Auteur : La Banque Mondiale
Site de publication : BM
Type de publication : Rapport
Date de publication : Juin 2020
Le secteur de l’éducation comme moteur de croissance économique
Un bon système éducatif est une condition nécessaire pour la diversification et la croissance inclusive en Mauritanie. Bien qu’il y ait eu des améliorations en termes d’accès, la qualité de l’éducation en Mauritanie est un obstacle à la croissance économique et pour le développement du capital humain.
L’amélioration du système éducatif est une priorité pour le gouvernement. Ce chantier fait partie du second levier de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP), qui vise à promouvoir une croissance forte, durable et inclusive. De même, le programme du nouveau gouvernement qui a pris ses fonctions en août 2019 a montré une orientation claire pour augmenter l’accès et améliorer la qualité de l’éducation dans le but, d’améliorer le niveau de vie de la population, d’accroître la cohésion sociale et d’assurer une croissance durable et inclusive.
Plusieurs facteurs sont à l’origine de la sous-performance du système éducatif en Mauritanie. Parmi les facteurs clés on note les conditions d’enseignement inadéquates, la pénurie d’enseignants compétents, et la faible gouvernance du secteur que ce soit pour l’allocation des enseignants ou bien la gestion au niveau opérationnel de l’école qui se traduit par une faible efficience dans l’utilisation des ressources. Ces déficiences conduisent à un manque de compétences des jeunes et la faible pertinence de l’éducation et la formation sur le marché du travail. Ces lacunes sont des obstacles à la croissance, créant de graves problèmes de chômage. On estime par exemple qu’il y a près de 350 000 jeunes déscolarisés en Mauritanie (âgés de 15 à 25 ans) sans compétences employables.
Aperçu du secteur de l’éducation en Mauritanie
Depuis 1999, la Mauritanie fonctionne au niveau primaire et secondaire dans un système d’instruction unifié bilingue arabo-français.
Parallèlement au système d’éducation formel existe un système informel religieux, en particulier les écoles coraniques et les mahadras. Ces écoles dispensent un enseignement religieux sur les fondements de l’Islam et de la morale aux enfants de 4 à 18 ans, ainsi qu’aux adultes. Ces écoles religieuses constituent, entre autres, une forme de préscolarisation puisqu’elles sont fréquentées par les enfants en bas âge. Les écoles coraniques et les mahadras constituent également une forme de filet social recueillant aussi les élèves en marge ou ayant quitté le système d’éducation formel.
Bien que les dépenses publiques consacrées à l’éducation aient augmenté, elles restent faibles.
La Mauritanie a réalisé des progrès appréciables en termes d’accès à l’éducation dans les dernières décennies.
De plus, la Mauritanie a fait des progrès remarquables au cours des dernières décennies en termes d’équité scolaire selon le genre. La Mauritanie est l’un des rares pays de l’ASS qui a atteint les Objectifs de Développement du Millénaire d’égalité des genres à l’école primaire et secondaire.
Des lacunes importantes subsistent dans le système éducatif
Malgré les réalisations dans les dernières années, d’importantes lacunes subsistent dans le système éducatif en Mauritanie. Les principaux problèmes sont notamment : les faibles taux de scolarisation et de rétention des étudiants, les mauvais résultats d’apprentissage, l’incomplétude des écoles et l’allocation des enseignants, le faible niveau de compétence des enseignants et une gouvernance inadéquate.
Les enquêtes nationales révèlent un très faible niveau d’apprentissage en mathématiques et en langues, particulièrement en français.
Les élèves mauritaniens fréquentant les écoles publiques obtiennent des résultats nettement plus faibles dans toutes les matières que les élèves du secteur privé. Les différences entre les écoles privées et publiques dans les résultats d’apprentissage sont significatives.
Les écarts sont tout particulièrement marqués en français. Par exemple, pour les élèves de 4e année, les élèves des écoles privées obtiennent un résultat moyen de 39,5% contre 10% pour les élèves des écoles publiques.
