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Avec 189 États membres, des collaborateurs issus de plus de 170 pays et plus de 130 antennes à travers le monde, le Groupe de la Banque mondiale est composé de cinq institutions œuvrant de concert à la recherche de solutions durables pour réduire la pauvreté et favoriser le partage de la prospérité. Sa mission est de mettre fin à la pauvreté extrême en faisant en sorte que la part de la population mondiale vivant avec moins de 1,90 USD par jour passe sous la barre des 3 % d’ici 2030 et de promouvoir une prospérité partagée en favorisant, dans chaque pays, l’augmentation des revenus des 40 % les plus pauvres.
Site de l’organisation : https://www.banquemondiale.org/
Date de publication : juin 2022
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La région du G5 Sahel (le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger) est composée de pays qui ont un tissu économique fragile et font face à des défis tels que « l’instabilité politique accrue, l’insécurité grandissante, l’urbanisation incontrôlée, la baisse de la productivité agricole, la crise de la sécurité alimentaire touchant des millions de personnes, les déplacements de populations, la gouvernance limitée, les capacités limitées du secteur public, le nombre insuffisant d’institutions, et les impacts croissants du changement climatique. » Le changement climatique expose davantage les fragilités et exacerbent les facteurs qui poussent vers la migration et l’exclusion sociale. Ce phénomène augmente aussi les frustrations des citoyens car la centralisation de la gestion de l’État et la faiblesse des institutions créent ce qu’on appelle « des populations flottantes ». Alors que le monde se dirige vers la prochaine Conférence mondiale sur le réchauffement climatique qui se tiendra du 6 au 18 novembre 2022 à Sharm el-Sheikh en Égypte, il est urgent de reposer les grandes questions qui méritent une action rapide et collective afin d’accélérer à la fois le développement et la résilience aux impacts du changement climatique surtout pour les régions les plus fragiles.
Les signaux sont au rouge certes, mais les pays du G5 Sahel ont encore des avantages non exploités. La région est habitée par une population jeune et en pleine croissance, et elles disposent de ressources énergétiques renouvelables. « Grâce à des investissements judicieux dans le domaine du climat et au renforcement des politiques et des institutions, les pays du G5 peuvent devenir beaucoup plus résistants aux effets du changement climatique et éviter de s’enfermer dans un schéma de croissance à forte intensité de carbone. » La présence de l’État reste un point important pour améliorer la qualité des prestations car en cette période de reconstruction post-covid, et la crise russo-ukrainienne qui perturbe les chaines d’approvisionnent en céréales, un Sahel vert et résilient exige plus d’engagement des Etats à tous les niveaux.
Ces extraits proviennent des pages : 31-36 ; 37-85
Vue d’ensemble : géographie, démographie et indicateurs de développement
Le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger (les cinq pays du G5) se trouvent dans la région sahélienne de l’Afrique, qui s’étend entre le Sahara au nord et la savane soudanaise au sud. Ces pays couvrent un territoire important, de plus de 5 millions de kilomètres carrés. Tous les pays, à l’exception de la Mauritanie, sont enclavés. Le Sahel est ce que l’on appelle une écorégion de transition. Une grande partie de la région est constituée de prairies et de savanes semi-arides, avec des zones arbustives et boisées dans le sud.
Les états du G5 comptent une population de 89 millions de personnes, et des taux de croissance démographique plus élevés que dans toute autre partie du monde. Entre 1960 et 2020, le nombre de personnes vivant dans les pays du G5 est passé de 17,3 à 86,4 millions, et d’ici 2050, la population devrait atteindre entre 180 et 211 millions. Les pays du G5 continuent d’afficher des taux de fécondité élevés, allant de 4,6 enfants par femme en Mauritanie à 7 enfants par femme au Niger, soit le taux le plus élevé de tous les pays du monde. Ces taux de fécondité élevés sont à l’origine de la forte croissance démographique de la région, en particulier dans le contexte des progrès significatifs réalisés pour augmenter l’espérance de vie et réduire le taux de mortalité de plus de 50 % depuis 1960, principalement en raison de la baisse de la mortalité infantile et juvénile.
L’agriculture est la principale activité économique des cinq pays du Sahel. Elle contribue à 40 % du PIB combiné des cinq pays de la région et constitue le principal employeur. La majeure partie de l’activité consiste en une agriculture de subsistance en zone aride pratiquée par de petits exploitants. Avec un recours limité à l’irrigation, cette agriculture est fortement dépendante des précipitations saisonnières souvent incertaines, qui varient entre environ 200 millimètres par an dans le nord et 600-700 mm par an dans le sud.
