Organisation affiliée : Banque africaine de développement
Type de publication : Rapport
Année de publication: 2019
Lien vers le document original
Le présent rapport met à jour les évaluations antérieures des réformes du secteur de l’électricité en Afrique commanditées par la Banque africaine de développement (BAD) et l’Association des sociétés d’électricité d’Afrique (ASEA). L’ASEA a effectué, en 2008, une étude sur les réformes dans le secteur de l’électricité en Afrique, couvrant 19 pays africains. L’étude de 2008 passe en revue les causes, facteurs et déclencheurs qui sous-tendent les réformes, ainsi que les acteurs qui les promeuvent ; la conception et la mise en œuvre des réformes; les impacts sur les résultats des sociétés ; et les principaux facteurs de réussite et d’échec des réformes.
État des réformes du secteur de l’électricité prise en compte d’une autre vague de réformes
Au début des années 90, les institutions de financement du développement (IFD), notamment la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), ont proposé aux pays des prêts assortis de conditions liées à des exigences d’ajustement structurel, qui ont encouragé la libéralisation, la commercialisation et la restructuration à l’échelle de l’économie. En particulier, ils ont proposé à certains gouvernements un financement lié à des réformes dans le secteur de l’électricité en vue d’adopter le «modèle standard» pour faire face aux échecs des sociétés.
Les éléments de réformes du «modèle standard» promu par les IFD recommandaient ce qui suit:
- la commercialisation des sociétés d’électricité et la privatisation de leur gestion;
- la restructuration des sociétés de monopole nationale de manière à dissocier les services de production, de transport et de distribution;
- la création d’un système de régulation indépendant et l’adoption de tarifs de l’électricité reflétant les coûts;
- l’ouverture du secteur à la participation du secteur privé (PSP); et
- l’introduction de la concurrence sur le marché par le truchement des acquisitions à grande échelle, l’objectif étant d’assurer éventuellement une concurrence totale pour les clients de la vente en gros et au détail.
Les réformes au titre du « modèle standard » ont ciblé tous les segments de la chaîne de valeur du secteur de l’électricité en Afrique et de manière très différente. Les sociétés d’électricité ont fait l’objet d’efforts de restructuration dans de nombreux pays, à l’effet de rationaliser les incitations et d’améliorer l’efficacité opérationnelle, en dissociant la production, le transport et la distribution. La plupart des pays ont créé des entités de régulation pour superviser l’octroi de licences aux opérateurs du secteur et régir les tarifs et la fixation des prix.
Cependant, la forme prescriptive des ajustements structurels proposés au titre du modèle standard n’a pas toujours pu prendre en compte les préoccupations, visions et besoins locaux. La logique et les résultats attendus des réformes semblaient peu clairs ou cyniques pour la plupart des parties prenantes du secteur, ce qui s’est traduit par de faibles niveaux d’appropriation et de soutien aux mesures au niveau local.
Par ailleurs, d’une manière générale, la première vague de réformes n’a accordé la priorité ni aux objectifs sociaux et politiques d’amélioration de l’accès à l’électricité et à des sources d’énergie propres, ni à l’amélioration de l’équité ou de l’abordabilité.
Paysage actuel des réformes du secteur de l’électricité en Afrique
Les pays africains ont conservé, dans une large mesure, la structure traditionnelle de sociétés de monopole intégrées de leur secteur de l’électricité, bien que la plupart aient intégré des PEI (Producteurs d’Électricité Indépendants). Seuls 10 des 42 pays couverts par la présente étude ont dégroupé en partie ou en totalité le secteur (soit 24%). D’autres pays envisagent la possibilité de procéder à une restructuration et de créer un gestionnaire de réseau indépendant pour assumer la responsabilité de la planification de la production, de l’achat de l’électricité, de l’exploitation et du transport de l’électricité, ainsi que de la planification du transport et de la distribution de l’électricité à moindre coût. Ainsi, des pays tels que le Kenya, le Nigeria, le Ghana et l’Ouganda, qui ont entrepris d’importantes réformes, sont mieux classés que d’autres.
Les réformes de la régulation ont constitué la première étape du processus de réforme pour la plupart des pays africains: 33 des 42 pays couverts par cette étude ont créé une autorité de régulation de l’électricité (soit 79%). La mise en place d’une autorité indépendante de régulation vise à créer une concurrence équitable fondée sur des règles pour les producteurs, les consommateurs et les opérateurs privés du secteur de l’électricité grâce à des règles et mécanismes clairs de supervision du secteur et à des tarifs reflétant les coûts pour les sociétés. L’indépendance par rapport à l’État et à d’autres intérêts demeure un problème pour de nombreux organismes de régulation du secteur de l’électricité en Afrique, ce qui limite leur capacité à assumer efficacement leurs fonctions de régulation.
