Auteurs : Paul Akiwumi, Junior Davis, Grace Gondwe, Carlotta Schuster, Anja Slany, Sine Tepe, Komi Tsowou and Ali Yedan.
Date de publication : Novembre 2021
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The economic integration of African regions is guided by the will of collective independency, with the goal to build a pacific and prosperous continent. The creation of an African Continental Free Trade Area follows the same pattern. This project emerged in 2012 during the 18th ordinary session of the African Union Conference. Today, the majority of African countries have signed and ratified the agreement, including almost all West African ones. WATHI chose this report as it allows to evaluate the context, the perspective and the limits to the implementation of the African Continental Free Trade Area. This project takes place in a post-epidemic context, which revealed more than ever the importance of a continental integration. Indeed, the liberalization of exchanges in Africa promises a positive impact in terms of growth, poverty, inequality and informality reduction, as well as more resilience to crisis. Also, this document provides tracks and recommendations for the good implementation of this project. Pourquoi avons-nous choisi ce document ? L’intégration économique des régions africaines est guidé par une volonté d’indépendance collective, dans le but de bâtir un continent pacifique et prospère. La création d’une Zone de libre-échange continentale s’inscrit également dans cette lignée. Ce projet est né en 2012 lors de la 18e session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine. Aujourd’hui, la majorité des pays africains ont signé et ratifié cet accord, y compris la quasi-totalité des pays ouest-africains. WATHI a choisi ce rapport car il permet d’évaluer le contexte, les perspectives et les limites de la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine. Ce projet s’inscrit dans un contexte post-épidémique qui a révélé plus que jamais l’importance d’une intégration non pas simplement régionale, mais continentale. La libéralisation des échanges en Afrique promet, en effet, un impact positif sur la croissance des pays, la réduction de la pauvreté, des inégalités et de l’informalité, ainsi que davantage de résilience face aux crises. Ce document apporte également des pistes et recommandations pour une bonne application de ce projet.
This report provides 11 lessons. The three main ones are the following. The first is to simplify the practices and commercial rules in the African continent. This first measure include the dematerialization of trade and the promotion of paperless commercial systems able to favor small businesses et should be one of the main priority of stake holders and trade professionals. Also, it is essential to make sure of the convergence of the commercial rules and practices in the framework of the African Free Trade Area and the regional economic communities. Indeed, the heterogeneity of the trade agreements concluded between African countries could jeopardize the efficiency of the rules in force in the framework of the Free Trade Area. Also, the simplification of the commercial rules and practices include the promotion of information on the market, in order to make the opportunities, the commercial rules and other regulations known. The second lesson consist in making sure that the private sector is a motor of transformative growth. Professional associations and more solid intermediaries could help the private sector to play its central rol, which is to establish relations between enterprises and facilitate the access to human and physical capital, as well as to intermediate products and services. The promotion of an inclusive free trade zone thanks to the complementary measures targeting the most vulnerable categories, is the third lesson that we can provide to the countries of the WATHI zone. Indeed, the agreement does not include differential dispositions in favor of the most disadvantaged actors in the formal commercial system, such as firms owned by women, small merchants and young entrepreneurs ; it is crucial to adopt complementary measures at the regional and national level, for the Free Trade Area to be inclusive. Quelles leçons pour les pays de la zone de WATHI ? Il existe un total de 11 leçons que nous pouvons tirer de ce rapport, dont les trois principales sont les suivantes. La première leçon est de simplifier les règles pratiques et commerciales au sein du continent africain. Cette première mesure passe par la dématérialisation du commerce et la promotion de systèmes commerciaux “sans papier” pouvant grandement favoriser les petits commerçants et qui devraient être l’une des principales priorités des décideurs et des professionnels du commerce. Il est également essentiel de veiller à la convergence des règles et pratiques commerciales dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine et les communautés économiques régionales. En effet, l’hétérogénéité des accords commerciaux conclus entre les pays africains pourrait compromettre l’efficacité des règles en vigueur dans le cadre de la Zone de libre-échange. Aussi, la simplification des règles pratiques et commerciales inclut la promotion d’information sur les marchés afin de faire connaître les débouchés, les règles commerciales et d’autres réglementations. La seconde leçon consiste à veiller à ce que le secteur privé soit le moteur d’une croissance transformatrice. Des associations professionnelles et des intermédiaires plus solides pourraient aider le secteur privé à jouer son rôle central, qui est de mettre en relation les entreprises et de faciliter l’accès au capital humain et physique ainsi qu’aux produits intermédiaires et aux services. La promotion d’une zone de libre-échange inclusive grâce à des mesures complémentaires ciblant les catégories les plus vulnérable constitue la troisième leçon pour les pays de la zone WATHI. En effet, l’accord ne comportant pas de dispositions différenciées en faveur des acteurs qui sont souvent désavantagés dans les systèmes commerciaux formels, comme les entreprises détenues par des femmes, les petits commerçants et les jeunes entrepreneurs ; il est crucial que des mesures complémentaires soient adoptées aux niveaux régional et national, pour que la Zone de libre-échange soit inclusive.