Le pastoralisme fait également partie intégrante des moyens de subsistance au Sahel, fournissant de la viande, du lait et des revenus. L’élevage représente 10 à 15 % du PIB au Burkina Faso, au Tchad, au Mali et au Niger, et une part encore plus importante en Mauritanie, où la moitié de la population est constituée de pasteurs. En outre, la pêche constitue l’une des sources de protéines les plus courantes et les moins chères.
Avec une telle dépendance à l’égard de l’agriculture, les cinq pays sont encore très ruraux. Toutefois, leurs villes se sont développées. Au cours des trente dernières années, la population urbaine est passée de 18,8 % de la population (7,7 millions de personnes) à 29,4 % (24,6 millions de personnes). En général, les populations urbaines se répartissent à peu près de manière égale entre les grandes zones urbaines, généralement, dans les capitales comme Bamako au Mali et Niamey au Niger, et dans un nombre croissant de très petites villes qui sont plus étroitement liées aux régions rurales environnantes.
Faibles résultats en matière de capital humain, de résilience, d’inclusion, de durabilité et d’efficacité
Alors que l’espérance de vie moyenne a considérablement augmenté dans les pays du G5 depuis 1960, l’espérance de vie à la naissance ayant progressé de 71 % au Burkina Faso (pour atteindre 60,9 ans), les résultats de l’indice de développement humain de ces pays sont parmi les plus faibles du monde pour les pays en développement. En raison des carences en matière d’éducation et de santé, un enfant né aujourd’hui au Tchad n’atteindra que 30 % de son plein potentiel productif, et les chiffres sont à peine plus élevés dans les quatre autres pays. Les femmes sont particulièrement désavantagées. Les taux de mortalité maternelle sont élevés, entre 371 et 856 décès pour 100 000 naissances vivantes, et l’écart entre les sexes en matière d’éducation est parmi les plus importants au monde.
En outre, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire a fortement augmenté entre 2000 et 2015, passant de 2,9 millions à 3,7 millions au Burkina Faso, par exemple, et de 3,3 millions à 4,6 millions au Tchad. Cela risque d’accroître davantage les niveaux déjà élevés de malnutrition et de retard de croissance chez les enfants, ce qui réduit le développement cognitif et le niveau d’instruction, entraînant une baisse de la productivité et de la croissance futures.
Une région en proie à des conflits
Au cours des deux dernières décennies, la région du Sahel est devenue de plus en plus fragile, des vagues de conflits ayant déstabilisé la région. L’insurrection qui a débuté en 2009 au Nigeria s’est rapidement étendue du nord-est du pays au Cameroun, au Niger et au Tchad. En outre, le conflit qui a éclaté dans le nord du Mali en 2011 s’est étendu au centre du Mali, au nord du Burkina Faso et à l’ouest du Niger. Actuellement, tous les pays du G5 Sahel sont soit activement en conflit, soit confrontés à ses conséquences, notamment aux déplacements internes et aux flux de réfugiés.
Initialement déclenché par la présence de groupes extrémistes violents, le conflit s’est localisé et les tensions intercommunautaires ont fragilisé des régions qui n’étaient pas touchées par la violence. En outre, le retrait de l’opération française Barkhane et de la Task Force européenne Takuba du Mali, ainsi que le retrait du Mali du G5 Sahel, pourraient entraîner de nouvelles dynamiques sécuritaires dans la région, étant donné que des groupes armés pourraient combler le vide sécuritaire, notamment dans la zone tri-frontalière entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
En outre, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire a fortement augmenté entre 2000 et 2015, passant de 2,9 millions à 3,7 millions au Burkina Faso, par exemple, et de 3,3 millions à 4,6 millions au Tchad
En exerçant une pression supplémentaire sur les moyens de subsistance et l’espace économique de communautés essentiellement rurales, le changement climatique interagit avec ces caractéristiques et exacerbe la fragilité, comme le montre la littérature qui explore le lien entre le changement climatique et les conflits. Cela pourrait à son tour déclencher une boucle de rétroaction négative : plus de conflits rendent plus difficile pour les communautés de faire face aux impacts du changement climatique, ce qui conduit à plus de violence et de conflits et réduit davantage la résilience au changement climatique.