L’ouverture du secteur de l’électricité Africain aux flux d’investissement de capitaux est souvent à l’avant plan des objectifs de réformes. Les PEI constituent les sources privées d’investissement dans ce secteur qui se développent le plus rapidement, parallèlement aux projets financés par la Chine. Elles opèrent, à présent, dans plus de 30 pays, 270 d’entre eux étant déjà opérationnels ou en construction, avec une capacité totale de plus de 27 GW, représentant environ 51,7 milliards de $ d’investissement.
La première vague de réformes n’a accordé la priorité ni aux objectifs sociaux et politiques d’amélioration de l’accès à l’électricité et à des sources d’énergie propres, ni à l’amélioration de l’équité ou de l’abordabilité
Le transport n’a pas tiré parti du même afflux d’investissement privé que la production. Seuls quelques pays bénéficient d’une forme ou une autre de participation du secteur privé dans le transport. La gestion privée a été introduite sous forme de concessions, d’affermage et de programmes de privatisation complets pour certains volets du secteur de l’électricité dans plusieurs pays.
Lorsqu’il s’agit de combler les déficits en matière d’accès à l’électricité et d’abordabilité de l’électricité, les réformes sont loin de pouvoir suffire à résoudre le problème. Des politiques complémentaires, la planification, le financement et les organismes dédiés pour l’électrification contribuent tous à donner l’orientation des réformes du secteur de l’électricité, aidant les pays à étendre l’électrification, l’accès à l’énergie et l’abordabilité au profit des ménages pauvres.
La plupart des pays africains ont créé des organismes nationaux chargés de l’électrification rurale. La fourniture et le transport de l’électricité à faible coût sur le continent nécessitent d’importants investissements, ainsi que la planification de l’intégration régionale et de l’interconnexion des réseaux de transport, qui est déjà en cours dans certains pays. Entre-temps, les ajustements institutionnels, structurels et de procédures que nécessitent les réformes au titre du « modèle standard » sont devenus la pierre angulaire des politiques relatives aux énergies renouvelables (ER) de plusieurs pays, en frayant la voie à des acquisitions transparentes, impartiales, fiables et concurrentielles pour la production d’énergies renouvelables.
Les efforts en cours d’interconnexion régionale des réseaux électriques demeurent un important outil de promotion d’une performance optimale du système. Depuis les années 90, différents pools énergétiques, réseaux électriques communs et systèmes binationaux de production et de transport d’électricité en Afrique ont tenu lieu d’outils de planification de l’électricité à l’échelle régionale. Néanmoins, le volume des échanges d’électricité demeure à la traîne par rapport aux objectifs fixés. De nombreux pools énergétiques africains souffrent d’un déficit de financement, de l’insuffisance de l’investissement dans le système de transport et de l’entretien nécessaires pour créer la capacité d’échange souhaitée.
Contextes politico-économiques des réformes
La gestion de l’économie politique complexe de la gouvernance du secteur de l’électricité demeure difficile pour nombre de pays africains. Le secteur joue un rôle essentiel sur le plan économique et est, par conséquent, très politisé, ce qui crée des divergences autour des réformes. Les programmes de réformes sont souvent présentés comme des stratégies visant à améliorer les performances d’une société, attirer l’investissement et juguler la crise financière. En outre, les parties prenantes invoquent des problèmes de gouvernance, de corruption, et d’intérêts politiques profondément enracinés pour expliquer l’arrêt ou l’échec des réformes.
La plupart des pays africains ont créé des organismes nationaux chargés de l’électrification rurale. La fourniture et le transport de l’électricité à faible coût sur le continent nécessitent d’importants investissements, ainsi que la planification de l’intégration régionale et de l’interconnexion des réseaux de transport, qui est déjà en cours dans certains pays.
Par ailleurs, les forces macroéconomiques ont façonné l’histoire des réformes, souvent de manière imprévue, en raison, notamment du taux de change élevé et de la volatilité des prix des combustibles, des taux d’inflation et de la dévaluation de la monnaie, qui ont un impact sur les résultats financiers des sociétés et les budgets publics. Dans d’autres situations, le manque de leadership clair et de savoir-faire technique a rendu difficile la mise en œuvre et le suivi des réformes.
Réformes tournées vers l’avenir: opportunités et défis
De nos jours, les innovations technologiques et financières se conjuguent aux changements politiques, économiques, démographiques et environnementaux pour présager une ère nouvelle pour le paysage de l’électricité en Afrique. Les réseaux électriques se transformeront en réponse à ces changements, ce qui entraînera une réorganisation des réseaux électriques et redéfinira les rôles des parties prenantes. Ceci soulève de nouvelles questions concernant l’économie politique et la gestion du secteur. Les sociétés, les cadres réglementaires et les marchés de l’électricité nécessitent de nouvelles solutions afin de s’adapter à des rôles, dynamiques, structures et acteurs évolutifs.
