Organisation affiliée : République du Tchad, UNICEF
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2022
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NON-SCOLARISATION
La non-scolarisation est un phénomène très répandu au Tchad, qui nécessite une analyse multidimensionnelle des particularités des différents groupes socio-économiques. Toutefois, les difficultés liées à la collecte de données ventilées sur les enfants non scolarisés au Tchad constituent un défi majeur, alors que plus de 3,2 millions dʼenfants et adolescents sont estimés être en dehors du système scolaire. Ce chiffre correspond à plus de la moitié des enfants en âge scolarisable de 6 à 18 ans.
- Sources de disparités dans la scolarisation des enfants
La pauvreté constitue la plus grande source de disparités dans la scolarisation au Tchad. La motivation à scolariser les enfants demeure toutefois relativement faible, même dans les foyers relativement aisés. La pauvreté est le facteur le plus déterminant dans la non-scolarisation des enfants et adolescents au Tchad, et ce plus que le genre ou le lieu de résidence. Quasiment 8 enfants sur 10 issus des ménages les plus pauvres ne vont pas à lʼécole. Tous âges confondus, les enfants pauvres courent 2,5 fois plus de risque dʼêtre non scolarisés que les plus riches.
- Les adolescentes, le groupe le plus marginalisé du système scolaire au Tchad
Tant pour les filles que les garçons, le taux de non-scolarisation augmente sensiblement avec la pauvreté et la ruralité. Toutefois, certaines pesanteurs socioculturelles en lien avec ces deux facteurs jouent particulièrement en défaveur de la scolarisation des adolescentes. De nombreux facteurs contribuent à la non-scolarisation des adolescentes au Tchad.
Dans le contexte dʼun manque général dʼinfrastructures scolaires, les longues distances à parcourir jusquʼà un collège ou un lycée, surtout en milieu rural, lʼinsécurité sur le long chemin de lʼécole et lʼabsence dʼinfrastructures dʼhygiène menstruelle nʼencouragent pas la scolarisation des filles à partir de leur adolescence.
En outre, la responsabilité des travaux domestiques confiée aux filles depuis un jeune âge nuit à leur scolarisation. Dans la plupart des ménages tchadiens, les travaux domestiques constituent une responsabilité exclusivement réservée aux filles. À titre illustratif, parmi les enfants âgés de 12 à 14 ans, 41% des filles et 21% des garçons ont participé aux tâches ménagères à hauteur de 28 heures ou plus au cours de la semaine précédente, soit une différence considérable.
Un autre facteur contribuant considérablement à la non-scolarisation des filles au Tchad est le mariage précoce. Environ 40% des filles de plus de 15 ans ont quitté lʼécole ou ne sont pas scolarisées en raison dʼun mariage ou dʼune grossesse. Pour les garçons, cette proportion est de moins de 10%.
Malgré la concentration des filles non scolarisées en milieu rural, elles sont en proportion relativement importante dans la capitale NʼDjaména.
ABANDON, REDOUBLEMENT ET ACHÈVEMENT
Le taux de redoublement est systématiquement plus élevé que le taux dʼabandon à tous les niveaux dʼenseignement, du primaire au secondaire, ce qui indique quʼun enfant qui fréquente déjà lʼécole aurait tendance à redoubler un niveau plutôt que dʼabandonner ses études complètement.
– Sources de disparités dans le redoublement et lʼabandon
Plus de 70% des enfants qui redoublent ou abandonnent se trouvent en milieu rural.
Ce phénomène est en partie lié à lʼinsuffisance des services éducatifs en milieu rural, qui se traduit entre autres par une proportion importante dʼécoles primaires à cycle incomplet ou lʼabsence de collèges ou lycées
En milieu rural, la rentrée scolaire est retardée et la fin de lʼannée scolaire précipitée, réduisant considérablement les heures de cours à cause des travaux champêtres qui sʼétalent dʼoctobre à janvier et des saisons de pluie précoces dans certaines provinces au sud à partir dʼavril. Ceci constitue un facteur de redoublement des élèves en milieu rural.
La majorité de ceux qui abandonnent ou redoublent vit dans des foyers riches, car beaucoup dʼenfants pauvres auraient déjà quitté lʼécole ou ne seraient jamais entrés dans le système scolaire.
Presque 80% des cas dʼabandons ou de redoublements concernent le primaire, car peu dʼenfants tchadiens fréquentent le secondaire.
- Facteurs qui déterminent lʼachèvement des cycles dʼenseignement
Au Tchad, seuls 27% des enfants achèvent lʼenseignement primaire. Le taux dʼachèvement des garçons est supérieur à celui des filles.
Le taux dʼachèvement des enfants vivant en milieu urbain est systématiquement plus élevé que celui des enfants vivant en milieu rural. De surcroît, les écarts se creusent au fur et à mesure que le niveau dʼétudes augmente.
Le statut socio-économique est également un facteur majeur de lʼachèvement. En effet, les enfants issus des familles les plus riches présentent un taux dʼachèvement du primaire environ six fois supérieur à celui des enfants des foyers les plus pauvres (57% contre 9%).
COMPÉTENCES
Très faible niveau des compétences fondamentales chez les enfants inscrits à lʼécole
- Absence quasi absolue de livres, essentiels pour lʼapprentissage de lecture:
Le Tchad est un pays avec de nombreuses langues dites « langues nationales » parlées dans les différentes provinces. Très peu de petits enfants tchadiens parlent le français, la principale langue dʼinstruction au Tchad avec lʼarabe littéraire. Néanmoins, ils commencent à suivre les cours en français, dont la lecture, dès lʼentrée au primaire, et ceci dans la plupart des cas sans avoir assisté à lʼenseignement préscolaire. De surcroît, le manque important de livres comme support pédagogique à lʼécole, comme à la maison, ne leur permet pas de pratiquer la lecture et dʼacquérir les compétences attendues
- Sources de disparités dans lʼacquisition des compétences fondamentales
Les enfants des foyers les plus riches apprennent environ 10 fois plus que ceux des foyers les plus pauvres.
