Auteur : Frédéric le Manach
Organisation affiliée : Atlantico Green
Type de publication : Interview
Date de publication : 27 novembre 2016
Atlantico : Les industriels chinois ont depuis quelques années la mainmise sur le bassin de pêche africain. La surpêche dans cette zone est particulièrement importante. Le bassin africain est-il menacé ?
Frédéric Le Manach : La Chine a commencé à devenir une grande nation de pêche en dehors de ses eaux dans les années 1990, suite à l’épuisement de ses ressources locales. Le gouvernement a alors favorisé l’export de ses flottes de pêche artisanale et semi-industrielle dans les bassins océaniques pacifique, indien et atlantique. Ce n’est que depuis le début des années 2000 que ces flottes chinoises “distantes” se sont réellement modernisées.
Les bateaux chinois ciblent un très grand nombre d’espèces qui vivent à proximité du (ou sur le) fond de l’océan, ceux que l’on appelle les poissons “démersaux” et “benthiques”. Ils ciblent également énormément les petits poissons qui vivent dans la colonne d’eau (par exemple les sardinelles) dans le but de les réduire en farines et en huiles pour l’alimentation des poissons d’élevage, des porcs et des poulets.
Comme pour les autres grandes nations de pêche distante – Japon, Russie, Espagne, France etc. – la Chine a trouvé au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest des eaux très poissonneuses… et très peu surveillées. Cela a donc favorisé la prolifération des navires de pêche étrangers dans cette région, opérant parfois légalement via des accords de pêche, parfois de manière totalement illégale. La surpêche est donc rapidement devenue une réalité.
Bien sûr, les pêcheurs étrangers – chinois et autres – ne sont pas les seuls responsables de cette surpêche : par exemple au Sénégal, la mauvaise gestion locale de la pêche artisanale (notamment destinée à l’export) a conduit à une augmentation incontrôlée du nombre de pirogues avec des effets dévastateurs sur l’environnement. Aujourd’hui, les pêcheurs sénégalais ne trouvent plus de “thiof” (mérou brun) car celui-ci est beaucoup plus rare et est exporté vers l’Europe et d’autres régions riches, alors qu’il était l’ingrédient principal du plat national il y a encore quelques années. En Namibie, la surpêche a quant à elle conduit à la prolifération de méduses.
Cette surpêche et la dégradation de l’habitat qui va avec a des conséquences sociales et économiques désastreuses, car la pêche est souvent un recourt pour des populations déjà exsangues. Voir de gros navires industriels piller les ressources peut donc potentiellement créer des tensions entre les différents groupes (cf piraterie au large de la Somalie ou dans le Golfe de Guinée) ; les populations côtières dépendant de la pêche peuvent aussi choisir de migrer vers les pays voisins ou l’Europe, avec toutes les violences et incompréhensions que cela peut engendrer. En cela, la relative stabilité de l’Afrique de l’Ouest se trouve menacée.
Quelles sont les normes internationales en matière de pêche ? Les industriels chinois en Afrique respectent-ils ces normes ? Si oui, comment expliquer la situation actuelle ? Sinon, comment réguler la surpêche en Afrique ?
Le problème des “normes internationales” est que celles-ci sont très rarement contraignantes. Le programme des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation a beau avoir produit un code de conduite pour une pêche responsable, si les pays côtiers n’ont pas les moyens de surveiller et contrôler leurs eaux, ce code est futile.
La récente entrée en vigueur du premier accord contraignant, l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, est une excellente nouvelle et devrait rapidement porter ses fruits.
D’autres outils comme la surveillance par satellite et l’utilisation d’algorithmes pour détecter les activités illégales. sont aujourd’hui très efficaces et peuvent permettre aux pays côtiers aux moyens techniques et humains limités d’asseoir efficacement leur souveraineté sur leurs eaux.
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