Les experts sectoriels interrogés sur l’avenir du secteur de l’électricité ont souligné qu’il était très urgent de se pencher sur la question de l’attraction des investissements, suivie de celles de la sécurité énergétique et des résultats des sociétés. Il n’est guère surprenant que les sondés aient également estimé que la question des raccordements au réseau électrique est essentielle pour l’avenir du secteur. Le changement climatique semble être un domaine de préoccupation modérée. Les questions politiques concernant la souveraineté de l’État et la gouvernance retiennent moins l’attention des professionnels du secteur. Les technologies novatrices offrent de nouvelles opportunités et s’accompagnent de la nécessité de mettre au point de nouveaux outils réglementaires, stratégiques et économiques afin de les maîtriser.
Jusqu’en 2030, les apports de nouvelle capacité en Afrique seront dominés par les ressources hydroélectriques, le gaz naturel, l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’énergie géothermique et la biomasse. Entre-temps, la demande d’électricité sur le continent augmentera de près de 6 % par an, et jusqu’à 11% dans certaines régions. L’énergie solaire et éolienne effectuent une percée, favorisée par les ventes aux enchères réussies en matière de fourniture d’électricité raccordée au réseau non subventionnée plus abordable en Afrique.
Les experts sectoriels interrogés sur l’avenir du secteur de l’électricité ont souligné qu’il était très urgent de se pencher sur la question de l’attraction des investissements, suivie de celles de la sécurité énergétique et des résultats des sociétés
Pour une nouvelle génération de consommateurs producteurs ou prosommateurs l’on s’attend à ce que l’électricité circule dans les deux sens, à mesure que les personnes contrôlent leur production d’électricité (avec des systèmes solaires domestiques) et leur consommation (avec des appareils intelligents). Les grands livres de répartition ou la technologie de chaîne à blocs pourraient devenir une technologie de paiement de ménage à ménage. Les pays à faible niveau d’électrification offrent des opportunités enrichissantes pour les mini-réseaux et les systèmes hors réseau. Les réseaux intelligents avec de nouvelles géométries commenceront également à émerger, à la faveur de ces innovations.
Cependant, la plupart des professionnels du secteur sondés a émis des réserves quant au fait de savoir si les institutions dans leur secteur de l’électricité sont suffisamment préparées à faire face aux futurs défis présentés dans le questionnaire. Ils estiment qu’il est nécessaire de créer des capacités supplémentaires pour renforcer les capacités organisationnelles, opérationnelles, réglementaires et financières. Le soutien politique et de nouveaux mécanismes financiers sont des facteurs supplémentaires qui, de l’avis des sondés, pourraient améliorer la capacité des institutions à adopter de nouveaux modèles commerciaux et gérer les défis futurs.
Implications de la conception et de la mise en œuvre pour la prochaine vague de réformes
L’approche prescriptive du «modèle standard» n’a pas été la panacée attendue contre les défis du secteur de l’électricité dans les pays africains. Le processus de réforme et de développement du secteur de l’électricité a été lent et exigeant dans la plupart des régions du monde et se poursuit. Cependant, les éléments adaptés des réformes du «modèle standard» demeurent pertinents pour l’amélioration de la performance du secteur, en particulier:
- séparer et définir clairement les rôles et responsabilités de l’État, du secteur privé et des sociétés, en particulier par le truchement de réformes de la réglementation;
- mettre en place une autorité de régulation indépendante du secteur de l’électricité ayant un mandat légal pour prendre des décisions efficaces, transparentes et équitables sur l’octroi de licences et des tarifs; garantir l’indépendance budgétaire et décisionnelle des autorités de régulation;
- veiller à ce que les tarifs soient prévisibles et reflètent les coûts, recourir aux subventions intelligentes, le cas échéant;
- élaborer un cadre juridique et réglementaire clair afin de régir la PSP en matière d’investissement dans la production, le transport et la distribution;
- renforcer les capacités pour la planification à faible coût du développement de la production dynamique.
Faire face au futur nécessite des réformes stratégiques, réglementaires, commerciales et institutionnelles proactives.
Les Wathinotes sont soit des résumés de publications sélectionnées par WATHI, conformes aux résumés originaux, soit des versions modifiées des résumés originaux, soit des extraits choisis par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au thème du Débat. Lorsque les publications et leurs résumés ne sont disponibles qu’en français ou en anglais, WATHI se charge de la traduction des extraits choisis dans l’autre langue. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
The Wathinotes are either original abstracts of publications selected by WATHI, modified original summaries or publication quotes selected for their relevance for the theme of the Debate. When publications and abstracts are only available either in French or in English, the translation is done by WATHI. All the Wathinotes link to the original and integral publications that are not hosted on the WATHI website. WATHI participates to the promotion of these documents that have been written by university professors and experts.