Ressources naturelles, dividende démographique et potentiel d’énergie renouvelable
Le G5 Sahel dispose d’un énorme potentiel d’énergie renouvelable, notamment éolienne et solaire. La région reçoit une irradiation solaire parmi les plus élevées au monde. Par exemple, au Tchad, l’irradiation horizontale globale est de 5,8 kWh par m² et par jour dans le Sud et de 6,8 kWh par m² et par jour dans le Nord. L’hydroélectricité représente également une source importante d’énergie renouvelable dans la région, avec de nombreux bassins d’eau et lacs ayant un potentiel hydroélectrique, notamment les bassins des fleuves Niger et Sénégal et le lac Tchad.
L’énergie solaire photovoltaïque et l’énergie éolienne augmentent rapidement, mais représentent encore moins de 5 % de l’électricité produite dans la plupart des pays, à l’exception de la Mauritanie. La baisse continue des prix des technologies solaires et de stockage par batterie représente une occasion unique de développer ces ressources dans le cadre du mix énergétique le moins coûteux.
Principaux défis en matière de développement et menaces croissantes liées au changement climatique
Les villes : Urbanisation, migration urbaine-rurale et gestion des risques de catastrophe
Les villes pourraient jouer un rôle majeur dans l’élévation du niveau de vie et l’augmentation de la résilience aux chocs climatiques dans les pays du Sahel, notamment pour les migrants climatiques et économiques. Cependant, les modèles actuels d’urbanisation ne permettent pas d’obtenir les gains économiques et de productivité qui pourraient résulter de l’agglomération des populations dans les villes, et augmentent en réalité les risques liés aux impacts du changement climatique.
La croissance urbaine dans les pays du G5 Sahel a été rapide, généralement incontrôlée et fragmentée. Par conséquent, la plupart des villes ont du mal à fournir des infrastructures et des services de base, et manquent de ressources financières pour faire face à l’augmentation rapide de la population. L’absence de planification et l’étalement des zones urbaines signifient que la densité de l’activité économique est faible et que les distances à parcourir sont importantes. Les routes sont aussi généralement de mauvaise qualité et les coûts de transport élevés.
Cette situation a pour effet d’entraver le commerce, d’intensifier les conflits et de contribuer à la faiblesse du capital humain et à la réduction de l’accès aux services sociaux. Ces conditions induisent des « effets de verrouillage » qui rendent encore plus difficile la lutte contre des problèmes comme les mauvaises conditions de transport, le manque d’eau potable, les mauvaises conditions d’assainissement, l’augmentation de la chaleur urbaine, le nombre insuffisant d’espaces de vie inclusifs et sûrs, la faible efficacité énergétique, la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre. Il existe donc un risque de verrouillage de la croissance à forte intensité de carbone.
Accès à l’énergie, cuisson propre et industries extractives
Électricité
L’accès à l’électricité au Sahel est l’un des plus faibles au monde. Seul un tiers de la population a accès à une électricité fiable et abordable, soit la moitié du niveau des pays subsahariens. Il existe des différences significatives au niveau du taux d’accès entre les pays et entre les zones urbaines et rurales. En outre, l’approvisionnement en électricité des pays du G5 repose principalement sur les combustibles fossiles et l’énergie de la biomasse. Il est donc difficile d’éviter de verrouiller les technologies à forte intensité de carbone et de passer aux technologies propres et renouvelables.
Cuisson propre
Aujourd’hui, plus de 80 millions de personnes dans les pays du G5 Sahel vivent sans accès aux combustibles et technologies de cuisson propres. Selon le rapport de suivi du 7e Objectif de développement durable (ODD) de 2022, le Mali et le Niger font partie des 20 pays ayant les taux d’accès les plus faibles (moyenne 2016-2020), avec respectivement seulement 1 % et 2 % en 2020.
La croissance urbaine dans les pays du G5 Sahel a été rapide, généralement incontrôlée et fragmentée. Par conséquent, la plupart des villes ont du mal à fournir des infrastructures et des services de base, et manquent de ressources financières pour faire face à l’augmentation rapide de la population
L’accès à une cuisson propre est une question de développement essentielle, étant donné qu’un accès limité à la cuisson propre contribue à la pauvreté énergétique et entraîne des effets négatifs sur la santé, l’environnement, ainsi que sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Le faible accès des pays du G5 Sahel aux services énergétiques modernes de cuisson et leur forte dépendance à l’égard du charbon de bois et du bois pour la cuisson, associés à des méthodes de cuisson inefficaces comme les feux à trois pierres et les fourneaux traditionnels, ont accéléré la dégradation des forêts et la déforestation.
