Auteur (s): John E. Scanlon
Organisation (s) affiliée (s): Chronique ONU, le magazine des Nations Unies
Type de publication: Article
Date de publication: Décembre 2014
Depuis des décennies, le monde est confronté au commerce illégal des espèces sauvages, mais l’ampleur et la nature de ce problème ont considérablement évolué ces dernières années, engendrant de graves conséquences. Celles-ci sont particulièrement évidentes pour le commerce illégal de l’ivoire qui a non seulement un effet dévastateur sur les éléphants d’Afrique, mais menace aussi les populations et leurs moyens de subsistance, l’économie et, dans certains cas, la sécurité nationale et régionale. Heureusement, la communauté internationale commence à réagir face à ce grave problème et est déterminée à travailler ensemble pour y remédier.
Huit pays jouent un rôle décisif dans l’action mondiale menée pour lutter contre ce fléau, représentant les principaux États de l’aire de répartition, de transit et de destination. Ces pays sont au cœur d’actions réalisées en collaboration dans le cadre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) afin de protéger les éléphants d’Afrique. En 2003, ces États, sur recommandation du Comité permanent de la CITES et suite à l’adoption de mesures décisives pour lutter contre la criminalité liée aux espèces sauvages lors de la 16e réunion de la Conférence des parties à la CITES (CoP16), ont élaboré un plan d’action national pour l’ivoire définissant les mesures urgentes qui seront prises. En juillet 2014, lors de sa 65e réunion, le Comité permanent a évalué la mise en œuvre de ces plans, constituant la première évaluation de leur efficacité.
Lors du processus de révision, le Comité permanent a estimé que les plans d’action pour l’ivoire avaient servi de catalyseur à de nombreuses initiatives nationales et internationales. De nouvelles lois relatives aux espèces sauvages ont été adoptées au Kenya et étaient en cours d’élaboration dans d’autres pays, renforçant les mandats et alourdissant les peines afin de dissuader les contrevenants potentiels; des efforts ont été entrepris dans la mise en œuvre, notamment la création d’équipes spéciales inter-institutions aux Philippines et en Ouganda et les capacités ont été renforcées, en particulier en République-Unie de Tanzanie où le recrutement de 1 000 gardes-chasses est bien engagé; et des technologies de pointe ont été aussi adoptées, notamment la réalisation de tests ADN pour déterminer les origines de l’ivoire saisi et soutenir les efforts engagés pour localiser les réseaux criminels sophistiqués impliqués dans le braconnage de l’ivoire.
Même s’il faut faire beaucoup plus pour lutter contre le commerce illégal de l’ivoire, ces résultats montrent le potentiel de ces plans d’action dans la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages engagée par les pays. L’utilisation des plans d’action a été ensuite élargie à d’autres pays impliqués dans le commerce illégal de l’ivoire et a été adoptée comme outil pour réduire le commerce illégal de la corne de rhinocéros. Il s’agit d’un exemple parmi d’autres de la manière dont la CITES est en première ligne pour réprimer les infractions, dans le cadre de son mandat élargi pour veiller à ce que le commerce international des espèces sauvages soit durable, légal et fasse l’objet d’une traçabilité.
Avec 180 États (appelés Parties) signataires de la Convention, la CITES est le principal instrument en matière de réglementation du commerce international des espèces sauvages. Plus de 35 000 espèces animales et végétales sont inscrites aux Annexes I, II et III, chacune correspondant à différents niveaux de contrôle du commerce afin de veiller à ce que le commerce ne nuise pas à la survie des espèces sauvages. La base de données sur le commerce de la CITES comprend plus de 14 millions de transactions commerciales légales, indiquant l’étendue de l’utilisation durable réglementée par la Convention. Le rôle important de la CITES en tant qu’organisme de réglementation qui se situe « au carrefour du commerce, de l’environnement et du développement » a été reconnu par les Gouvernements lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, Rio+20, en 2012.
