Les mécanismes et outils juridiques Je pense que les droits de l’Homme en Afrique se trouvent dans une situation assez particulière. D’un côté, nous avons une prolifération de mécanismes et d’outils juridiques internationaux et nationaux. Nous avons une cour africaine, nous avons un parlement panafricain, nous avons une Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. D’un autre côté, nous voyons depuis une dizaine d’années, l’émergence de certaines pratiques dictatoriales dans certains pays. Nous avons une cour africaine, nous avons un parlement panafricain, nous avons une Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples J’aime dire parfois que nous sommes en train d’observer ce que j’appellerai une troisième guerre de libération comme celle que nous avons connu durant les années d’indépendance et après, il y a eu tous ces efforts continentaux contre les coups d’État militaires dans les années 90. Je pense qu’on est face à une situation de confrontation d’idées, de revendications des peuples vis-à-vis des gouvernements qui sont restés en place depuis une trentaine d’années, depuis les années 90. Les difficultés majeures et le niveau d’indépendance de la commission africaine Je pense que le premier obstacle ce sont les États africains, ce sont les gouvernements africains. Je pense qu’en général comme tout gouvernement d’ailleurs, les États africains ont la responsabilité et le pouvoir. C’est une responsabilité accompagnée d’une panoplie d’outils qui pourraient permettre justement une amélioration de la situation des droits de l’homme. Le deuxième obstacle je dirai, c’est quand même une absence de cohésion et de coordination de nos forces au sein de la communauté des protecteurs des droits humains, des activistes et de la société civile. On devrait faire une analyse à l’interne pour justement voir comment renforcer notre cohésion, notre coordination et aussi l’utilisation de tous ces outils existants. Je dirai que le troisième obstacle, c’est aussi un ensemble d’obstacles liés à une coordination entre les organisations locales et les organisations internationales. Je pense que l’Afrique se trouve aujourd’hui dans une position assez stratégique où nous avons par exemple en 2020 le thème de l’Union africaine « faire taire les armes ». Nous avons eu cette année 2019, l’année des réfugiés et des déplacés et je pense que l’on a des débats de plus en plus forts qui se tournent vers l’homme africain à la base. Je ne sais pas si au niveau international, ce qui se passe au niveau régional et ce qui se passe au niveau local sont en harmonie. Y a-t-il une coordination au niveau des discussions menées par les organisations internationales entre elles? Qu’en est-il des discussions qui devraient avoir lieu et qui ont lieu entre les organisations de la société civile au niveau régional africain ? Il faut harmoniser nos stratégies, nos discussions, le regard que nous portons sur ces questions à trois niveaux : local, régional, international, parce que justement les violations que l’on observe ou sur lesquelles des recherches sont faites par des organisations comme Human Rights Watch sont de plus en plus dynamiques et complexes. On devrait faire une analyse à l’interne pour justement voir comment renforcer notre cohésion, notre coordination et aussi l’utilisation de tous ces outils Mais à mon avis, ces obstacles ne sont que la conséquence d’un problème central et simple, c’est l’absence de volonté politique, de rendre indépendant, de renforcer ces mécanismes que nous-mêmes africains avons mis en place, et que les États africains eux-mêmes, il y a 30 ans, ont défendu. En effet, ce n’est pas la société civile qui a décidé de mettre en place une commission africaine, ce sont les États au départ qui étaient des parties prenantes de ce processus. Maintenant, nous observons une régression, une érosion de cette volonté politique qui existe certes, mais qui nous donne un défi. Il s’agit de voir comment réveiller, galvaniser cette volonté politique probablement existante ? Je ne parle pas des 54 États . Dans certains États, il faut se poser la question de savoir comment saisir un moment comme celui-ci, lorsqu’on est dans les sessions où tous les représentants de l’UA, des États, des commissions nationales, institutions nationales des droits de l’homme sont présents, pour galvaniser, rafraichir et réveiller cette relation? Le mandat de la Commission africaine On dit “faire taire les armes”, mais faire taire la commission est également le genre de menace qui peut la rendre incapable de remplir son mandat qui est la protection, la promotion et l’interprétation. C’est un mandat énorme en termes de signification, de richesse et d’opportunités pour nos frères et sœurs africains. Faire taire la commission est également le genre de menace qui peut la rendre incapable de remplir son mandat qui est la protection, la promotion et l’interprétation Comment rendre silencieuse la Commission et lui enlever la parole ? C’est par l’érosion du mandat, c’est de réinterpréter le mandat de la commission: ce qui constitue à mon avis, le plus grand danger. Encore une fois, ceci doit nous interpeller nous et les autres à œuvrer en coalitions. Il nous faut travailler en coalition pour justement nous rapprocher de cette commission, parce que nous avons appris à la chérir et à la respecter.
La première recommandation aux États est de mettre en pratique leurs lois et règlements. Nous savons que les préoccupations que nous avons en tant que membres d’une communauté large des droits de l’homme, sont des préoccupations qu’ils ont peut-être, probablement en terme de paix et sécurité. Je travaille pour une organisation qui se focalise sur la question des droits de l’homme parce que c’est ce qu’on fait et c’est une question centrale mais, elle est aussi liée à un concept plus large de paix et sécurité sur lequel une institution comme l’UA est très engagée. Elle a des politiques mises en place, beaucoup de mécanismes, tels que la feuille de route d’Addis Abeba, les règlements relatifs au respect du droits de réfugiés, la convention de Kampala, nous avons le protocole de Maputo dirigés, discutés, conçus, signés par des États qui les ont ratifiés, s’ils les respectent et les mettent en œuvre, c’est pour le bien des populations. La première recommandation aux États est de mettre en pratique leurs lois et règlements La deuxième recommandation, c’est l’utilisation des différents mécanismes qui existent. Il faut une interaction beaucoup plus accentuée, beaucoup plus soutenue, avec justement des institutions comme l’Union africaine, la Commission africaine, les Communautés économiques régionales et que l’on s’organise au niveau des sociétés civiles africaines afin d’arriver à déterminer et à approfondir notre engagement entre différentes organisations, mais aussi avec la Commission.