Industries extractives : pétrole, gaz et mines
Le Tchad est actuellement le seul exportateur net de pétrole parmi les pays du G5. Le Nigeria et la Mauritanie atteindront probablement ce statut d’ici 2024. Étant donné l’importance des revenus pétroliers pour ces pays, l’incertitude et la volatilité des cours du pétrole sont susceptibles d’affecter les taux de croissance économique futurs. La Mauritanie possède d’importantes réserves de gaz offshore et, compte tenu de la situation géopolitique actuelle, elle pourrait devenir un fournisseur de gaz pour le marché européen.
Capital naturel, dégradation de l’environnement, et impacts sur l’agriculture et l’eau
L’étude « Changing Wealth of Nations » de la Banque mondiale reconnaît l’importance du capital naturel pour la richesse d’un pays. La croissance a été essentiellement positive dans les autres catégories de richesse du G5, le capital produit et le capital humain ayant augmenté dans tous les pays, ce qui suggère qu’une partie de la croissance de ces catégories de richesse a pu se faire au détriment de la richesse des écosystèmes forestiers. Le capital produit a également augmenté par habitant de manière significative dans tous les pays du G5, à l’exception du Niger, et le capital humain par habitant a également augmenté, bien que dans une moindre mesure, sauf en Mauritanie et au Niger.
L’importance de ces tendances réside dans le fait qu’avec le changement climatique, ces services des écosystèmes forestiers seront davantage nécessaires pour l’adaptation ; mais la dégradation des forêts et de leur capacité à fournir ces services n’est pas de bon augure. La pression exercée sur les ressources forestières devrait se poursuivre, car les baisses de rendement agricole induites par le changement climatique et le taux de croissance démographique élevé entraînent une demande accrue de terres cultivables, réduisant davantage la capacité des forêts à contribuer à l’adaptation et à la résilience.
Le G5 Sahel est l’une des régions les plus dégradées du monde sur le plan environnemental. Environ 80 % des terres agricoles sont épuisées et les pays sont en déficit écologique, ce qui n’est pas viable. Cette dégradation s’accentue, environ 60 % étant causés par l’activité humaine, comme l’utilisation par les ménages de bois et de charbon de bois pour la cuisine, et les 40 % restants par les effets du changement climatique. En raison des importantes sécheresses passées, certains pays du G5 Sahel ont connu une augmentation de 47 % des zones sablonneuses dans leurs importants habitats de savane, par exemple.
Même si le réchauffement de la planète se limite à une augmentation inférieure à 1,5º C, le changement climatique devrait avoir un impact sur l’agriculture, par exemple en réduisant les rendements du maïs, du millet et du sorgho. L’augmentation du stress thermique résultant de ce réchauffement pourrait entraîner des pertes de récoltes pour les cultures les moins résilientes, comme le coton, qui échoue à des températures supérieures à 35º C. Comme ces cultures sont importantes sur le plan économique, la production de sorgho contribuant à elle seule à 5,4 % du PIB du Niger, une baisse de la productivité se traduirait par d’importantes pertes économiques. Le changement climatique menace également les systèmes pastoraux, en réduisant la productivité, en endommageant la reproduction et en provoquant des pertes de biodiversité. Les pertes de lait pourraient atteindre 17 % d’ici 2100.
Le G5 Sahel est l’une des régions les plus dégradées du monde sur le plan environnemental. Environ 80 % des terres agricoles sont épuisées et les pays sont en déficit écologique, ce qui n’est pas viable. Cette dégradation s’accentue, environ 60 % étant causés par l’activité humaine, comme l’utilisation par les ménages de bois et de charbon de bois pour la cuisine, et les 40 % restants par les effets du changement climatique
La pêche, quant à elle, souffre déjà de la surpêche et de la dégradation de l’habitat, et le changement climatique introduit de nouvelles menaces, comme l’augmentation des températures, des précipitations plus variables et des événements météorologiques plus violents.
Les défis sont particulièrement importants pour les femmes, qui fournissent 70 % de la main-d’œuvre dans l’économie agroalimentaire, un secteur fortement influencé par le changement climatique.