Les extraits proviennent des pages : 5, 6, 14, 15, 21, 25, 28, 29, 31, 33, 53, 56, 64, 71, 72, 74, 85, 100, 103, 114, 147, 153, 163, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202
Introduction
La croissance inclusive et le développement durable sont les principaux objectifs de l’Agenda 2063, et ces deux questions sont traitées dans le présent Rapport. Il n’existe pas de définition communément admise de la croissance inclusive (Ali and Son, 2007 ; Ali and Zhuang, 2007). Toutefois, cette notion est de plus en plus présente dans les débats sur le développement. Elle désigne une croissance qui offre des chances égales à tous (Rauniyar and Kanbur, 2010). Diverses approches de la croissance inclusive sont axées sur le partage équitable des retombées de la croissance et donc sur la répartition équitable du bien-être entre les personnes indépendamment de la classe, de la culture, de la communauté ou du genre.
Le lancement de la Zone de libre-échange continentale africaine offre aux pays d’Afrique une occasion unique de promouvoir une croissance inclusive et d’accélérer la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063 en stimulant le commerce intra-africain et les gains socioéconomiques pour la population (East Africa International Arbitration Conference, 2021). Grâce à la libéralisation totale d’un vaste espace économique, les entreprises ont la possibilité de rationaliser leur production en augmentant leur champ d’action, en envisageant de lancer de nouvelles lignes de produits et en participant à des chaînes de valeur et, dans le même temps, de se développer sans encombre sur le continent en étant guidées par leur clientèle (marché) et les liens qu’elles nouent avec les chaînes de production et d’approvisionnement.
L’intégration économique est un aspect important de l’intégration régionale. La croissance des entreprises de différents secteurs, permise par la réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires, pourrait favoriser la circulation non seulement des capitaux mais aussi de la main-d’œuvre à mesure que de nouvelles possibilités d’emploi se présentent sur le continent.
En outre, la Zone de libre-échange pourrait offrir davantage de perspectives de croissance pour les petites et moyennes entreprises et l’emploi indépendant productif, et contribuer à réduire efficacement l’emploi informel, très largement répandu en Afrique. Globalement, ces facteurs auront un effet net sur les revenus et les niveaux de pauvreté des habitants de la région. D’ici à 2035, la Zone de libre-échange continentale africaine pourrait entraîner une hausse des revenus et faire sortir environ 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté, selon certaines estimations.
Il convient toutefois de préciser que l’obtention et la durabilité de tels avantages dépendent largement des politiques (et des mesures de facilitation du commerce) ainsi que des partenariats qui seront mis en place dans la région pour guider la mise en œuvre de la Zone de libre-échange. Le présent Rapport s’inscrit dans cette optique puisqu’il vise à donner aux décideurs des orientations sur la manière dont les gains attendus de la Zone de libre-échange continentale africaine en matière de commerce, de production, d’investissement et de croissance feront évoluer les chances de parvenir à une croissance plus inclusive, compte tenu du creusement des inégalités dans la région et des effets négatifs de la pandémie de COVID-19.
