Organisations affiliées : UNICEF, Data Must Speak, République du Tchad
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2024
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Le système éducatif tchadien fait face à de nombreux défis. Entre autres, on observe de forts taux d’abandon scolaire et un faible taux d’achèvement du cycle primaire, des inégalités de genre dans l’accès à l’éducation et de mauvaises conditions matérielles et d’encadrement.
En retenant comme principal indicateur de performance le taux de promotion des élèves dans la classe supérieure, et en tenant compte des taux de redoublement et d’abandon calculés à partir des informations contenues dans le système d’information sur la gestion de l’éducation (SIGE), la modélisation des facteurs influençant les performances scolaires a permis de mettre en évidence des associations qui offrent des pistes de réflexion intéressantes pour l’élaboration des politiques éducatives au Tchad.
Au niveau national, les filles ont moins de chance que les garçons d’accéder à l’école et d’être promues dans la classe supérieure. Cependant, le taux de promotion des filles est meilleur quand l’école compte davantage d’enseignantes.
La distance entre le domicile des élèves et l’école est négativement associée au taux de promotion des élèves, de sorte qu’un kilomètre supplémentaire est associé à une baisse du taux de promotion de 1 point.
La présence de maîtres formés dans l’école est associée à de meilleurs taux de promotion des élèves (+2,5 points de taux de promotion).
Les manuels scolaires sont positivement associés au taux de promotion, de sorte qu’un élève disposant d’un manuel de lecture et d’un manuel de mathématiques voit ses chances d’être promu dans la classe supérieure augmenter de 3,3 points de pourcentage par rapport à celles d’un autre élève dans la même situation, mais ne disposant d’aucun de ces deux manuels.
Les grandes tailles de classe sont associées à des taux de promotion des élèves plus faibles
Le manque de maîtres et de salles de classe conduit les écoles à recourir au système multigrade. Cependant, celui-ci semble bénéfique pour les élèves, les taux de promotion étant supérieurs de 4,7 points dans les écoles publiques et communautaires lorsque la classe est multigrade.
Réduire le caractère aléatoire de la répartition des maîtres afin qu’aucune école n’ait un ratio élèves/maître supérieur à 90 permettrait de faire progresser le taux de promotion de 2,1 points et d’atténuer les inégalités entre les régions.
Les investissements dans de meilleures conditions de scolarisation des élèves améliorent les taux de promotion.
Enfin, faciliter et soutenir la participation de la communauté à la vie de l’école contribue à la promotion des élèves.
Le système éducatif tchadien : défis et politiques correctives
Le niveau d’éducation étudié dans le présent rapport est l’enseignement primaire, qui est un cycle obligatoire ouvert aux enfants de 6 à 11 ans. Aussi appelé « Enseignement fondamental 1», il constitue la phase initiale des études fondamentales qui commencent après l’enseignement préscolaire.
L’enseignement primaire a lieu dans quatre catégories d’écoles : les écoles publiques (46 %), les écoles communautaires (39 %), les écoles privées laïques (8 %) et les écoles privées confessionnelles (7 %). Cette dernière catégorie est composée d’écoles privées catholiques (2 %), d’écoles privées protestantes (4 %) et d’écoles privées islamiques (1 %).
- Défis du système éducatif tchadien
Les abandons au cycle primaire sont très nombreux et se traduisent par un faible taux d’achèvement du cycle.
De fortes inégalités de genre persistent dans l’enseignement primaire au Tchad et dans les provinces du Nord, avec des taux d’accès très faibles dans les provinces du Nord, où les taux de scolarisation sont inférieurs à ceux des provinces du Sud.
Les conditions matérielles et d’encadrement dans les écoles tchadiennes se sont considérablement dégradées. Au cours de la même période, environ 7 élèves étaient contraints de partager la même place assise, 4 élèves partageaient un seul manuel de lecture et environ 5 élèves partageaient le même manuel de mathématiques. À cela s’ajoute le faible niveau des infrastructures scolaires en matière de latrines (46,8 % des écoles seulement disposent de latrines fonctionnelles), d’accès à l’eau potable et même de qualité de construction des salles de classe, qui, pour certaines, reste très médiocre (la moitié des salles de classe sont construites avec des matériaux provisoires).
Statistiques descriptives
Le taux de promotion au niveau national demeure relativement faible. En 2021-2022, il s’élevait à seulement 65,1 %, bien que le Gouvernement ait pris des mesures pour améliorer la promotion des élèves en classe supérieure.
Par ailleurs, les disparités provinciales en matière de taux de promotion sont importantes, des provinces géographiquement proches ayant parfois des taux de promotion très différents. Par exemple, dans la province de Hadjer-Lamis, proche de N’Djaména, le taux de promotion des élèves dépasse à peine 50 %, alors qu’il est proche de 75 % dans la capitale.
Le taux de promotion varie également en fonction du statut de l’école. Les écoles privées, avec des taux de promotion de 76,6 %, excellent par rapport aux écoles publiques (66,3 %) et aux écoles communautaires (environ 55 %).
Les redoublements ont eu tendance à diminuer au cours de la période étudiée, passant de 15,9 % en 2017-2018 à 13,2 % en 2020-2021 (-17,6 %).
