Auteurs: Helena Afonso, Maha El Masri, Diego Gaspar de Valenzuela Cueto et Irina Stanyukova
Site de publication: CNUCED
Type de publication: Rapport
Date de publication: Décembre 2023
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Tendance dans l’investissement direct étranger
L’investissement étranger direct (IED) est en hausse en Mauritanie… L’intérêt pour le secteur des industries extractives est demeuré significatif, et des investissements étrangers importants ont également été enregistrés dans des domaines tels que la banque, la construction et les travaux publics, les technologies de l’information et de la communication, ainsi que l’hydrogène vert. De 2009 à 2012, les entrées d’IED ont connu une croissance constante, atteignant près de $1,4 milliards en 2012.
Ces flux sont en grande partie attribuables à l’expansion des activités minières menées par des entreprises canadiennes. La période 2013–2016 a été marquée par une diminution des IED, principalement en raison de la baisse des prix mondiaux des matières premières. Cependant, depuis 2017, la remontée de ces prix et la demande croissante en énergie ont favorisé une augmentation des entrées d’IED, atteignant environ $1,1 milliards en 2022.
La Mauritanie s’est placée au quatrième rang parmi les pays comparateurs, derrière le Maroc, le Sénégal et l’Algérie. Par rapport à 2008–2012, l’écart entre la Mauritanie et ces trois pays s’est toutefois considérablement réduit. Au niveau régional, les entrées d’IED en Mauritanie représentent un peu plus du double de la moyenne des pays les moins avancés (PMA) africains entre 2018 et 2022, alors que sa performance est en deçà de celle de l’Union du Maghreb arabe (UMA) sans la Libye. En termes relatifs, que ce soit par habitant, en proportion du produit intérieur brut (PIB) et de l’investissement, le pays est nettement en avance sur tous ses comparateurs, tant au niveau des flux que du stock d’IED.
Les découvertes majeures de gaz en mer au cours des dernières années ont propulsé les investissements dans ce secteur. Après une première grande découverte en 2014, la Mauritanie est en passe de devenir un exportateur de gaz naturel liquéfié et possiblement un important producteur africain de cette matière première. Les IED sont fortement concentrés dans les industries pétrolières et gazières. Alors qu’ils représentaient environ 40 % entre (2016 et 2018), ils se situaient en 2022 à 94 % des flux d’IED. Le secteur extractif représente aujourd’hui environ les trois quarts des exportations, près d’un tiers des recettes fiscales (provenant principalement de l’exploitation minière) et environ un cinquième du PIB.
Principales observations
Depuis la publication de l’EPI, la Mauritanie a adopté de nombreuses mesures pour améliorer le climat des affaires. Celles-ci comprennent notamment plusieurs réformes du cadre juridique et institutionnel. Des consultations publiques-privées ont également été menées, qui ont impliqué le secteur privé et la société civile.
Les principaux changements sont les suivants :
Adoption d’un nouveau Code des investissements. Le Code, adopté en 2012 et amendé en 2016 et 2019, a maintenu l’ouverture du cadre juridique des investissements et intègre des recommandations formulées dans l’EPI. Une nouvelle version du Code est en cours de préparation et devrait être finalisée en début 2024;
Mise en place d’une agence de promotion des investissements. L’APIM a été créée en 2021 dans le cadre d’une refonte du cadre institutionnel de l’investissement. L’Agence est chargée du renforcement de l’image de marque du pays, de l’identification des opportunités d’investissements ainsi que de la facilitation et du suivi des investissements. Son décret de création lui donne aussi un rôle de plaidoyer afin de proposer des réformes. La refonte institutionnelle comprenait également la création du Conseil supérieur de l’investissement en 2020 sous l’égide du Président de la République ainsi que de comités interministériels et d’appui technique. Ces derniers œuvrent à l’amélioration du climat des affaires et la promotion de l’investissement, l’amélioration de la compétitivité et le développement du partenariat public-privé;
Renforcement de la gouvernance. De nouvelles législations ont été adoptées et mises en place pour renforcer le règlement des différends et lutter contre la corruption. À cet effet, le Gouvernement a élaboré une stratégie nationale de lutte contre la corruption et adopté la Loi de lutte contre la corruption. Il a également créé le Centre international de médiation et d’arbitrage de Mauritanie (CIMAM) en 2015 ainsi que l’Office de gestion des biens gelés, saisis et confisqués et du recouvrement des avoirs criminels en 2017;
Cependant, en dépit de nombreuses améliorations sur plusieurs domaines affectant le climat des investissements, des défis persistent. Ils concernent en particulier :
Le Code des investissements pourrait bénéficier d’améliorations additionnelles. En raison de l’évolution des secteurs prioritaires pour le pays et des tendances mondiales en matière d’investissement, une réflexion est en cours pour sa révision. Ce processus devrait permettre une meilleure prise en compte du volet développement durable, du Protocole d’investissement de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et des zones économiques spéciales. D’autres améliorations possibles pourraient concerner la clause de stabilité, la norme de traitement et les incitations offertes;
Des difficultés affectent le droit du travail et ont un impact sur le recrutement. Le Code du travail (Loi 2004-017) a été amendé en 2009 et en 2022. En termes de recrutement des étrangers, un décret de 2022 a instauré trois types de permis avec des conditions et durées de validité différentes ainsi que trois listes de métiers en fonction de la disponibilité de profils qualifiés dans le pays. Une plateforme en ligne a également été mise en place pour les demandes de permis. Cependant, les dommages et intérêts dans le cas des licenciements ne sont pas encadrés, ce qui a un impact sur l’embauche formelle. Par ailleurs, les juges et magistrats ne reçoivent pas de formation spécialisée en droit du travail;
Conclusion et recommandations
À la lumière du CPIDD, ce rapport propose en priorité les domaines d’intervention suivants pour renforcer davantage les politiques d’investissement en Mauritanie :
Introduire plus de bonnes pratiques dans le cadre de la révision du Code des investissements. Tout en maintenant l’ouverture actuelle aux investissements, cette démarche nécessiterait notamment une réévaluation de la clause de stabilité et une clarification des normes de traitement énoncées dans le Code des investissements. De plus, il conviendrait d’envisager l’intégration de certaines incitations non-fiscales ou leur amélioration. À plus long terme, il serait judicieux d’intégrer les incitations fiscales au sein du CGI.
Améliorer les données relatives aux investissements. Une équipe interministérielle et multisectorielle, incluant la Banque centrale de Mauritanie, chargée de la collecte et de l’analyse des statistiques concernant les investissements, devrait être mise en place. Ce processus pourrait débuter par la création d’un mécanisme dynamique visant à identifier les compétences requises et à organiser cette équipe de manière efficace. La CNUCED se tient prête à fournir son expertise en matière de renforcement des capacités dans le domaine des statistiques sur les IED;
Renforcer les capacités en matière de propriété intellectuelle. À titre d’exemple, un dispositif de collaboration entre l’Université de Nouakchott et d’autres centres universitaires pourrait être mis en place pour faciliter l’élaboration d’un programme et l’intervention de collaborateurs internationaux;
Accroître la prévisibilité et la transparence de la justice. Les décisions de justice pourraient être publiées, en arabe et en français, en particulier celles portant jurisprudence. Les sites Web des tribunaux de commerce de Nouakchott et Nouadhibou pourraient être réactivés et leur maintenance assurée. Afin de compiler les décisions dans tout le pays, le site Web du Ministère de la justice pourrait aussi héberger ces informations. Ces efforts contribueraient également aux efforts de renforcement de transparence de la justice.