Croissance inclusive
Au cours de la période 2010-2018, la pauvreté, telle que mesurée à l’aide du seuil de pauvreté et des taux de pauvreté, a diminué en Afrique, avec des variations selon les CER. La proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 40,2 % en 2010 à 34,4 % en 2018 pour les personnes dont le revenu ou la consommation est inférieur à 1,9 dollar par jour. Comme le montre Valensisi (Valensisi, 2020), l’Afrique (à l’exclusion de l’Afrique du Nord) est la région du monde la plus touchée par l’extrême pauvreté : on estime que le taux de pauvreté y a augmenté de 2,7 points de pourcentage en 2020 en raison de la pandémie, ce qui correspond à 31 millions de personnes supplémentaires vivant dans l’extrême pauvreté (au seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour). De même, Mahler et al. (Mahler et al., 2020) relèvent que la pandémie pourrait faire basculer 40 millions d’Africains (hors Afrique du Nord) sous le seuil de pauvreté de 1,9 dollar par jour.
D’ici à 2035, la Zone de libre-échange continentale africaine pourrait entraîner une hausse des revenus et faire sortir environ 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté, selon certaines estimations
C’est dans l’Union du Maghreb arabe que le taux de pauvreté est le plus bas et dans la Communauté économique des États de l’Afrique centrale qu’il est le plus élevé, quel que soit le seuil de pauvreté utilisé pour le calcul. En général, il existe une relation observable entre la croissance inclusive et la baisse des taux de pauvreté ; c’est ce qui s’est produit dans tous les pays à croissance inclusive, à l’exception des Seychelles, tandis que la pauvreté a augmenté dans tous les pays qui n’ont pas connu de croissance inclusive, sauf le Cameroun.
On constate que la croissance a été relativement inclusive dans 17 pays, à savoir l’Algérie, le Burkina Faso, Cabo Verde, la Gambie, la Guinée, le Kenya, le Lesotho, le Libéria, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, l’Ouganda, le Rwanda, la Sierra Leone et la Tunisie. Dans ces pays, le revenu moyen ou la consommation moyenne des pauvres a augmenté et leur situation s’est améliorée. En outre, comme le taux de croissance moyen des pauvres est plus élevé que celui des non-pauvres, la croissance est susceptible de réduire la pauvreté et l’inégalité.
Dans 14 pays, à savoir l’Afrique du Sud, le Burundi, le Congo, Djibouti, l’Eswatini, l’Éthiopie, le Ghana, le Malawi, Maurice, le Mozambique, la République-Unie de Tanzanie, les Seychelles, le Tchad et le Togo, la croissance s’est accompagnée d’une aggravation de l’inégalité. L’inégalité a diminué au Gabon, en Namibie, en République démocratique du Congo et au Sénégal, mais le taux moyen de croissance favorable aux pauvres est resté légèrement inférieur au taux de croissance de la moyenne d’ensemble. Au Burundi, au cours de la période 2006-2014, le taux moyen de croissance favorable aux pauvres était positif, mais bien inférieur au taux de croissance de la moyenne d’ensemble, et la consommation des 20 % les plus pauvres a diminué.
L’Angola, les Comores, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, Madagascar et le Zimbabwe n’ont pas connu de croissance inclusive et la pauvreté a augmenté dans ces pays. Tant le taux moyen de croissance favorable aux pauvres que le taux de croissance de la moyenne d’ensemble ont été négatifs. En Angola, aux Comores, à Madagascar et au Zimbabwe, la croissance négative a été moindre pour les pauvres que pour les non-pauvres, mais cela n’a pas été le cas en Côte d’Ivoire et en Égypte.
Au Bénin, au Cameroun, en Guinée-Bissau, en République centrafricaine, à Sao Tomé-et-Principe et en Zambie, la croissance n’a pas été inclusive. D’une façon générale, la situation des pauvres au regard de la croissance s’est détériorée. Dans ces pays, la croissance s’est accompagnée d’une aggravation de l’inégalité et d’une absence de réduction de la pauvreté, sauf au Cameroun, où la pauvreté a diminué sur la période 2001-2014. La courbe d’incidence de la croissance du Cameroun a augmenté sur cette période, sauf pour le dernier décile ; pour les déciles les plus pauvres, la croissance a été négative
Population, secteur informel et inclusivité
L’emploi et le commerce informels contribuent sensiblement à la subsistance de la population du continent. L’emploi informel représente une part importante de l’emploi total. Selon les estimations, 72 % des emplois non agricoles et 98 % des emplois agricoles sont des emplois informels (International Labour Organization, 2018). Dans de nombreux pays africains, l’économie informelle, bien qu’elle régresse depuis ces trente dernières années, reste très répandue et compte pour beaucoup dans l’économie totale.
La proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 40,2 % en 2010 à 34,4 % en 2018 pour les personnes dont le revenu ou la consommation est inférieur à 1,9 dollar par jour
Pratique antérieure à l’Afrique moderne, le commerce transfrontalier informel contribue à la création d’emplois, surtout pour les femmes et les jeunes, à la sécurité alimentaire, par le commerce de produits agricoles, et à la croissance économique. Il est donc un élément déterminant de l’intégration commerciale intra-africaine.
Le commerce transfrontalier informel fait intervenir un ensemble complexe de pratiques et d’acteurs, relevant du secteur formel et du secteur informel, qui interagissent, se superposent et se concurrencent, du fait des liens solides entre le commerce formel et le commerce informel. Dans certains cas, les biens informels peuvent être incorporés dans les chaînes de valeur formelles d’un autre pays et être comptabilisés dans les statistiques officielles en aval.
Compte tenu de la nature du commerce transfrontalier informel, il est compliqué, d’un point de vue statistique, d’établir le profil exact des commerçants transfrontaliers (genre, éducation, âge, etc.) et de déterminer précisément le poids économique de leurs activités. L’analyse ci-après porte sur les caractéristiques démographiques des commerçants transfrontaliers informels et sur les biens que ceux-ci échangent.
Bien que le commerce transfrontalier informel transcende le genre, l’âge, la religion et l’appartenance ethnique, plusieurs études indiquent qu’une grande partie des commerçants transfrontaliers d’Afrique sont des femmes et des jeunes, dont la majorité ont entre 20 et 40 ans (African Development Bank, 2012a ; Eastern African Subregional Support Initiative for the Advancement of Women, 2012 ; FAO, 2017).
Les mesures de facilitation du commerce peuvent être un moyen pour les petits commerçants informels de développer leurs activités et de sortir du « piège du secteur informel » pour être davantage inclus dans l’économie
Il est ressorti d’une enquête de terrain récemment menée dans le cadre du Programme pour la facilitation des échanges en Afrique de l’Ouest que les commerçants étaient majoritairement des hommes (60 %) et que l’écart entre femmes et hommes était particulièrement marqué dans le couloir Lagos-Kano-Niamey, où les femmes étaient fortement sous-représentées pour des raisons culturelles et à cause des risques de sécurité.
Des études montrent que les commerçants transfrontaliers informels échangent presque tous les types de biens, qu’il s’agisse d’aliments (produits alimentaires de base, aliments transformés, bétail, poisson et produits dérivés, qui ont une incidence directe sur la sécurité alimentaire dans la région) ou d’articles manufacturés de faible qualité (textiles, vêtements et produits cosmétiques), et fournissent également des services (coiffure et microfinancement, par exemple) (African Export-Import Bank, 2020 ; Trade Facilitation West Africa, 2020 ; UNCTAD, 2019b).
L’Afrique a le taux d’entrepreneuriat le plus élevé au monde, soit 22 %, et les Africaines créent proportionnellement davantage d’entreprises que les femmes d’autres continents. Les femmes sont beaucoup plus susceptibles de travailler dans les services non échangeables que les hommes ; ainsi, 63 % des entrepreneuses travaillent dans le commerce de détail, l’hôtellerie et la restauration, contre 46 % des entrepreneurs. En Afrique, les créateurs d’entreprise sont également plus jeunes – l’âge médian est de 31 ans – que dans les autres régions en développement (African Development Bank et al., 2017).
Les mesures de facilitation du commerce peuvent être un moyen pour les petits commerçants informels de développer leurs activités et de sortir du « piège du secteur informel » pour être davantage inclus dans l’économie. Celles qui visent à mieux intégrer les commerçants transfrontaliers informels dans le secteur formel, comme le régime commercial simplifié − appliqué en particulier dans le Marché commun de l’Afrique orientale et australe et dans la Communauté d’Afrique de l’Est − et le modèle d’entreprise coopérative, sont examinées plus bas. Il est recommandé de mettre en place, au niveau du continent, un régime commercial simplifié dont la Zone de libre-échange continentale africaine peut tirer des enseignements concrets et sur lequel celle-ci peut s’appuyer pendant sa mise en place.
