Auteur : UNESCO Bureau pour l’Afrique, Institut international de planification de l’éducation
Site de publication : Unesco
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2024
Avec une superficie de 1 054 234 km² et une population estimée à 4,17 millions d’habitants en 2020, la Mauritanie reste l’un des pays les moins peuplés d’Afrique de l’Ouest et compte une densité de population parmi les plus faibles du continent (4 habitants au kilomètre carré en 2020).
C’est un pays jeune, avec 41 % de la population âgée de moins de 15 ans. La population scolarisable (3-18 ans) a plus que doublé entre 1988 et 2020 et entre 2013 et 2020, passant de 1 478 703 à 1 738 296 d’individus, soit une augmentation 17,5 %. Si la population scolarisable est restée globalement stable sur la période observée, en proportion de la population totale, le système éducatif continue de faire face à une demande forte de scolarisation avec des effectifs en hausse.
Le contexte social mauritanien a connu des améliorations au cours des deux dernières décennies. Certes, la prévalence de la pauvreté reste encore relativement importante mais la tendance constatée montre un recul important. Elle a ainsi diminué au fil des années, passant de 46,7 % en 2004 à 28,2 % en 2019. Près de 1,2 million d’habitants vivent encore sous le seuil de pauvreté, principalement dans les zones rurales et reculées du pays.
Des indicateurs de scolarisation qui progressent mais restent encore éloignés des ODD
L’analyse globale de la scolarisation dans l’enseignement fondamental et au secondaire, ainsi que de l’efficacité interne et des enfants hors du système scolaire montre que le système éducatif national enregistre des progrès en matière de scolarisation, mais qu’ils restent encore trop limités dans la perspective d’atteindre les objectifs fixés par l’Agenda 2030 (ODD4). De manière globale, les tendances issues du traitement des données disponibles indiquent, certes, de légères améliorations mais aussi une forme de stagnation pour la plupart des indicateurs.
Au niveau du préscolaire, les effectifs sont faibles au regard des informations disponibles. Avec une couverture de 9 % en 2019, l’objectif d’une couverture préscolaire de 16 % en 2020 (fixé par le Plan national de développement du système éducatif – PNDSE II) n’a pas été atteint. La Mauritanie compte parmi les pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale ayant la couverture préscolaire la plus faible (la moyenne des pays comparateurs se situe à 30 %).
De 2012 à 2019, les effectifs d’élèves de l’enseignement fondamental et du secondaire (1er et 2e cycles) ont continuellement augmenté en Mauritanie, aussi bien pour les filles que pour les garçons (+ 3 % d’accroissement moyen annuel au fondamental et 8 % au secondaire, secteurs public et privé confondus). De manière générale, les filles et les garçons sont autant scolarisés dans ces deux cycles. Aussi, le secteur privé occupe une place relativement importante, constante et croissante dans la scolarisation des élèves.
En termes de couverture scolaire, le taux brut de scolarisation (TBS) dans l’enseignement fondamental était de 98 % en 2019 et avait progressivement augmenté au cours des années précédentes. Les filles ont été plus nombreuses à s’inscrire que les garçons en 2019, puisqu’une différence significative du TBS peut être constatée avec près de 10 points de différence avec les garçons. Cette année-là, le TBS des filles dépassait les 100 % tandis que celui des garçons stagnait à 94 %. Au niveau du secondaire, les TBS ont chuté à moins de 50 % au premier cycle (collège) et à 30 % au second cycle (lycée).
L’une des particularités du système éducatif mauritanien est l’accès relativement tardif des enfants à l’enseignement formel. En effet, l’école traditionnelle occupe une place importante dans les premières années de scolarisation des enfants. Ils sont souvent inscrits d’abord dans une mahadra ou une école coranique avant d’intégrer une école du système formel. C’est pourquoi un certain nombre de jeunes mauritaniens accède à l’école fondamentale formelle au-delà de l’âge requis de 6 ans.
De très nombreux enfants en dehors de l’école
En 2019, il est estimé qu’environ 340 000 enfants âgés de 6 à 15 ans n’étaient pas scolarisés dans le système formel ou dans une école traditionnelle (école coranique ou mahadra), soit près de 30 % des effectifs totaux sur cette tranche d’âge qui correspond à l’enseignement de base obligatoire (fondamental et collège). Parmi les 340 000 individus de 6 à 15 ans qui n’étaient pas scolarisés, près de 210 000 des 6-11 ans (niveau fondamental) ne bénéficiaient d’aucune forme de scolarisation et plus de 130 000 enfants âgés de 12 à 15 ans (collège) étaient en dehors de tout système d’éducation.
