Nous partageons quelques extraits de l’article du Monde Afrique dans sa série ” En Afrique, la science au féminin”. Vous pouvez retrouver l’article original ici.
Valérie Carole Gbonon, médecin biologiste à l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, Le Monde Afrique.
La professeure Valérie Gbonon, âgée de 47 ans fait partie des médecins chercheurs les plus brillants d’Afrique de l’Ouest. Elle est devenue incontournable sur un sujet peu étudié sur le continent: la résistance bactérienne aux antibiotiques. C’est à la fin des années 1990 qu’elle vit le premier vrai tournant de sa vie. Alors qu’elle commence une thèse sur «l’écosystème bactérien dans les blocs opératoires du CHU de Treichville», à cheval entre la réanimation et le service de bactériologie de cet hôpital d’Abidjan, elle est traumatisée par ce qu’elle voit. «La mort partout, tout le temps. Et ce sentiment d’impuissance…».
C’est à cette époque qu’elle fait la « rencontre de [sa] vie»: Mireille Dosso, la directrice de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire (IPCI), qui s’allie pour la circonstance avec la mère de la jeune universitaire pour la convaincre de finir sa thèse et de devenir chercheuse, en plus d’être médecin. Mise sur les rails par ces deux «mentors», Valérie Carole Gbonon entre à l’IPCI.
Depuis, elle enchaîne les consécrations scientifiques. En 2006, ses travaux autour du streptocoque du groupe B, la principale bactérie responsable des infections néonatales, véritable fléau en Côte d’Ivoire, lui valent d’être lauréate du prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science, avec à la clé un stage au Centre national de référence des streptocoques de l’hôpital Cochin, à Paris.
Ses travaux sont appréciés car ils abordent des enjeux peu explorés par la recherche ivoirienne et ouest-africaine. Elle a choisi la résistance bactérienne aux antibiotiques comme «sujet d’étude d’une vie». Ce qui lui permet d’asseoir son autorité et sa légitimité scientifiques. C’est ainsi que l’Observatoire des résistances des micro-organismes aux anti-infectieux en Côte d’Ivoire (Ormici), qu’elle a lancé avec une collègue en 2006, est devenu un centre national de recherche reconnu par l’État.
Aujourd’hui, l’Ormici assure le secrétariat exécutif pour la Côte d’Ivoire dans le cadre du Global Health Security Agenda, une initiative internationale de lutte contre les maladies infectieuses. En 2016, l’État ivoirien a décrété que la résistance bactérienne aux antibiotiques était une «préoccupation de santé publique». Sur ce sujet, la professeure Gbonon est devenue incontournable. Interrogée sur sa double nationalité et les opportunités qu’elle pourrait avoir à l’étranger dans des laboratoires de renommée, elle répond, presque en chuchotant: «C’est la Côte d’Ivoire qui a le plus besoin de moi.»
Source : Le Monde Afrique