Bilal Bello
La confiance est un ingrédient indispensable dans le monde des affaires. Échaudé par ses expériences passées, l’Africain ne fait confiance à personne ! Plutôt que de s’associer dans un partenariat gagnant-gagnant, s’il ne peut s’arroger le bénéfice commun, il a peur de se faire gruger. Du coup, il reste seul dans son coin. Chacun se croyant plus malin, la ruse des uns et des autres se neutralise.
Mais le repli sur soi mène fatalement la machine à la perdition. Comment réussir dans un monde globalisé où seuls les grands ensembles sont gagnants ? Comment décloisonner de petits États hérités de la colonisation et en faire un marché géant de 1 milliard 300 millions et peser autant que la Chine ? Telle est la question.
Notre société hyper matérialiste place l’argent comme l’unique échelle de valeur par laquelle les gens se jaugent les uns par rapport aux autres, selon une équation simple : tu l’as et tu es un héros, tu ne l’as pas et tu es un zéro. Pas question de franchir palier par palier les étapes qui mènent au succès.
La richesse, on la veut tout de suite et massivement ! Quel est le point commun entre fonctionnaire, informaticien, comptable, personnel de maison…? À priori rien, sinon l’ambition dévorante du prédateur qui, tapi dans l’ombre, attend patiemment son heure. Le métier qu’il exerce actuellement, un pis-aller, lui sert de planque pour se fondre dans le décor. Si l’homme est de nature nonchalante, son cerveau par contre traite les infos à une vitesse supersonique, prêt à saisir au vol une opportunité décisive et forcer son destin (de futur milliardaire).
Trop conscient de la capacité de nuisance de l’autre, chacun se barricade sur ses acquis. Prudent, le patron restreint le champ d’action de ses employés. La crise de confiance limite l’actionnariat et les partenariats intra PME, exception faite des entreprises familiales et des multinationales
Un chéquier qui traîne, l’adresse d’un fournisseur ou encore une confidence négligemment lâchée au téléphone peut être le déclic tant attendu. Mais l’escroquerie est un traumatisme qui laisse durablement des traces. Chaque Africain en a bu l’amère potion à divers degrés. Cela va de la tontine avortée avant terme à un préjudice lourd de plusieurs centaines de millions entre associés en affaires. La peine ressentie est aussi caustique que de plonger dans une cuve d’acide.
Trop conscient de la capacité de nuisance de l’autre, chacun se barricade sur ses acquis. Prudent, le patron restreint le champ d’action de ses employés. La crise de confiance limite l’actionnariat et les partenariats intra PME, exception faite des entreprises familiales et des multinationales. Les litiges entre associés, parfois après trente ans de collaboration, encombrent les tribunaux.
Des présumés coupables intouchables grâce à une immunité parlementaire ou en cavale confirment la duplicité de l’Africain peu fiable en affaires. À la barre, le témoignage des victimes converge à quelques nuances près. Une collaboration fructueuse qui évolue au fil du temps en un vrai rapport de confiance. Et puis un beau jour…
La confiance trahie est un poison qui détruit la cohésion sociale. Les gens réfléchiraient à deux fois s’ils mesuraient les conséquences d’une telle bassesse. Elle transforme le mur de défiance en abysse. Pour une arnaque réussie (en apparence), combien d’opportunités gâchées pour lui-même et les autres ? Combien de projets avortés et de victimes collatérales ? Combien de malédictions engendrées par cette vision court-termiste du business ?
La preuve, hormis l’argent, plus rien ne compte vraiment. Le fait de n’avoir ni conviction, ni idéal offre une flexibilité d’esprit qui permet d’épouser tout arrangement sans se compromettre
Pendant que la victime pleure, l’escroc déguisé en respectable businessman court toujours. On aurait souhaité que ce profil soit marginal, hélas ce n’est pas le cas. La roublardise est devenue un art de vivre assumé. L’arrivisme forcené déteint durablement sur la personnalité. La preuve, hormis l’argent, plus rien ne compte vraiment. Le fait de n’avoir ni conviction, ni idéal offre une flexibilité d’esprit qui permet d’épouser tout arrangement sans se compromettre.
À supposer qu’une alternance au pouvoir voit un président de tendance néo-libérale succéder à un président de gauche, la majorité parlementaire de ce dernier bascule sans coup férir à droite. Oui la roublardise paie, et les jeunes calquent leurs modèles de réussite sur des leaders qui sont aujourd’hui en tête d’affiche. Comment leur donner tort alors que tel avocat, mi- politicien, mi-escroc, est devenu ministre de la justice ? Comment les convaincre des vertus de l’effort quand ils citent tel milliardaire notoirement connu à ses débuts comme un trafiquant de drogue qui s’est recyclé avec succès dans l’import-export ?
Crédit photo : Comarketing-News
Bilal Bello est né en 1976 au Bénin. Diplôme d’ingénieur Génie mathématiques informatique à l’Université de Montpellier 2 en poche, il mène pendant une quinzaine d’années plusieurs missions de consultance en freelance puis au sein de SSII. Il est l’auteur du “Mal Noir”, un essai sur la société africaine.
3 Commentaires. En écrire un nouveau
L’absence d’éthique qui se profile et s’instaure au delà de la crise profite cependant à ce prédateur aux vieilles griffes qui ne s’usent pas
Merci à Bilal Bello pour ce portait inquiétant mais absolument réel de l’africain moyen dit moderne . Il est pourtant possible et encore temps de redresser la barre , comme s’y emploient déjà des personnes physiques et morales du Continent et de sa Diaspora . À suivre…
Oui, Mr Seck! Je suis d’avis que l’espoir, nonosbtant tout avatar de paradigme, est non seulement permis mais est en soi une vertu cybernétique