qui veut changer le monde de manière positive et significative. L’impact positif sur l’humain est toujours recherché et il prime sur la recherche de profit.
Pourquoi est-il si difficile d’avoir accès à des financements pour un projet à impact social
Nous essayons de faire en sorte que nos actions parlent à plus d’un. De ce fait, si le projet gagne en notoriété et en légitimité, il attire les partenaires. Cependant, pour chacun de mes projets, j’ai toujours commencé sur fonds propres. Cela me permet de montrer la faisabilité du projet et après je le soumets aux potentiels partenaires en leur disant « nous avons touché tant de personnes et avec votre appui nous pourrons toucher le triple ». Les personnes ont toujours besoin de preuve sur la faisabilité d’un projet et sur l’impact qu’il peut avoir même si c’est un projet à forte dose sociale. Toutefois je dois avouer que ce n’est pas tout le temps qu’on arrive à trouver des ressources financières.
Quels sont les défis de l’entrepreneuriat dans le domaine de l’éducation au Sénégal ?
A l’ère du numérique, beaucoup d’entrepreneurs proposent déjà des plateformes éducatives afin de réduire les inégalités et donner une chance à tout le monde. Il faut un accompagnement financier et technique pointu pour ces entrepreneurs afin qu’ils puissent améliorer leur projet et le rendre accessible à tous, à l’échelle nationale. Il serait opportun aussi de fédérer les énergies entre acteurs luttant pour la même cause pour être beaucoup plus efficaces.
Est-ce que s’attaquer à des questions sensibles peut exposer à des risques lorsqu’on est entrepreneur ?
On vous taxe souvent de fous, d’incompris, d’islamophobe ! Des insanités, nous en entendons ! Fort heureusement, nous avons appris le Coran comme le font nos jeunes frères talibés. La seule différence est que nous ne traînons pas dans la rue à longueur de journée, en haillons, pieds nus à mendier. Nous apprenions le Coran autrement avec dignité et humilité. Depuis 2009, avec l’équipe « Aidons les talibés », nous essayons de donner les mêmes chances à nos jeunes frères. 13 ans après, nous sommes fiers d’avoir des maîtres coraniques et des donateurs qui s’alignent à notre cause. Ce qui nous a permis de toucher plus de 1000 talibés.
En outre, l’environnement social n’encourage ni ne favorise nos actions parce que ce sont des questions complexes et très sensibles. Si vous n’avez pas un « mental d’acier » vous ne ferez pas long feu. Les gens ne vous aident pas mais pire ils essaient par tous les moyens de vous décourager dans vos actions.
Source photo : Jobimpact
Djibril Bokoum est un entrepreneur social sénégalais, fondateur de Royukaay et de l’initiative EAT – « Aidons les Talibés ». Son projet phare dont il est particulièrement fier est « Aidons les talibés (EAT) ». Aujourd’hui, EAT entretient et appuie une dizaine de « daaras » (écoles coraniques). Il a même réussi à éliminer la mendicité dans deux daaras, en plus d’y avoir introduit l’enseignement du français.