Auteur : Gender at the Centre Initiative
Site de publication: Gender at the Centre Initiative
Type de publication: note politique
Date de publication: 2023
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Contexte et vue d’ensemble du processus de planification
Par le biais de l’Initiative « Priorité à l’égalité » (Gender at the Centre Initiative (GCI), un programme qui encourage les ministères de l’Éducation à inscrire l’égalité de genre au cœur de systèmes éducatifs, une étude a été commanditée pour examiner comment l’égalité de genre est intégrée dans la planification du secteur éducatif de 8 pays d’Afrique subsaharienne (Tchad, Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Mozambique, Nigeria, Niger et Sierra Leone). Le rapport de synthèse identifie les exemples de bonnes pratiques, les opportunités et les menaces pour promouvoir des systèmes éducatifs transformateurs de genre (sexotransformateur).
Le présent rapport national présente les conclusions de l’analyse de la Mauritanie. Il s’agit de l’analyse du Plan d’Action Triennal Budgétisé du secteur de l’éducation (PATB 2019-2021) de la Mauritanie. Le plan a été élaboré en 2012, sous la direction du ministère de l’Éducation et de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO). Le PATB prolonge les actions précédentes prévues dans le Plan national de développement de l’Éducation II (PNDSE) et le PATB 2016-18. Cette analyse comprend les points de vue généraux des partenaires de l’éducation impliqués dans le processus de planification concernant la façon dont la dimension genre a été prise en compte dans le processus et les réunions de planification de l’éducation.
Résultats thématiques
Économie politique
Les entretiens ont montré qu’il existe un effort politique pour inclure la dimension genre dans les politiques et les plans du secteur éducatif, ce qui est une réponse aux préoccupations des parties prenantes externes.
La demande du ministère de bénéficier du soutien de IIIPE/UNESCO pour le Rapport d’État sur le Système Éducatif National (RESEN), en cours d’élaboration pour préparer le prochain PSE, indique clairement la nécessité d’une analyse sensible au genre.
Les organisations de la société civile (OSC) et les PTF sont plus réservés ; les questions liées au genre sont généralement soulevées par les parties prenantes externes et le ministère est moins entreprenant sur cette question. Le ministère n’a achevé ni commandité aucune étude majeure sur le genre. Les structures politiques ne semblent pas animées par le leadership politique ni la volonté de changement.
La responsabilisation de l’exécution de l’égalité de genres dans l’éducation manque d’un mécanisme clair d’établissement des rapports et de suivi. Le gouvernement s’est engagé à affecter un pourcentage de son budget à l’éducation. Toutefois, les dépenses de cette affectation pourraient être différentes de celles fixées dans le PSE ou bien données à d’autres priorités que celles mentionnées dans le PATB. Des retards de financement peuvent aussi se produire.
Aucun mécanisme ne semble en place pour rapporter les travaux réalisés par le ministère sur l’équité entre les genres.
Relations
Pouvoir et prise de décision
Les réponses des parties prenantes démontrent que les espaces de planification ont donné le pouvoir à la direction de la planification de prendre les décisions définitives sur le PATB, qui a été rédigé individuellement par les cadres du ministère de chaque direction, et par conséquent a découragé le dialogue constructif et la coordination croisée.
Le processus d’élaboration du PATB n’était pas participatif, car le PATB est considéré comme un document à faible enjeu, comme les répondants nous ont permis de le comprendre. Le but initial visait à traduire le PNDSE II dans un plan d’action budgétisé. Par conséquent, le processus d’élaboration du PATB a consisté à poursuivre les activités commencées dans le PATB précédent de 2016-18 et à y incorporer celles qui n’avaient pas démarré
Les directions du ministère de l’Éducation étaient chargées d’élaborer la partie du PATB qui les concernait. La négociation a été menée au niveau de la direction de la planification.
Les conclusions soulignent le manque de coordination entre les directions. Aucun atelier n’a été mené impliquant toutes les directions durant le processus de planification, ce qui est problématique pour les thèmes/préoccupations transversaux. Par exemple, comme l’a expliqué une personne de la direction de l’Enseignement secondaire, sa direction pourrait avoir besoin de plus d’enseignants, mais la direction chargée de la formation des enseignants se trouve au sein du ministère de l’Enseignement supérieur. Aucun moyen permettant aux différentes directions de travailler ensemble n’a été rapporté pour veiller à ce que les besoins d’une direction dépendant d’une autre direction soient également pris en compte.
Réseaux et coalitions
En général, quatre parties prenantes promeuvent le genre dans l’éducation : le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la Banque mondiale (surtout à travers le projet Autonomisation des femmes et le dividende économique au Sahel (Sahel Women’s Empowerment and Demographic Dividend [SWEDD]), le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCRNU) et l’Union Européenne (UE) par le biais de leur financement et de leur plaidoyer, en particulier quand ils examinent les principaux documents sur l’éducation.