Le risque accru pour leurs moyens de subsistance signifie un plus grand risque d’insécurité alimentaire et de malnutrition. L’anémie due à la malnutrition chez les femmes enceintes augmente davantage le risque de retard de croissance de leurs enfants plus tard, avec des effets délétères sur la productivité future de ces derniers, enfermant ainsi les familles dans un cercle vicieux de pauvreté et de vulnérabilité.
L’eau reste un facteur limitant important pour le développement dans une région qui est l’une des plus soumises au stress hydrique dans le monde. Au Burkina Faso, au Tchad et au Niger, moins de la moitié de la population a accès à une eau potable de base. Les eaux de surface dans la région sont limitées et souvent saisonnières, ce qui fait des eaux souterraines la principale source d’eau pour de nombreuses personnes. Alors que les eaux souterraines représentent potentiellement un grand potentiel inexploité, le manque de données et de surveillance des aquifères pourrait conduire à une surutilisation des principaux aquifères qui pourraient fournir un approvisionnement en eau fiable et décentralisé.
En outre, les eaux souterraines peu profondes peuvent être contaminées en raison des mauvaises conditions sanitaires et du manque d’usines de traitement des eaux usées. Au Tchad, par exemple, seuls 3,6 % de la population rurale et 40 % de la population urbaine ont accès à des services d’assainissement de base, ce qui augmente les risques de maladies d’origine hydrique.
Infrastructures et connectivité médiocres
Les pays du G5 Sahel souffrent d’une infrastructure et d’une connectivité parmi les plus pauvres au monde. L’accès à l’internet y est très limité. Améliorer l’accès à la connectivité numérique au Sahel permettra non seulement de stimuler l’économie, mais aussi d’offrir des perspectives d’emploi aux plus de 1,4 million de jeunes qui arrivent sur le marché du travail chaque année. Quarante pour cent des entreprises de la région considèrent le transport comme une contrainte majeure pour leurs activités.
Les réseaux de transport sont particulièrement importants dans l’agriculture, étant donné qu’ils permettent de se connecter aux marchés et de distribuer les produits. Cependant, seul un tiers des populations rurales (et seulement 19 pour cent au Niger) ont aujourd’hui accès à des routes praticables par tous les temps. Le mauvais état des routes et les coûts de transport élevés rendent également difficile pour les quatre pays enclavés du Sahel l’acheminement des marchandises vers et depuis les ports, ainsi que la fourniture de services de santé, d’éducation et de services sociaux dans tous les pays.
Parallèlement, la croissance exponentielle de la motorisation et des émissions de CO2 du secteur des transports se produit dans un contexte où les villes n’ont pas réussi à développer des systèmes de transport public adéquats. Avec l’augmentation de la demande de transport urbain, les zones urbaines sont devenues encombrées de minibus, de taxis collectifs, de véhicules commerciaux à 2 et 3 roues, et d’autres modes de transport informels. Les 2 et 3 roues dominent dans de nombreuses villes sahéliennes, les 2 et 3 roues à moteur à combustion interne (ICE) représentant 60 à 75 % de l’ensemble du transport urbain. Rien qu’à Ouagadougou et Bamako, les 2 et 3 roues contribuent à plus de 50 pour cent des émissions totales de CO2 des véhicules et à 60-75 pour cent des polluants atmosphériques nocifs émis par les véhicules. À moyen et long terme, la transition vers la mobilité électrique (eMobilité) permettrait de réduire les émissions de GES, surtout si elle est associée à une transition vers les énergies renouvelables.
Institutions, gouvernance, et participation des citoyens
Les pays du G5 Sahel sont freinés par des capacités institutionnelles et une gouvernance limitées, qui entravent leurs efforts de développement, leur contrat social et leur réponse au changement climatique. La mobilisation des ressources publiques, la gestion et la prestation de services restent incomplètes et inégales dans un contexte de transparence et de responsabilité limitées en matière de performance. Dans le contexte du changement climatique, la planification et la coordination stratégiques, la gestion intelligente des investissements publics, les marchés publics et la gestion des actifs publics n’en sont qu’à leurs débuts. En raison de ces blocages administratifs, de la corruption, du manque d’inclusion et de la mauvaise redistribution des ressources, de nombreux citoyens ont peu confiance en leurs gouvernements.