On constate que la croissance a été relativement inclusive dans 17 pays, à savoir l’Algérie, le Burkina Faso, Cabo Verde, la Gambie, la Guinée, le Kenya, le Lesotho, le Libéria, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, l’Ouganda, le Rwanda, la Sierra Leone et la Tunisie
La Zone de libre-échange continentale africaine au service de la prospérité partagée : potentiel d’exportation et obstacles à un commerce plus inclusif
La Zone de libre-échange continentale africaine peut permettre d’harmoniser les objectifs nationaux et régionaux grâce à l’instauration d’un cadre directif cohérent et intégré en matière d’investissement et de concurrence, notamment à l’occasion de la phase II de mise en œuvre de l’Accord qui l’institue.
Même si le développement du commerce intrarégional présente des avantages du point de vue de la diversification des exportations, le niveau de complémentarité intrarégionale en Afrique est inférieur à celui des Amériques, de l’Asie et de l’Europe, ce qui limite actuellement le potentiel du processus d’intégration africain. L’une des raisons pour lesquelles le volume des échanges intra-africains n’est pas plus élevé est que la gamme des produits exportés et celle des produits importés sont moins en adéquation en Afrique qu’elles ne le sont sur d’autres continents. Cette faible complémentarité du commerce intra-africain tient à la gamme réduite de produits exportés, à la diversification limitée, aux obstacles réglementaires et structurels au commerce et au chevauchement des stratégies commerciales (International Trade Centre, 2019).
L’indicateur de potentiel d’exportation, mis au point par le Centre du commerce international, fournit une estimation de la valeur potentielle des exportations pour une combinaison exportateur-importateur-produit donnée. La comparaison entre les exportations potentielles et les exportations réelles permet de repérer les pays et les marchés dont le potentiel d’exportation est inexploité.
Si l’on compare le potentiel d’exportation aux échanges réels, on s’aperçoit que le potentiel d’exportation total inexploité du commerce intra-africain est d’environ 21,9 milliards de dollars, soit l’équivalent de 43 % des exportations intra-africaines (moyenne annuelle entre 2015 et 2019), pour les biens visés par l’analyse du potentiel d’exportation. Ce potentiel d’exportation inexploité est, pour plus d’un tiers, statique car lié à des tensions ; en d’autres termes, 8,6 milliards de dollars d’échanges pourraient être réalisés si l’on s’efforçait de repérer les tensions auxquelles les marchés sont actuellement en proie dans le commerce africain et d’y remédier. Les 13,3 milliards de dollars restants sont liés à la croissance du PIB et de la population, qui devrait se traduire par une augmentation de l’offre et de la demande.
Le plus vaste potentiel inexploité est attendu dans les secteurs des véhicules terrestres (1,4 milliard de dollars) et du sucre (1,3 milliard de dollars). Il existe aussi un vaste potentiel inexploité dans les secteurs des produits alimentaires, notamment : le sucre ; les poissons et crustacés ; les préparations alimentaires diverses ; les préparations à base de céréales, de farines, d’amidons, de fécules ou de lait ; les boissons, liquides alcooliques et vinaigres.
Bien que le commerce transfrontalier informel transcende le genre, l’âge, la religion et l’appartenance ethnique, plusieurs études indiquent qu’une grande partie des commerçants transfrontaliers d’Afrique sont des femmes et des jeunes, dont la majorité ont entre 20 et 40 ans
La phase I de mise en œuvre de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine vise à éliminer totalement les droits de douane, suivant des calendriers distincts pour les pays les moins avancés et les autres pays. La suppression progressive des droits de douane pour 90 % des catégories de produits débutera en 2021 et se déroulera sur une période de cinq ans (dix ans pour les pays les moins avancés). Les unions douanières qui comptent parmi leurs membres des pays parmi les moins avancés et d’autres pays, telles que la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, la Communauté d’Afrique de l’Est, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et l’Union douanière d’Afrique australe, établissent les offres tarifaires en fonction du groupe concerné.