Les récentes baisses du taux de promotion et du taux de redoublement sont systématiquement associées à de plus forts taux d’abandon. Alors que le pays s’efforce d’offrir une éducation à tous les enfants tchadiens, même par l’intermédiaire de centres d’éducation non formelle, de nombreux enfants restent en marge du système éducatif, comme en témoigne le taux d’abandon moyen élevé de 21,4 % à l’échelle nationale en 2020-2021.
Le recours aux classes multigrades s’explique essentiellement par le manque de salles de classe permettant d’accueillir chaque groupe d’élèves d’un niveau d’enseignement dans une salle séparée, d’une part, et par le manque de maîtres disponibles, d’autre part. Il s’explique aussi par la volonté de rationaliser la taille des classes.
La taille de classe correspond au nombre d’élèves dans une salle de classe. Les moyennes par province sont calculées en appliquant des poids d’échantillonnage, définis par le nombre réel d’élèves dans une classe. La taille des classes demeure grande au Tchad (83,42 élèves par classe en moyenne en 2021-2022) avec des écarts importants d’une province à l’autre.
Le ratio élèves/maître a tendance à augmenter, passant de 69,5 élèves pour un maître en 2017-2018 à 72,6 élèves pour un maître en 2021-2022.
Les conditions d’apprentissage, en ce qui concerne le nombre de places assises pour les apprenants, ne sont pas non plus exemplaires, avec environ 7 élèves pour une seule place assise.
Au Tchad, les maîtres du primaire se répartissent en deux grandes catégories : les instituteurs et les maîtres communautaires. Les instituteurs sont des fonctionnaires dont les salaires sont versés par l’État. La majorité des instituteurs sont diplômés du baccalauréat ou d’un diplôme supérieur (83,1 %). Cette proportion est inversée chez les maîtres communautaires, qui ne sont que 18,3 % à présenter ce niveau académique.
Au Tchad, de nombreux écoliers ne disposent pas de manuels scolaires qui leur permettraient de mieux profiter de leur scolarité et de bénéficier d’un apprentissage de meilleure qualité. Au niveau national, au cours de l’année scolaire 2021-2022, on comptait un manuel de lecture pour environ deux élèves, et un manuel de mathématiques pour environ trois élèves. Ces ratios se sont légèrement améliorés par rapport à l’année scolaire précédente, où l’on comptait en moyenne 0,29 manuel de lecture pour un élève (soit un manuel pour environ quatre élèves), et 0,21 manuel de mathématiques pour un élève (soit un manuel pour environ cinq élèves).
Malgré les efforts fournis par le Gouvernement avec l’appui de ses partenaires pour équiper les établissements scolaires, construire et entretenir les infrastructures, les écoles primaires au Tchad demeurent sous-équipées, et les équipements existants sont parfois en très mauvais état. En moyenne, seulement 8,2 % des écoles primaires disposaient d’une cantine scolaire au cours de l’année scolaire 2020-2021. Cette proportion était de 11,28 %, 4,5 % et 3,74 % respectivement dans les écoles publiques, communautaires et privées. Les cantines scolaires offrent une occasion de lutter contre la malnutrition dont souffrent de nombreux enfants tchadiens. Le taux de pauvreté dans les provinces tchadiennes reste élevé et la malnutrition peut entraîner des retards de croissance chez de nombreux enfants.
La répartition des latrines dans les écoles varie également beaucoup d’une province à l’autre, avec une moyenne de 46,8 % d’écoles équipées de latrines fonctionnelles dans l’ensemble du pays.
L’approvisionnement en eau dans les écoles primaires reste par ailleurs très faible. Au niveau national, environ une école sur deux dispose d’un point d’eau, et il existe de fortes disparités entre les zones urbaines (72,2 %) et rurales (29,8 %).
Discussion et recommandations politiques
Améliorer l’accès aux manuels scolaires pourrait donc être une politique éducative susceptible d’avoir un impact significatif sur le taux de promotion des élèves.
En outre, la féminisation de la profession d’enseignant est souhaitable pour améliorer la scolarisation des filles, et celle-ci doit s’accompagner de mesures de soutien aux enseignantes afin qu’elles puissent travailler dans de bonnes conditions.
Les résultats du rapport ont également montré que les grandes tailles de classe ont un impact négatif sur les performances des élèves et que des gains significatifs en matière d’efficacité et de lutte contre les inégalités pourraient être réalisés si les maîtres étaient mieux répartis entre les écoles.
En ce qui concerne les cantines, elles sont peu nombreuses au Tchad, bien qu’elles aient un effet relativement important sur la promotion des élèves, ainsi que des retombées positives sur la nutrition des élèves. Le Gouvernement et ses partenaires doivent continuer à soutenir la nutrition scolaire, à travers la construction de cantines et le subventionnement de la nutrition scolaire.
Il est assez surprenant de constater la faiblesse, voire l’insignifiance, des effets de l’accès aux points d’eau et aux latrines. Cependant, la pertinence des investissements dans l’eau et l’assainissement dans les écoles doit également être évaluée en fonction de leur impact sur la santé des élèves.