Organisation affiliée : La Banque mondiale
Type de publication : Analyse et note d’orientation
Date de publication : Février 2022
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Aperçu de l’économie et du secteur agricole
Le Tchad est l’un des pays les plus pauvres du monde et il est à la traîne d’autres pays africains comparables en termes de développement économique et social. La moitié de la population (47%) vit en dessous du seuil de pauvreté national, soit 6,5 millions de personnes, et 34% vivent dans l’extrême pauvreté. La plupart des pauvres (92%) vivent dans les zones rurales où plus de la moitié des ménages sont pauvres. Le pays dispose d’une base économique étroite et dépend fortement de revenus pétroliers imprévisibles et de peu d’exportations agricoles. Cela rend la situation fiscale et budgétaire très sensible aux chocs pétroliers, comme ce fut le cas en 2014. Le développement du pays a été entravé par des séries de conflits pendant des décennies, dont l’héritage se manifeste sous diverses formes, notamment par des déplacements de population et des efforts importants pour investir dans la sécurité au détriment des actions de développement.
L’agriculture est un secteur essentiel de l’économie tchadienne et la plupart de la population rurale dépend de l’agriculture pour sa subsistance et sa sécurité alimentaire. Environ 88 % des ménages tchadiens vivent de l’agriculture. Le secteur se classe au troisième rang des recettes d’exportation du pays après le pétrole et l’or, mais ne fournit que 4% de la valeur des exportations du pays en 2019. Le sésame, dont la production est en forte croissance, est devenu la principale source de recettes d’exportation, suivi de la gomme arabique et du coton. Les surfaces cultivées sont dominées par les cultures vivrières destinées à l’autoconsommation des ménages plutôt que par les cultures de rente.
La productivité agricole au Tchad est plus faible et croît plus lentement que dans la plupart des autres pays aux conditions agro climatiques similaires, malgré une bonne dotation en ressources naturelles. Le pays connaît une aridité et une dégradation des sols croissantes, qui risquent d’être amplifiées par le changement climatique. Les principales vulnérabilités du changement climatique pour le secteur de l’agriculture et de l’élevage sont les sécheresses répétées et plus sévères dans la partie nord et les inondations.
Chaînes de valeur de l’agriculture au Tchad
Les chaînes de valeur agricole au Tchad restent sous-développées pour les cultures de rente, et encore plus limitées pour les cultures vivrières. Il existe un potentiel d’amélioration de la productivité et de la qualité de l’agriculture qui créerait des emplois, s’il est associé à une infrastructure réglementaire et matérielle de soutien.
Le coton est cultivé dans la partie sud du pays, mais seulement dans quelques régions : Lere, Pala, Gaya (région Ouest), Kelo, Moundou, Doba (région Centre), Koumra, Sarh, Kyabe (région Est). C’est historiquement le principal produit d’exportation du Tchad, représentant 73% des exportations du pays en 2002 avant le démarrage du secteur pétrolier. Au-delà de la production agricole, CotonTchad est un acteur économique important dans le pays en tant que fournisseur non négligeable d’emplois. Malgré l’implication de l’État dans la chaîne de valeur, il n’existe aucune stratégie agricole ou commerciale officielle du gouvernement pour cette culture. La culture du coton est en concurrence avec les cultures vivrières, principalement en raison des contraintes de main-d’œuvre. Mais il existe des incitations à cultiver le coton car, dans le cadre de la gouvernance actuelle avec CotonTchad SN, les agriculteurs ont accès aux engrais chimiques et aux pesticides, qui ne sont pas disponibles sur le marché privé.
Cependant, la production du Tchad et son commerce sont marginaux par rapport aux autres pays. La productivité par rapport aux pays voisins est faible (0,62 t/ha contre 1,2t/ha au Cameroun et 1,1t/ha au Bénin), et les infrastructures soutenant la filière sont globalement vétustes et manquent d’investissements.
Le Tchad possède un avantage comparatif significatif dans le secteur de la gomme arabique. Il est actuellement le deuxième producteur et exportateur de gomme arabique brute dans le monde après le Soudan, cependant la marge entre les deux pays est large. Au Tchad la collecte de gomme arabique fait partie d’un système plus large de moyens de subsistance et de lutte contre la pauvreté pour les agriculteurs des régions les plus pauvres du pays. Seule une partie de la chaîne de valeur de la gomme arabique a lieu au Tchad et aucune valeur ajoutée importante telle que la transformation et l’utilisation de la gomme dans la fabrication n’a lieu dans le pays. Il y a peu d’acheteurs internationaux, ce qui entraîne une situation d’oligopole. Nexira (France) est l’acteur principal qui opère depuis que le Tchad est devenu une colonie française.
