Auteur : Tirana Hassan
Site de publications : Hrw
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2024
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Avril 2023 a marqué le deuxième anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno, qui s’est déclaré chef du Conseil militaire de transition (CMT) à la suite du décès soudain de son père Idriss Déby Itno, président du Tchad depuis 1990. Un nouveau projet de constitution proposé par le gouvernement de transition a été adopté en juin par 96% des membres du Conseil national de transition (CNT), qui a remplacé l’Assemblée nationale lors de sa dissolution après la mort d’Idriss Déby Itno. Au moment de la rédaction de ce rapport, un référendum public sur la nouvelle constitution était prévu pour décembre. Des élections présidentielles sont prévues pour 2024.
Au moins 72 membres et sympathisants du parti les Transformateurs, une formation politique d’opposition, ont été arrêtés en octobre et détenus pendant trois semaines au siège de l’Agence nationale de sécurité avant d’être remis en liberté. Les membres du parti faisaient de l’exercice tôt le matin avant une réunion préparatoire au retour de Succès Masra, le président des Transformateurs, qui avait quitté le pays après la répression du 20 octobre 2022. Succès Masra est rentré au Tchad début novembre après que son arrivée en toute sécurité a été négocié à Kinshasa, en République démocratique du Congo.
Suite des manifestations du 20 Octobre 2022
Dans un rapport en date de Février, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a déclaré que 128 personnes avaient été tuées et 518 autres blessées. Elle a constaté que les forces de sécurité « ont systématiquement violé plusieurs droits fondamentaux de l’Homme… en utilisant des moyens disproportionnés » pour réprimer les manifestations. La Commission a posé plusieurs questions au gouvernement, y compris sur les raisons pour lesquelles aucune enquête judiciaire n’avait été ouverte sur les violations des droits humains, et a demandé que les auteurs de ces violations soient poursuivis.
En novembre 2022, le ministre de la Justice a déclaré que 621 personnes avaient été arrêtées en lien avec les manifestations, dont 83 enfants. En novembre et décembre 2022, les procès collectifs de 401 des personnes arrêtées ont débuté à Koro Toro, une prison de haute sécurité située à 600 kilomètres de N’Djamena et conçue pour l’incarcération d’individus considérés comme des extrémistes violents.
Au total, 262 individus ont été condamnés à des peines de prison allant de 24 à 36 mois pour plusieurs chefs d’accusation, notamment pour attroupement non autorisé, destruction des biens, incendie volontaire et troubles à l’ordre public. Quatre-vingts personnes ont été condamnées à des peines de prison avec sursis et 59 autres ont été acquittées. En décembre 2022, 80 enfants ont été remis en liberté sous caution. La majorité des manifestants ont ensuite été graciés et remis en liberté par groupes au cours de l’année 2023.
Groupes armés islamiques
Au Sahel, le Tchad contribue depuis des années sur le plan militaire aux opérations régionales de lutte contre le terrorisme. Le président français Emmanuel Macron a déclaré en novembre 2022 la fin de Barkhane, l’opération de contre-terrorisme menée par Paris contre les groupes islamistes armés au Sahel et dont le siège se trouvait à N’Djamena. Le Tchad est le troisième plus grand contributeur de troupes à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), à laquelle le Conseil de sécurité de l’ONU a mis fin en juin. La MINUSMA devait se retirer du pays d’ici fin 2023.
Justice nationale
Les victimes de l’ancien président Hissène Habré, décédé du COVID-19 en août 2021 alors qu’il purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité, n’ont pas reçu d’indemnisation. Hissène Habré avait été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’actes de torture le 30 mai 2016. Ses crimes incluaient des violences sexuelles, notamment des viols et la réduction en esclavage sexuel de femmes pour ses soldats.
En septembre 2022, le gouvernement tchadien avait annoncé le versement de 10 milliards de francs CFA (soit 16 millions de dollars) pour indemniser les victimes et survivants des abus de l’ère Hissène Habré. En mai, Mahamat Idriss Déby Itno a informé la délégation d’un groupe de victimes qu’il avait demandé au ministre des Finances de mettre la contribution du Tchad à la disposition des victimes, mais aucune mesure n’a été prise en ce sens.
Le gouvernement n’a pas respecté la décision d’un tribunal tchadien exigeant une indemnisation supplémentaire pour les victimes ainsi que la création d’un monument en mémoire des ceux qui ont perdu la vie alors qu’Hissène Habré était au pouvoir et d’un musée dans l’ancien quartier général de la police politique, où les détenus étaient torturés.
Bien que l’Union africaine ait alloué 5 millions de dollars à un fond au profit des victimes en 2017, conformément à l’ordonnance de la cour d’appel du Sénégal, le fond n’est toujours pas opérationnel.