Concernant le PATB, le financement de ces organismes est la source principale de leur influence. Le PATB a été élaboré en fonction du financement disponible, ce qui a limité son ambition. Les actions proposées par chaque direction ont également été coupées en raison du manque de financement de la direction de la planification. Il n’existe pas non plus de pourcentage clair d’activités ou de financement liés au genre qui devraient être conservés, mais la direction de la planification est consciente de l’objectif d’atteindre la parité dans l’éducation. Le financement provient à la fois du gouvernement et des PFT. Aucun autre acteur majeur n’a eu d’influence sur l’élaboration du PATB et n’a soutenu le programme pour le genre dans l’éducation.
Voix
Expertise de genre
Toutes les parties prenantes du ministère interrogées ont déclaré qu’il n’existait aucun expert du genre au sein du ministère de l’Éducation, mais que les responsables ont l’expérience du genre même s’ils n’ont pas de formation ou de diplôme spécifique sur le genre. Elles suivent également la priorité accordée au genre dans la Lettre de politique sectorielle et le PNDSE II.
Cependant, quand on examine le PATB, la dimension genre est prise en compte de manière différente dans les quatre principaux secteurs stipulés dans le PATB.
Toutefois, globalement, les cibles de scolarisation des enfants en âge de fréquenter l’école ne sont pas ventilées par sexe. Les répondants interrogés ont aussi souligné que l’équité (pas l’égalité) entre les sexes est un objectif pour l’enseignement secondaire, mais qu’il est absent des autres niveaux.
Le plan n’est pas axé sur l’intégration de l’équité ou l’égalité de genre dans d’autres domaines impactés par le genre. Par exemple, bien que des efforts spécifiques ciblent la promotion de l’enseignement des sciences, aucune activité spécifique n’est prévue pour encourager les filles à étudier les mathématiques et les sciences, même si les données probantes internationales montrent qu’elles ne sont pas attirées ou ne s’orientent pas vers les sciences. Aucune mesure n’a été apportée pour diminuer le biais de genre dans cette activité. De même, la priorité est accordée au développement des formations techniques et professionnelles sans prendre en compte les différences entre les filles et les garçons.
Quand ils ont été interrogés, les répondants ont déclaré que les formations techniques et professionnelles s’adressent aux garçons et que les filles n’ont pas envie de devenir mécaniciennes par exemple, sans remettre en question les normes sociales à l’origine de l’offre limitée pour les filles et leur exclusion des formations orientées vers l’emploi. Ceci montre qu’une expertise de genre n’a pas été entreprise systématiquement et également par toutes les directions.
Consultation avec les ONG et les OSC
Les OSC travaillant activement à promouvoir l’équité entre les genres n’ont pas été consultées par le ministère. Les OSC de l’éducation sont soigneusement sélectionnées par le ministère pour participer aux processus consultatifs, lesquels sont peu nombreux.
Le ministère de l’Éducation n’implique pas les ONG et les OSC qui travaillent dans l’éducation dans le processus de planification efficacement ou systématiquement. Les répondants des ONG et des OSC ont souligné l’absence de cadre officiel dans tous les types de consultation, même si les représentants des ONGI sont membres du GLE et ont eu connaissance du projet de PATB dans ce groupe.
Malgré le manque d’engagement constaté dans le processus de planification, il est important de souligner qu’il existe aussi des OSC travaillant activement dans le domaine des droits des filles et des femmes qui incluent l’éducation.
Voix des jeunes et des communautés
Les personnes interrogées n’ont pas mentionné si les communautés et les jeunes ont été impliqués durant le processus de planification. Les voix des communautés et des jeunes sont censées être présentées aux réunions de planification par les partenaires qui ont travaillé étroitement avec les communautés et qui sont présents dans les instances de planification comme l’UNICEF, mais peu de données probantes indiquent que ceci a été le cas.
Normes sociales
Les questions liées à l’égalité de genre au sein du ministère sont reconnues surtout dans l’enseignement secondaire. Cependant, les questions plus sensibles liées aux normes sociales et à la Violence Fondée sur le Genre (VFG) ne reçoivent pas d’attention. On peut difficilement discuter de ce genre de questions au sein du ministère.
L’âge minimum légal du mariage est de 18 ans, mais les mariages précoces restent courants en Mauritanie (environ 15 % des filles sont mariées avant 18 ans). Les Mutilations Génitales Féminines (MGF) sont toujours courantes (66 %). Les institutions religieuses sont représentées par le biais de la participation du ministère des Affaires islamiques.
Résistance
Bien que les parties prenantes n’aient rapporté aucune résistance à la promotion du genre, les mouvements religieux qui s’opposent à l’école ordinaire, demandent la séparation entre les filles et les garçons et le mariage précoce existent et influencent les décideurs.
Depuis 2012, une loi sur la VFG a été discutée, mais elle n’a pas encore été adoptée. Certaines parties prenantes notent que l’exclusion de voix importantes, le manque de consultation et le fait d’ignorer les principales questions liées au genre (comme la VFG) sont une forme de résistance, peut-être mieux conçues pour réduire au silence.