L’essor de la culture du sésame depuis 2011 est directement lié à la désorganisation de la filière coton, en lien avec la hausse des prix du sésame due à l’augmentation de la demande asiatique. Le Tchad était le 9e pays exportateur sur 18 pays exportant plus de 1 million USD en 2019, avec un avantage comparatif révélé (ACR) élevé. En 2019, le Tchad représentait 1,07% du marché mondial des exportations. Cependant, en raison de la non-structuration de la chaîne de valeur dans le pays, les exportations réelles de sésame au Tchad pourraient être sous-estimées et comptabilisées comme des exportations de ses pays voisins.
La production de sésame fait actuellement vivre entre 300 000 et 600 000 ménages. Ses besoins en eau et en fertilité du sol sont faibles, ce qui en fait une culture adaptée aux sols dégradés du Tchad. Les gains de productivité pour cette culture résideraient dans l’utilisation de semences certifiées car la plante se prête à une mécanisation limitée (uniquement pour la préparation de la terre), une utilisation minimale d’engrais et de pesticides. Mais la chaîne de valeur du sésame au Tchad est sous-développée.
Les denrées alimentaires de base, notamment les céréales et les fruits et légumes frais, recèlent également un potentiel pour le commerce, l’emploi et la création de valeur. Le pays a toujours du mal à satisfaire les besoins de sécurité alimentaire de sa population et dépend des importations alimentaires.
Toutes les cultures explorées au Tchad bénéficieraient d’une meilleure organisation des agriculteurs et des intermédiaires le long des chaînes de valeur. Les trois cultures de rente explorées bénéficieraient d’un meilleur accès aux intrants, avec une gestion ciblée des engrais pour préserver la fertilité des sols et augmenter les rendements. La mise en place de stratégies nationales pour la coordination des actions entre les différentes parties prenantes au Tchad pourrait aider à faire avancer ce type de programme.
Cibler les projets d’investissement pour obtenir les meilleurs résultats dans un environnement où les ressources sont limitées et où le changement climatique a un impact est une tâche difficile qui peut être facilitée par des outils de mobilisation et de consolidation de multiples sources d’information.
Changement spatiaux du potentiel du secteur agricole face aux changement climatique
La manière dont les possibilités agricoles du Tchad évolueront dans le temps sous l’impact du changement climatique est examinée à l’aide de deux outils. Le premier qui évalue comment l’adéquation des cultures changera dans le temps et l’espace, et le second qui contribue à la quantification des changements possibles de rendement. Le changement climatique devant avoir un impact considérable sur les régimes climatiques au Tchad, il est urgent de renforcer la résilience en investissant de manière ciblée dans le développement et l’adoption de pratiques et infrastructures agricoles respectueuses du climat.
Les principaux résultats de l’analyse de l’adéquation des cultures sont les suivants: Le maïs, les oignons et le riz paddy connaissent une diminution de l’adéquation à la production sur les deux dimensions, la zone d’adéquation et le degré au sein de la zone d’adéquation. Le sorgho connaît des changements substantiels d’adéquation selon la variété considérée. Le millet, le coton, le manioc, le niébé, l’arachide, la patate douce et le sésame sont susceptibles de voir augmenter les surfaces adaptées à la production.
Environnement institutionnel pour la mise en oeuvre des politiques agricoles
Le Tchad a fait des progrès au cours de la dernière décennie, mais il est confronté à des défis permanents dans le déploiement optimal des ressources publiques disponibles pour améliorer les performances du secteur. Une série de revues des dépenses du secteur agricole entreprises au cours de cette période en sont la preuve. La gestion des dépenses publiques du Tchad pour l’agriculture s’inscrit dans le cadre de deux initiatives plus vastes : la poursuite des objectifs de développement rural, auxquels l’agriculture contribue, et la poursuite du renforcement de la gestion des finances publiques à l’échelle du gouvernement, à laquelle participe le Ministère de l’Agriculture (MdA).
Absorbant un cinquième des budgets alloués au secteur, et en charge de ses principales fonctions publiques, les agences centrales sont essentielles à l’utilisation efficace des ressources limitées du budget et à la réalisation des objectifs du secteur. Chacune de ces entités reçoit un soutien budgétaire de l’État.
L’Institut Tchadien de Recherche Agronomique pour le Développement (ITRAD) est la composante centrale du Système National de Recherche Agricole du Tchad (SNRA, plateforme de coordination créée en 2008). Il couvre les cultures vivrières et industrielles, la pêche, la foresterie et la gestion des ressources naturelles et mène des recherches sur les technologies des systèmes de production et pour sélectionner des variétés de semences améliorées. La réalisation des produits prévus par l’ITRAD est restée très limitée au cours des deux périodes de plans à moyen terme achevées, malgré les efforts déployés.