Les services sont essentiels pour promouvoir une croissance inclusive (liaisons en amont et en aval (services de détail, par exemple), services financiers, technologies de l’information et de la communication, services aux entreprises, etc.), mais aussi pour réduire les coûts des transactions grâce à la libéralisation des technologies de l’information et de la communication, pour améliorer l’accès au financement et aux instruments financiers, y compris les investissements internationaux, pour faciliter l’envoi et la réception de fonds, et pour améliorer le bien-être de la population (services de santé et d’éducation). Le commerce de tous les services favorise la croissance du PIB (UNCTAD, 2015a).
La libéralisation financière dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine a de grandes chances d’accroître l’inclusion financière, mais des réformes réglementaires sont nécessaires pour réduire le risque de contagion de l’instabilité financière (Economic Commission for Africa, 2020). Les marchés financiers restent sous-développés, ce qui limite l’accès des entreprises au crédit. Dans le secteur des services financiers, les innovations technologiques sont devenues un important facteur d’inclusion financière en permettant aux populations exclues de bénéficier de services de base et de moyens de financement à long terme.
Un cadre intégré et des mesures commerciales à moindre coût
Les arguments exposés dans les chapitres précédents permettent d’affirmer que, pour tirer parti de la Zone de libre-échange continentale africaine, il faut, en plus d’éliminer les droits de douane, mettre en œuvre des mesures de facilitation du commerce simplifiées, c’est-à-dire des règles commerciales faciles à respecter et moins perturbatrices pour la production et le commerce de marchandises et de services.
En Afrique, les difficultés liées aux mesures non tarifaires sont aggravées par le chevauchement des régimes commerciaux et l’hétérogénéité des règles, plusieurs pays étant membres de plus d’une CER. Cette situation fait qu’il est coûteux de se plier aux règles commerciales et pèse sur les échanges intracommunautaires (Chacha, 2014 ; Keane et al., 2010). Les CER s’emploient actuellement à harmoniser leurs règles commerciales, notamment dans le cadre de l’Accord de libre-échange tripartite entre le Marché commun de l’Afrique orientale et australe, la Communauté d’Afrique de l’Est et la Communauté de développement de l’Afrique australe.
La Zone de libre-échange continentale africaine peut également contribuer à cet effort. Si les règles commerciales demeurent hétérogènes et continuent de se multiplier du fait des différents accords commerciaux régionaux conclus, ce qui risque d’être le cas à court terme, il pourra être coûteux pour les entreprises de respecter les mesures non tarifaires visées par l’Accord, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, qui constituent la majeure partie du secteur privé en Afrique.
Si l’on compare le potentiel d’exportation aux échanges réels, on s’aperçoit que le potentiel d’exportation total inexploité du commerce intra-africain est d’environ 21,9 milliards de dollars, soit l’équivalent de 43 % des exportations intra-africaines (moyenne annuelle entre 2015 et 2019)
L’allégement des processus commerciaux, qui passe notamment par le recours à des mesures non tarifaires simplifiées, efficaces et peu coûteuses, ne peut que partiellement contribuer à libérer la production et le potentiel du commerce intra-africain. Il est également essentiel de bâtir des infrastructures physiques, y compris des couloirs de développement (par exemple, dans les domaines des transports, du commerce, de l’agriculture et de l’industrie), qui faciliteront les activités de développement socioéconomique. Même si certains progrès ont été enregistrés ces dernières années, les couloirs de transport et de commerce indispensables à la circulation à moindre coût des personnes et des marchandises à l’intérieur et au-delà des frontières restent insuffisants.
Au niveau continental, le cadre institutionnel pour la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine est composé de l’assemblée des chefs d’État et de gouvernement, du conseil des ministres du commerce, du comité des hauts fonctionnaires chargés des questions commerciales, et du secrétariat. Parmi les organes de gouvernance figurent plusieurs comités et sous-comités créés en lien avec les protocoles et les annexes, notamment avec les protocoles sur le commerce des marchandises, le commerce des services, les investissements, la politique de la concurrence, les droits de propriété intellectuelle et le commerce électronique (African Union, 2018b).
L’application effective de la réglementation commerciale au niveau des pays sera également essentielle. Le secrétariat s’attache à rendre les règles et les pratiques commerciales plus transparentes et à faire en sorte que les États membres transposent les dispositions de l’Accord dans leurs lois, règlements et procédures administratives.
Source photo : unctad.org