Par le biais de la Conférence des Parties (CoP) et du Comité permanent, la Convention met en œuvre des moyens d’action et de rétorsion, comme des sanctions commerciales, lorsqu’une Partie n’applique pas les dispositions de la Convention. Le Secrétariat surveille la mise en œuvre de la Convention et apporte un appui aux Parties en traitant les questions scientifiques, législatives et d’exécution ainsi que les activités dans les domaines du renforcement des capacités, du savoir et de la mobilisation.
Dans le cadre de son mandat, la CITES a été amenée, en raison de l’escalade du commerce illégal des espèces sauvages et la participation accrue des réseaux criminels organisés, de travailler en collaboration avec les partenaires du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC) afin d’apporter un soutien aux services nationaux chargés de l’application des lois et une réponse plus intégrée à la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts.
Le Secrétariat de la CITES préside l’ICCWC et joue un rôle de coordination pour le consortium. Une évolution récente à cet égard est l’adoption de la Mission stratégique 2014-2016 de l’ICCWC, un document qui définit une stratégie à moyen terme, identifiant des domaines d’intérêt commun sur lesquels les partenaires de l’ICCWC cherchent à collaborer. La correspondance entre le mandat de la CITES et les centres d’intérêt de l’ICCWC est renforcée par l’attention accrue portée au commerce illégal des espèces sauvages dans les instances internationales, régionales et nationales, notamment lors des réunions des organes directeurs des partenaires de l’ICCWC.
Avec 180 États (appelés Parties) signataires de la Convention, la CITES est le principal instrument en matière de réglementation du commerce international des espèces sauvages
Le commerce illégal des espèces sauvages est aujourd’hui clairement intégré dans les orientations à long terme et à court terme élaborées par la CoP pour la mise en œuvre de la CITES. Les orientations à long terme sont principalement entérinées dans la résolution intitulée Application de la Convention et lutte contre la fraude, qui exhorte les Parties à faire de la criminalité liée aux espèces sauvages une priorité des organisations nationales de lutte contre la fraude et reconnaît, entre autres, le besoin de renforcer la coopération, et la formation ainsi que le contrôle du commerce international.
La résolution reconnaît également les avantages que la compilation d’outils de l’ICCWC pour l’analyse de la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts offre aux Parties, les encourageant à l’utiliser pour analyser les moyens mis en œuvre à l’échelon national pour protéger les espèces sauvages. La mise en œuvre de cette compilation est désormais bien engagée dans un nombre de pays, avec la coordination de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Les mesures à court terme sont régies par des décisions cruciales, assorties de délais qui ont été adoptées à la CoP16 – les directives qui sous-tendent un grand nombre d’activités que l’ICCWC poursuit actuellement. Les décisions liées à l’application de la Convention convenues à la CoP16 comprennent des mesures pour lutter contre le commerce illégal de l’ivoire, de la corne de rhinocéros, des grands félins d’Asie, des guépards, des antilopes du Tibet, des pangolins, des reptiles et des tortues, avec un nombre de décisions reconnaissant le rôle de l’ICCWC dans leur application. La conférence a également appelé à privilégier les actions collectives au lieu de pointer un doigt accusateur en donnant aux divers organismes les moyens de collaborer afin d’interdire les différentes chaînes d’approvisionnement, à l’instar de la collaboration qui reflète les principes sur lesquels l’ICCWC a été établie.
La résolution intitulée Application de la Convention et lutte contre la fraude
Les orientations à long et à court terme pour la mise en œuvre de la CITES reconnaissent l’importance de recourir à des techniques d’enquête spécialisées employées dans d’autres contextes, comme les enquêtes discrètes, les livraisons surveillées ainsi que la saisie et le recouvrement des avoirs. L’ICCWC offre de nombreuses activités de renforcement des capacités dans ces domaines, notamment la formation à l’utilisation des livraisons surveillées et le développement d’un e-module sur les techniques de blanchiment d’argent.