L’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER) est une administration publique pour la vulgarisation agricole. La mission de l’ANADER est d’appuyer l’intensification et la diversification de la production agricole, d’appuyer la formation et la structuration d’organisations de producteurs agricoles capables de gérer des actions collectives, et d’appuyer la modernisation et l’industrialisation des chaînes de valeur agricoles. La gestion trop peu coordonnée des activités, fragmentée entre plusieurs unités de gestion de projet, est une contrainte à laquelle l’ANADER cherche à remédier.
L’Office National de Sécurité Alimentaire (ONASA) est l’agence nationale chargée de la gestion des stocks de sécurité alimentaire. Son mandat est opérationnel – approvisionnement, stockage et distribution.
Il convient de noter que le Tchad ne dispose pas d’une agence de gestion de l’irrigation, contrairement à un certain nombre de ses voisins sahéliens. Le Tchad bénéficie d’un soutien financier et d’une assistance technique pour l’investissement dans l’irrigation dans le cadre d’un projet régional cofinancé par la Banque mondiale. Mais les dispositions institutionnelles de mise en œuvre au Tchad s’appuient sur les capacités ministérielles existantes plutôt que d’investir dans la création d’une agence d’irrigation autonome
Suggestions et recommandations
- Améliorer la gestion des ressources en eau pour la croissance agricole et la résilience des agriculteurs au changement climatique. Le Tchad a sous-utilisé le potentiel de ses ressources en eau que les agriculteurs peuvent utiliser pour une production moins risquée, en passant à des cultures de plus grande valeur, en obtenant des rendements plus élevés et, par conséquent, en améliorant leurs revenus.L’augmentation des infrastructures et des technologies d’irrigation est l’une des méthodes les plus rapides pour améliorer l’efficacité de l’agriculture et augmenter la production au Tchad.
- Accroître la confiance dans les données et les analyses mondiales disponibles et créer des registres d’agriculteurs pour soutenir la prise de décision et la mise en oeuvre de projets et de politiques d’investissements agricoles ciblés.
- Développer des stratégies nationales coordonnées pour les chaînes de valeur les plus importantes au Tchad. Le pays doit aller au-delà de la production de coton comme culture de rente et de profiter de son avantage comparatif dans d’autres cultures et de développer ses chaînes de production et de valeur du sésame et de la gomme arabique.
- Renforcer la gestion des dépenses publiques pour le secteur : Améliorer l’exécution du budget et la gouvernance financière dans le secteur ; Financement du secteur agricole; Accroître l’efficacité et l’impact des agences sous la responsabilité du Ministère de l’Agriculture ; Renforcer la coordination et le leadership.
- Renforcer l’autonomie et l’influence des organisations d’agriculteurs en augmentant leur rôle dans le développement des chaînes de valeur. Les organisations d’agriculteurs sont des partenaires clés pour la création d’un registre des agriculteurs, qui peut débloquer de nombreuses nouvelles façons de soutenir les petits exploitants agricoles et donner des indications sur la hiérarchisation des politiques et le meilleur ciblage des bénéficiaires.
- Accélérer le développement du cadre réglementaire de la LOASPH et veiller à y associer des moyens de mise en œuvre.
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Le sésame peut contribuer à diversifier l’économie agricole tchadienne, réduisant ainsi la dépendance au coton, qui est vulnérable aux fluctuations des prix sur le marché mondial, ensuite le sésame est une culture très prisée sur le marché international, en particulier pour ses huiles et ses graines. Cela peut offrir des revenus significatifs aux agriculteurs. Le sésame est relativement résistant à la sécheresse et peut être cultivé dans des conditions moins favorables, ce qui est crucial dans un pays comme lenôtre, où les conditions climatiques peuvent être difficiles.
En intégrant le sésame dans les rotations de culture, les agriculteurs peuvent améliorer la qualité du sol et donc la productivité des terres, ce qui peut contribuer à la sécurité alimentaire, le développement d’infrastructures adéquates (routes, stockage) est essentiel pour faciliter l’accès au marché et maximiser les profits , outre les agriculteurs doivent être formés sur les techniques de culture du sésame et sur la gestion des risques liés à cette culture.
Concurrence :
Établir une chaîne de valeur solide pour le sésame pourrait être difficile face à d’autres cultures d’exportation déjà bien établies, comme le coton.
Prendre en compte la production de sésame comme une culture de rente après le coton au Tchad pourrait être une stratégie judicieuse pour stimuler l’économie agricole. Cela nécessite toutefois un engagement à long terme envers le développement des infrastructures, la formation des agriculteurs et la mise en place de politiques favorables pour maximiser les avantages de cette culture. Cette approche pourrait non seulement améliorer les revenus des agriculteurs, mais aussi renforcer la résilience du secteur agricole face aux changements climatiques et aux fluctuations des marchés.