La question des droits des femmes dans les médias « Dans le milieu des médias au Sénégal, les questions qui concernent les droits des femmes sont prises en charge dans le traitement de l’information. Mais que font-elles dans les rédactions et comment traitent-elles l’information ? En tant que journaliste, j’ai choisi de ne parler que des droits des femmes, de ce que les femmes vivent, quelles sont leurs conditions, parce que cela nous permet de faire évoluer notre société. Nous constatons au Sénégal, dans la majorité des rédactions, l’on nous parle des femmes uniquement que le 8 mars (journée internationale des femmes*), quand il y a un féminicide, quand il y a des violences ou pour des questions d’actualité comme l’avortement médicalisé en ce moment. Dans les rédactions, ce sont les hommes qui dirigent. Et dans cette situation, comment traiter des questions qui concernent les femmes et à parler du droit de la femme comme il se doit ? Les femmes qui sont dans le milieu des médias ont encore du travail, et ce travail, personne ne peut le faire à leur place. Il faut que nous choisissions également de parler des difficultés que rencontrent les femmes et comment nous pouvons les accompagner afin qu’elles puissent les surmonter. Qu’on décide également de parler de viol, d’inceste, d’avortement médicalisé, d’équité et d’égalité dans les salaires dans le milieu professionnel. » Les programmes confiés aux femmes dans les médias « Dans le Sénégal d’aujourd’hui, les violences basées sur le genre sont un fait quotidien. Les femmes sont victimes de viols, de féminicide, de violences physiques, morales, verbales.
Dans les rédactions, ce sont les hommes qui dirigent. Et dans cette situation, comment traiter des questions qui concernent les femmes et à parler du droit de la femme comme il se doit ?
Mais je me réjouis de voir qu’il y a beaucoup de chaînes de télévision aujourd’hui qui ont des émissions consacrées aux femmes. Les femmes sont plus nombreuses dans les médias, mais elles sont chosifiées. Je demanderais aux personnes qui élaborent les émissions de ne pas en faire du divertissement mais proposer un contenu sérieux, documenté. Ce n’est pas parce que l’on est sérieux que les gens ne nous écoutent pas, bien au contraire. Nous sommes 51,8% de femmes au Sénégal, et nous avons besoin d’émissions qui permettent la prise de conscience de notre rôle à jouer et de notre importance dans la société. Parce que ce sont elles qui sont les fourmis, qui font le gros du boulot, qui s’occupent des foyers, qui vont à la recherche de la nourriture pour les enfants, qui sont toutes dans le secteur informel et qui apportent beaucoup au foyer, mais qui ne sont pas considérées. » Les débats autour de l’avortement médicalisé au Sénégal « Quand il s’agit des questions de l’avortement, de grossesse, de maternité, j’estime qu’on ne peut pas parler de ces questions en mettant les hommes en avant. Ce sont les jeunes filles qui vivent le viol et l’inceste dans nos familles. Et ça se passe à l’intérieur de la maison, les hommes sont chefs de famille. Nous retrouvons ici la question de la tradition et du poids des questions socioculturelles. Nous ne pouvons donc pas dire aux hommes de venir discuter d’avortement médicalisé. Celles qui en souffrent sont issues de milieux défavorisés, elles n’ont pas les moyens de se faire consulter, et risquent d’être chassées de la maison et recueillies dans d’autres structures qui les accueillent parce que les parents n’ont pas les possibilités d’accompagnement.