Une parité entre les sexes qui s’améliore
Les progrès réalisés dans le domaine de l’éducation en matière de parité coexistent avec des disparités de genre significatives dans l’environnement social, politique, économique et légal en dehors de l’école. Les données des enquêtes de ménage montrent que les autres facteurs de décrochage varient significativement en fonction du genre et du milieu de résidence. Du côté de la demande, la volonté de travailler pèse lourd sur les trajectoires des garçons. Pour les filles, le début de la vie procréative sonne souvent la fin du parcours scolaire.
Des dépenses d’éducation et de formation multipliées par 1,6 entre 2015 et 2021
En 2021, les dépenses d’éducation et de formation se sont élevées à 12,1 milliards de MRU (environ 335 millions d’US$ et 3,4 % du PIB).
Les dépenses des ménages consacrées à la scolarisation des enfants sont élevées. Elles augmentent logiquement avec le niveau d’éducation, mais pas de façon considérable, passant d’environ 33 000 MRU pour la scolarisation en jardin d’enfant à 36 000 MRU pour celle dans le supérieur. Elles sont élevées, notamment pour financer des cours particuliers, le transport et les frais de scolarité des enfants inscrits dans un établissement privé. La dépense totale des ménages s’élève à la moitié de la dépense totale d’éducation, ce qui ne constitue pas une exception dans la sous-région.
Une faible qualité de l’éducation
En effet, les résultats aux tests des enquêtes effectuées auprès des élèves de 4e année du cycle fondamental montrent que les apprentissages sont particulièrement faibles, notamment en français, mais aussi en mathématiques et en langue arabe.
Parmi les facteurs expliquant la faiblesse de ces résultats figurent d’abord les caractéristiques de l’élève : il apparaît ainsi que le genre, le milieu de résidence (urbain ou rural) ou l’âge n’a que peu d’influence sur les résultats. En revanche, des paramètres tels que le fait d’avoir fréquenté une école coranique ou le préscolaire, la scolarisation dans le privé, ainsi que la zone de résidence (région) ont un impact significatif sur les performances des élèves.
Le fort absentéisme des enseignants
Au cours de visites inopinées effectuées pour les besoins de l’enquête, près d’un quart des enseignants était absent des écoles visitées.
Des difficultés à s’insérer sur le marché du travail
Aujourd’hui, il est estimé que seulement 58 % de la population en âge de travailler (54 % de la population totale) occupe un emploi ou en recherche un. Le taux d’inactivité est plus fort chez les femmes (57 %) que chez les hommes (25 %). Aussi, la moitié des hommes et des femmes se retrouvent dans des situations d’emploi non formel dans le secteur privé (48 % des hommes et 47 % des femmes).
Des risques et vulnérabilités qui s’intensifient et affectent l’ensemble du secteur
Enfin, la Mauritanie présente une accumulation de risques aggravant la vulnérabilité d’un pays marqué par un taux de pauvreté élevé, un déficit en infrastructures et en services de base, et une gouvernance décentralisée qui présente encore des faiblesses. Ces risques et vulnérabilités touchent l’ensemble du secteur et depuis une dizaine d’années, les aléas climatiques se sont intensifiés et généralisés à l’ensemble du pays avec pour conséquence directe une récurrence des crises alimentaires et de la malnutrition transitoire. Enfin, depuis le début du conflit au Mali en 2012, le pays connaît une situation humaine dégradée avec la présence d’environ 100 000 réfugiés dont plus de la moitié sont des enfants.
Les crises et risques ne se manifestent pas de façon homogène dans le pays. Dans les wilayas du Guidimakha, du Gorgol, de l’Assaba, du Hodh El Gharbi et du Hodh El Chargui, les élèves ont des perspectives de scolarisation plus limitées que dans d’autres, avec des taux bruts de scolarisation, d’achèvement et de rétention très en deçà de la moyenne nationale. Si l’effet des inondations/sécheresses sur le temps scolaire ou l’état des infrastructures sont parfois documentés, il conviendrait de systématiser la collecte d’informations et de données sur ces sujets. En effet, l’impact des risques et vulnérabilités sur le système éducatif mauritanien est renseigné de manière encore trop irrégulière. Il apparaît alors nécessaire pour le pays de mieux structurer la collecte de ces données par l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ de l’éducation en situation d’urgence/vulnérabilités, afin de formuler des réponses adaptées aux besoins. À ce jour, il n’existe pas de stratégie de mitigation concertée avec tous les acteurs et les partenaires pour apporter une réponse éducative aux risques et urgences, mais des réponses ponctuelles uniquement.