Seuls 14% des jeunes tchadiens sont alphabétisés, avec de grandes disparités.
PROTECTION (MARIAGE PRÉCOCE ET TRAVAIL DES ENFANTS)
Malgré la ratification de la Convention relative aux droits de lʼenfant et de nombreux autres instruments internationaux, la protection des enfants au Tchad reste une réelle préoccupation.
Le mariage précoce continue à toucher plus de 60% des filles tchadiennes, quels que soient les lieux de résidence et les statuts économiques.
Lorsquʼune jeune fille est enceinte avant de se marier, il y a un grand risque que cette dernière soit reniée par sa famille. Lʼunion sans mariage ou la grossesse en dehors de mariage est perçue comme une honte pour la famille et la jeune fille risquerait de ne plus être épousée par une autre personne. Cette peur motive les parents, peu importe le niveau de richesse, à marier leurs filles le plus tôt possible. Par ailleurs, certaines familles voient le mariage comme une opportunité de placer leurs filles sous la responsabilité financière de leurs futurs maris, incitant davantage à la pratique de mariage précoce.
Environ 7 adolescents sur 10 au Tchad sont soumis au travail des enfants.
Les enfants en milieu rural sont plus sujets au travail des enfants.
Recommandations
Pour réduire le taux élevé de non-scolarisation, surtout chez les adolescentes:
- Réaliser des études complémentaires sur les enfants non scolarisés au niveau sectoriel pour mettre à jour et renforcer le dernier rapport disponible sur ce sujet publié en octobre 2016, tout en collectant de nouvelles données ventilées sur les enfants non scolarisés.
- Développer des services dʼéducation adaptée aux réalités socio-économiques des adolescentes habitant en milieu rural afin de faciliter leur intégration à un programme dʼapprentissage, tel que le développement systématique de structures dʼencadrement de la petite enfance près des écoles, et lʼenseignement itinérant pour les adolescentes en milieu rural.
- Élaborer une stratégie visant la scolarisation accélérée des enfants qui nʼont jamais été inscrits à lʼécole, pour leur offrir un programme qui combine plusieurs niveaux à lʼintérieur dʼun sous-cycle du primaire.
Pour réduire les taux élevés dʼabandon scolaire et de redoublement entravant lʼachèvement:
- Faciliter lʼintégration des élèves dans les premières années du primaire en améliorant les programmes existants, en prenant en compte le contenu des apprentissages du préscolaire dans le curriculum de la première année du cours préparatoire (CP1) par exemple.
- Effectuer une recherche multidimensionnelle des difficultés pédagogiques et émotionnelles auxquelles sont confrontés les élèves en milieu rural dans la transition dʼun cycle à un autre.
- Suivre le taux de rétention des élèves issus des familles pauvres pour permettre aux politiques éducatives dʼorienter la distribution des ressources vers le maintien des élèves du quintile le plus pauvre dans le système éducatif.
Pour renforcer lʼacquisition des compétences fondamentales des élèves:
- Accroître lʼaccès des élèves aux supports de lecture, y compris les tablettes favorisant la pratique de la lecture, compétence qui sʼavère particulièrement faible chez les enfants tchadiens.
- Mener des études de cas au niveau provincial pour identifier les différents facteurs contribuant à la variation des taux dʼalphabétisation entre les provinces, afin dʼévaluer la faisabilité de la reproduction de certaines pratiques favorisant lʼalphabétisation des jeunes dans les provinces au faible taux dʼalphabétisation.
Pour accroître lʼaccès à lʼenseignement à distance:
- Proposer une offre globale dʼenseignement à la radio, y compris la distribution de radios avec piles ou de radios solaires pour les enfants non scolarisés en milieu rural, et surtout ceux dont la non-scolarisation est due à un faible accès aux établissements scolaires.
- Approfondir les recherches et développer une stratégie nationale de mise en œuvre de lʼenseignement à distance, en se référant aux leçons tirées de la première expérience de lʼenseignement à distance au Tchad pendant la pandémie.
Pour réduire le nombre de filles mariées précocement:
- Renforcer le rôle des établissements scolaires en tant quʼintermédiaires entre les filles mariées et les services sociaux de base promouvant le bien-être des filles pour encourager leur participation à la vie scolaire avec le soutien de leurs familles.
- Collaborer avec les décideurs pour quʼils introduisent des changements dans leur propre famille, afin de servir de modèle à suivre pour les communautés.
Pour rendre lʼenvironnement scolaire plus inclusif:
- Réaliser une étude diagnostique sur les corrélations entre les différents types de difficultés fonctionnelles des enfants et leur scolarisation et performance scolaire, en vue dʼattribuer les rôles et les responsabilités de la promotion de lʼéducation inclusive aux différents niveaux de la chaîne de compétences.
- Améliorer la compréhension par les acteurs éducatifs au Tchad de lʼanxiété et de la dépression qui atteignent une proportion importante des enfants, afin dʼélaborer une réponse au niveau national.
- Renforcer les fondements théoriques et pratiques de lʼenvironnement scolaire inclusif au Tchad à travers la vulgarisation des textes fondamentaux du droit tchadien promouvant lʼéducation inclusive, la standardisation de classements des difficultés fonctionnelles conformément aux normes internationales, lʼintégration des approches du handicap et lʼéducation inclusive dans le curriculum de formation initiale des enseignants et la collecte de données ventilées sur les différents types de handicaps chez les élèves lors de recensement scolaire.