Nous sommes 51,8% de femmes au Sénégal, et nous avons besoin d’émissions qui permettent la prise de conscience de notre rôle à jouer et de notre importance dans la société
Il faut rappeler que le Sénégal a ratifié le protocole de Maputo. On est dans un pays où les conventions et protocoles ratifiés ne sont pas respectés. Dans un État de droit, quand on s’engage devant ses pairs, on respecte ses engagements. Il faut que l’État du Sénégal prenne en compte les conditions des jeunes filles qui sont à l’intérieur du Sénégal, pas seulement à Dakar, et subissent d’autant plus le poids des traditions. » Les réseaux sociaux comme outils de sensibilisation et de conscientisation « Les réseaux sociaux sont un outil extraordinaire mais nous ne l’avons pas utilisé comme il faut. Nous en faisons usage que pour notre bien être, alors que nous devrions utiliser ces outils pour sortir toutes les femmes qui sont dans l’ombre. Deuxièmement, les réseaux sociaux permettent d’aider les femmes à prendre conscience du pouvoir qu’elles détiennent. Le troisième aspect est de les accompagner à prendre leur place au sein des instances. C’est la raison pour laquelle le vote est primordial. Les collectivités territoriales, surtout, sont la base. Dans les collectivités territoriales, l’accès à la terre est difficile pour les femmes et elles ne sont pas dans les instances, ce qui amène les hommes à décider à leur place. Nous avons toutes les plateformes Facebook, Instagram, Twitter, WhatsApp. Il est aujourd’hui important d’utiliser ces outils pour échanger sur les droits des femmes. Les réseaux sociaux permettent de créer une solidarité et une symbiose. Toutes ces plateformes doivent être un outil pour régler les problèmes que nous ne pouvons pas régler avec les médias traditionnels. En télévision, il est par exemple très difficile d’obtenir un bon temps d’antenne. La radio est beaucoup moins complète que la presse écrite. De plus, on a tendance à dire qu’il faut une femme alphabétisée en langue française. Ce serait soi-disant difficile d’interviewer une femme qui parle en langue locale parce qu’après, il faut traduire. Toutefois, les outils que nous possédons, nous donnent la possibilité de pouvoir faire ce travail d’accompagnement et d’information. » Recommandations « Battez-vous pour être dans les instances. Battez-vous pour être rédactrice en chef, battez-vous pour être cheffe de bureau, battez-vous pour être directrice des programmes. Et là, vous aurez le champ libre pour décider de comment traiter les questions qui concernent les femmes.
Les réseaux sociaux permettent de créer une solidarité et une symbiose
Les femmes ne seront plus utilisées comme des bimbos à la télé, juste pour faire de la figuration. Battez-vous pour être dans les instances dans vos organes de presse pour pouvoir changer la donne. Nous avons aussi besoin dans notre pays, des hommes champions qui accompagnent les femmes, parce que nous ne sommes pas dans une situation de confrontation. Nous sommes une société où hommes et femmes doivent se mettre ensemble pour construire un meilleur futur. Il faut que les hommes soient assez sensibilisés, assez informés pour accompagner toutes ces femmes à apporter le changement. Enfin, les jeunes qui utilisent les réseaux sociaux doivent prendre conscience de leur utilité pour construire notre Sénégal. Faites un focus sur votre maman à la maison pendant 30 minutes, sur ce qu’elle fait pour accompagner la famille et vous verrez ce que cela peut vous apporter. Le changement commence par ces petites choses qui responsabilisent les jeunes.
Battez-vous pour être dans les instances dans vos organes de presse pour pouvoir changer la donne
Les jeunes doivent être impliqués pour remporter la bataille. Et cette bataille, ce n’est rien d’autre que de pouvoir permettre à la majorité des femmes sénégalaises d’accéder aux instances, et d’avoir plus de femmes au gouvernement. »
Journaliste de formation, spécialisée à la base en radio, Nina est sortie de la 32e promotion du Centre d’études des sciences et techniques de l’information en 2004.
Elle cumule 13 années d’expérience en radio et depuis 2013 elle s’est spécialisée dans différentes thématiques en télévision, dont le genre. Elle a présenté pendant 08 ans l’émission Femmes africaines modernes sur la 2Stv.
Depuis juin 2021, Nina est rédactrice en chef de l’émission « Panafricaine » pour la chaine de télévision Edan Tv.
Elle est aussi intéressée par les questions relatives au rôle des médias dans la paix et la sécurité.
Elle est membre et chargée de communication du bureau du Sénégal de la plateforme des femmes entreprenantes et la vice-présidente de la commission communication du bureau mondial.