Les pays du G5 Sahel sont freinés par des capacités institutionnelles et une gouvernance limitées, qui entravent leurs efforts de développement, leur contrat social et leur réponse au changement climatique
Les politiques publiques ignorent souvent les populations marginalisées et vulnérables et ne les représentent pas. En conséquence, de nombreuses personnes se sentent lésées et abandonnées par l’État. Les causes et les conséquences du changement climatique sont intimement liées aux modèles d’inégalité, d’exclusion et aux problèmes de cohésion sociale. Si le changement climatique a des répercussions à tous les niveaux de la société, les personnes vivant dans la pauvreté risquent d’être les plus touchées. Dans le même temps, l’efficacité des politiques et des mesures visant à remédier à ces effets négatifs et à gérer les conséquences sociales potentiellement néfastes de la politique climatique dépend de la participation et de la collaboration de ces groupes vulnérables. Il est essentiel de bien comprendre le rôle des intermédiaires sociaux et la dynamique du pouvoir au niveau local.
Risques et impacts du changement climatique dans la région du Sahel
Le Sahel est l’une des régions les plus vulnérables au changement climatique dans le monde et des publications récentes montrent l’ampleur inquiétante de ce phénomène. En résumé, le changement climatique signifie que les températures dans la région augmentent, et d’ici les années 50, la température annuelle aura augmenté d’environ 1,5 à 4º C, par rapport à la période préindustrielle. L’ampleur exacte de ce réchauffement dépend du niveau des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le nombre de jours où la température sera supérieure à 35º C, considérée comme la limite supérieure de survie pour les êtres humains, grimpera également en flèche pour atteindre plus de 40 jours par an d’ici 2050.
L’une des conséquences de ces températures sera le stress et la mortalité dus à la chaleur, qui touchera surtout les personnes vulnérables, les travailleurs en plein air et les populations touchées par la pauvreté. Les précipitations sont plus difficiles à prévoir, mais la plupart des modèles indiquent une augmentation de la variabilité des précipitations ainsi qu’un calendrier imprévisible, ce qui entraîne des schémas de précipitations plus erratiques. Les communautés de la région sont déjà menacées par des sécheresses et des inondations fréquentes et souvent plus graves. Depuis 2000, 248 000 personnes par an en moyenne ont été touchées par des inondations qui ont endommagé des maisons, des routes et d’autres infrastructures et biens, et perturbé les services.
L’une des conséquences de ces températures sera le stress et la mortalité dus à la chaleur, qui touchera surtout les personnes vulnérables, les travailleurs en plein air et les populations touchées par la pauvreté. Les précipitations sont plus difficiles à prévoir, mais la plupart des modèles indiquent une augmentation de la variabilité des précipitations ainsi qu’un calendrier imprévisible, ce qui entraîne des schémas de précipitations plus erratiques
Les sécheresses ont été encore plus dommageables. Plus de 20 millions de personnes (90 % des personnes touchées par les catastrophes naturelles) ont souffert d’insécurité alimentaire ou de difficultés économiques entre 2016 et 2020. En outre, en plus de réduire le rendement des cultures, les sécheresses ont tué jusqu’à 20 % des arbres de la région. La région est particulièrement sensible à la dégradation des sols et à la désertification. En effet, le Sahel a été identifié comme l’un des points de basculement de la planète si la température moyenne à la surface du globe augmente de 3º C par rapport aux niveaux préindustriels.
En Mauritanie, seul pays du G5 à posséder une zone côtière, le niveau de la mer augmentera de 0,3 m d’ici 2050 et l’érosion et les inondations côtières se poursuivront, ce qui aura un impact sur les infrastructures. Les pêcheries côtières seront probablement affectées par le réchauffement de l’océan, qui modifiera la structure des nutriments et les niveaux d’oxygène. Les pays du G5 sont soumis à des risques climatiques ayant un impact sur une variété de ressources. Comme mentionné précédemment, la disponibilité, la qualité et l’infrastructure des ressources en eau seront affectées négativement, entraînant une plus grande marginalisation sociale, des impacts sur la santé des pauvres et des tensions transfrontalières.
Les impacts sur l’agriculture, le pastoralisme et la pêche côtière ont été décrits plus haut, mais le changement climatique aura également des impacts sur la pêche intérieure et l’aquaculture. L’augmentation des températures, les modifications des niveaux d’oxygène dans l’eau et les infrastructures nécessaires pour faire face aux changements climatiques auront probablement un impact sur les pêcheries intérieures, qui constituent une source importante de protéines pour beaucoup. Les changements de température et de précipitations auront des répercussions sur l’écologie des pays et leur biodiversité. Le risque d’extinction de certaines espèces est élevé, même à un niveau de réchauffement de 1,5º C ; au Burkina Faso, un réchauffement mondial de 3º C devrait réduire de 14 % la superficie de l’habitat approprié pour le karité.