La CITES reconnaît aussi les avantages offerts par les technologies modernes. Dirigé par l’ONUDC, l’ICCWC met au point des lignes d’orientation sur les meilleures pratiques en matière de tests ADN sur l’ivoire, créant un outil pratique pour la police et les laboratoires d’expertise judiciaire dans le monde et soutient les avis donnés par la CoP16 sur les techniques criminalistiques.
Dans la même veine, une décision de la CITES sur la promotion de mesures de suivi pour les saisies importantes a conduit au déploiement de la première Équipe d’appui en cas d’incident lié aux espèces sauvages (WIST), un groupe de spécialistes dirigé par l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) qui a aidé des agents sri-lankais à prélever des échantillons d’ADN sur 359 défenses d’éléphant saisies par les autorités nationales dans le port de Colombo. Ces activités menées par l’ICCWC font partie des nombreuses mesures adoptées par la CITES pour lutter contre le commerce illégal des espèces sauvages, d’autres étant prévues à l’appui d’une mise en œuvre efficace de la Convention.
Reconnaît, entre autres, le besoin de renforcer la coopération, et la formation ainsi que le contrôle du commerce international
Les aspects juridiques du commerce sont renforcés par le Projet Législation nationale qui offre une assistance technique aux Parties en particulier les nouveaux signataires de la CITES afin d’élaborer et de promulguer une législation pour la mise en œuvre de la Convention. Nombreuses sont les Parties qui ont bénéficié des mesures pratiques offertes par ce projet, comme les ateliers législatifs régionaux, les missions nationales et l’aide directe à la rédaction de textes.
En plus des mesures ciblées de l’ICCWC comme les techniques d’analyse médicolégale, le Secrétariat de la CITES travaille avec le secteur privé sur la création d’un fonds d’investissement pour financer des technologies nouvelles et innovantes qui pourraient contribuer à la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et commercialiser ces innovations.
Des activités visant à améliorer la traçabilité des spécimens soutiennent également la prévention du commerce illégal. Une boîte à outils de délivrance informatisée de permis CITES répondant aux normes commerciales internationales fournit un cadre pour le commerce électronique des espèces inscrites aux annexes de la CITES, simplifiant les transactions pour les autorités désignées au titre de la CITES ainsi que pour les autorités douanières et réduisant l’utilisation frauduleuse de documents. Plusieurs Parties ont créé ce type de systèmes de permis, notamment un projet financé par la banque allemande KfW Development Bank à hauteur de 10 millions d’euros qui appuie la mise en place d’un système électronique de permis CITES pour les États Membres de l’Organisation du traité de coopération de l’Amazone (ACTO).
Un module pour le commerce international des espèces inscrites aux annexes de la CITES sera mis en place pour aider les autorités douanières et sera intégré au Système douanier automatisé (SYDONIA) de la Conférence des Nations sur le commerce et le développement, un outil de gestion douanière utilisé dans 90 pays. L’étude sur la création de normes de traçabilité mondiales pour les espèces sauvages est également porteuse de promesses, car celles-ci pourraient à la fois faciliter le commerce à travers les chaînes d’approvisionnement et assurer sa durabilité.
Le Secrétariat de la CITES travaille avec le secteur privé sur la création d’un fonds d’investissement pour financer des technologies nouvelles et innovantes qui pourraient contribuer à la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et commercialiser ces innovations
Cet article ne souligne que certains outils les plus pratiques et certains services de soutien offerts par la CITES, à la fois individuellement et sous l’égide de l’ICCWC. Combinées, ces actions ciblées permettent d’assurer que le commerce international des espèces sauvages est durable, légal et qu’il fait l’objet d’une traçabilité. Ces initiatives permettent de réduire les risques, améliorant les chances de détecter les contrevenants, et de prévoir des sanctions dissuasives plus sévères, l’objectif ultime étant d’éviter les conséquences sociales, économiques et environnementales dévastatrices de ces actes criminels graves et très destructeurs.
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