Causes sous-jacentes des lacunes du système éducatif
Plusieurs facteurs expliquent les lacunes du système d’éducation de base, en particulier le sous-financement du secteur de l’éducation et la faible efficience dans l’utilisation des ressources. Ces facteurs sont les suivants : un très faible niveau de compétence des enseignants et une pénurie d’enseignants qualifiés, la faible gouvernance du secteur et l’absentéisme élevé des enseignants, le délabrement des infrastructures scolaires et un matériel d’apprentissage inadéquat, et une discontinuité de l’offre scolaire.
Un problème fondamental du secteur éducatif en Mauritanie est le faible niveau de compétence des enseignants. Selon les résultats du SDI 2018 qui a évalué les enseignants en français, arabe, mathématiques et pédagogie, aucun enseignant n’avait les niveaux requis pour enseigner le français et l’arabe. En mathématiques, à peine 4,8% des enseignants ont obtenu une note égale ou supérieure à 80%, un seuil estimé correspondre au niveau des connaissances minimales requis pour que l’enseignant soit performant en 4e année.
Le recrutement de femmes enseignantes est tout particulièrement à promouvoir. La Mauritanie compte trop peu de femmes enseignantes selon les normes africaines et particulièrement peu dans les postes de direction à l’école. En 2018, la part des femmes enseignantes dans le secteur primaire public s’élevait à moins de 35%. La Mauritanie a donc encore un long chemin à parcourir afin d’atteindre la parité des genres parmi les enseignants.
Les écoles publiques en Mauritanie souffrent d’un manque de matériel didactique, en particulier, l’absence d’un tableau noir fonctionnel.
L’accès aux manuels scolaires et leur utilisation dans les salles de classe sont faibles. En 2018, seulement 17,5% des élèves dans les écoles publiques utilisaient un manuel dans les classes de mathématiques, français ou arabe.
De plus, les infrastructures sanitaires dans les écoles publiques sont rares et peu salubres. En particulier, il y a un manque important de latrines adéquates.
L’incomplétude de l’offre de classes qui conduit à une discontinuité scolaire pour les étudiants est liée à un manque d’effectifs étudiants ou d’enseignants. Selon l’annuaire statistique de 2017/18, 61% des écoles primaires n’ont pas un cycle primaire complet de la 1ere à la 6e année. C’est le cas principalement dans les wilayas à l’Est du pays à caractère rural qui se caractérisent par une faible densité de population, qui fait en sorte que le nombre d’enfants dans la majorité des zones scolaires n’est pas suffisant pour permettre d’offrir des classes à chaque niveau primaire.
Pistes de réflexion pour accélérer les réformes et remettre le secteur de l’éducation sur la bonne voie
Le gouvernement devrait se concentrer davantage sur l’éducation en allouant plus de ressources à ce secteur. Comme indiqué ci-dessus, les dépenses en matière d’éducation restent faibles et sont principalement absorbées par les salaires au détriment des intrants essentiels. Ces faiblesses expliquent en partie les faibles niveaux d’apprentissage en Mauritanie. Il est donc nécessaire de profiter des excédents budgétaires générés au cours des dernières années pour augmenter efficacement les dépenses d’éducation.
La présence d’enseignants en quantité et en qualité suffisantes dans les salles de classe devrait être l’une des principales priorités pour progresser de manière décisive vers la réalisation des ODD dans le domaine de l’éducation. L’enseignant est la ressource la plus importante du secteur éducation. Il absorbe la plus grande part du budget et détermine le niveau des apprentissages.
Étant donnée la faible qualité du stock des enseignants en ce moment, l’introduction de nouvelles méthodes d’enseignement comme les leçons scriptées permettrait d’améliorer la qualité de l’éducation. Les enseignants signalent régulièrement que, grâce à cette méthode, leur pratique est rendue plus efficace en transférant le temps gagné pour l’écriture de leurs leçons, à d’autres pratiques pédagogiques efficaces telles que les évaluations en classe et en mettant davantage l’accent sur les performances des élèves.
Il faut également améliorer la qualité de l’éducation dans le système public tout en régulant le système privé, comme gage de la cohésion sociale. Le secteur privé de l’éducation est concentré sur Nouakchott et croît plus vite que le secteur public. Le secteur privé se développe sans une régulation adéquate et n’offre pas un service de qualité aux parents qui y emmènent leurs enfants en raison de la détérioration de la qualité à l’école publique. Le gouvernement devrait réguler fermement le secteur privé en mettant en place des standards minimum de qualité.