G5 Engagements, politiques et capacités climatiques du Sahel
Engagements en matière de changement climatique
Tous les pays du G5 Sahel ont soumis des contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’accord de Paris et ont mis à jour ces CDN lors de la réunion de la COP26 à Glasgow en 2021. Les engagements de ces cinq pays portent sur l’énergie, l’agriculture, l’utilisation des sols et la foresterie. Tous, à l’exception du Niger, couvrent également les déchets. Les engagements du Burkina Faso et du Tchad incluent le transport, tandis que les engagements du Burkina Faso et la Mauritanie couvrent également l’industrie. La Mauritanie a pris l’engagement conditionnel d’atteindre la neutralité carbone si le pays reçoit un soutien substantiel de sources extérieures. Le Burkina Faso estime également que les mesures d’adaptation au changement climatique qu’il propose permettront de réduire les émissions, ce qui pourrait entraîner une réduction supplémentaire de 31 % d’ici 2030.
Financement des engagements climatiques
Le présent rapport utilise les données publiées par les pays dans leurs CDN, bien que l’on s’attende à ce que les données des CDN soient affinées par les pays du G5 au fur et à mesure de leurs futurs rapports. Les coûts de mise en œuvre des engagements des CDN en matière d’adaptation et d’atténuation dans les pays du G5 sont élevés. Le coût total estimé des investissements pour l’adaptation prévue dans les CDN, à financer par des sources publiques et externes d’ici 2030, est de 33 milliards de dollars, soit environ 44 % de leur PIB combiné de 2021. Les coûts prévus varient selon les pays, allant de 2,8 milliards de dollars US pour le Burkina Faso à 10,6 milliards de dollars US pour la Mauritanie.
Les estimations du financement total nécessaire pour respecter tous les engagements en matière d’atténuation dans le cadre des CDN actuelles vont de 1,3 milliard de dollars US au Burkina Faso à 34,3 milliards de dollars US en Mauritanie. Pour le G5, le déficit total de financement des mesures d’atténuation est proche de 50 milliards de dollars US. Cependant, le G5 pourrait commencer par investir dans des systèmes qui les aideraient à réaliser et à vérifier les ambitions de leur CDN en matière d’atténuation des effets du changement climatique.
Politiques et institutions existantes pour la gestion de la résilience et du risque
Gestion des risques liés aux catastrophes et au changement climatique Les pays du G5 Sahel sont confrontés à des défis importants au niveau de leurs politiques de gestion des risques de catastrophe (GRC), de financement des risques de catastrophe (FRC) et de réduction des risques de catastrophe (RRC). Ces difficultés sont principalement dues à des défis liés à la coordination, au financement et aux capacités en matière de mise en œuvre.
Le Burkina Faso dispose d’une plateforme nationale chargée de coordonner les interventions d’urgence et le relèvement du pays après une catastrophe, ainsi que d’une agence distincte pour faire face aux impacts du changement climatique ; cependant, peu de coordination ou de relation fonctionnelle existe entre elles. Au Tchad, les documents de politiques peuvent reconnaître ou faire référence aux catastrophes naturelles et au changement climatique, mais souvent uniquement comme un défi ou une contrainte, et l’intégration de la résilience et de l’atténuation des effets du changement climatique fait souvent défaut dans les politiques et plans sectoriels.
Le Mali a élaboré une Stratégie nationale pour la réduction des risques de catastrophe visant à renforcer les mécanismes institutionnels de Gestion des risques et des catastrophes (GRC) et de Réduction des risques de catastrophe (RRC) et à stimuler le financement de la RRC ; cependant, le pays a eu du mal à la mettre en œuvre. En revanche, la Mauritanie ne dispose pas d’un cadre légal ou formel pour la RRC, et ses institutions et lois en matière de RRC sont axées principalement sur la gestion des imprévus, notamment dans les situations de crise alimentaire. En 2009, la Mauritanie a développé une stratégie de RRC avec le soutien du PNUD, mais elle doit encore intégrer d’autres programmes de RRC qui ont été approuvés.
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