Organisation affiliée : Ministère Fédéral de la Coopération Économique et du Développement (Allemagne)
Type de publication : Rapport
Date de publication : 2021
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Contexte
Le Tchad est un pays enclavé situé dans la partie nord de l’Afrique centrale, qui appartient à la région du Sahel. La majorité des habitants vivent dans le centre et dans le sud-ouest du pays à proximité du lac Tchad, tandis que le nord est moins peuplé, principalement en raison d’un climat désertique plus chaud et plus sec.
Le principal produit d’exportation du Tchad est le pétrole qui représente 92 % du total des exportations, suivi par les résines d’insectes (2,7 %) et les oléagineux (2,3 %), ces derniers étant la principale culture économique du pays
Environ 80 % de la population pratique l’agriculture à petite échelle dont elle dépend fortement pour vivre et assurer sa sécurité alimentaire. Les inquiétudes face aux effets du changement climatique sont donc vives, notamment en ce qui concerne la hausse des températures, la disponibilité réduite de l’eau et le risque d’inondations et autres épisodes météorologiques extrêmes.
La production agricole du Tchad est essentiellement vivrière et pluviale. Les principales cultures vivrières sont le mil, le sorgho, les arachides, le maïs, les haricots secs et le riz. En 2002, moins de 8 % des 335 000 ha de terres potentiellement irrigables étaient irrigués. Les petit·e·s exploitant·e·s souffrent particulièrement des impacts de la variabilité du climat qui limite leur source d’alimentation et accroît le risque de faim et de pauvreté. La faible capacité d’adaptation du secteur agricole souligne la vulnérabilité du pays au changement climatique.
Topographie et environnement
Le Tchad est un pays principalement plat dont l’altitude moyenne atteint 550 mètres. Seuls le nord et l’est du pays présentent des altitudes plus élevées, le point culminant étant le Mont Emi Koussi, un volcan qui est également, à 3 415 mètres, le plus haut sommet du Sahara. Le pays associe deux grands types de climats : le nord et le centre sont des régions désertiques, tandis que le sud présente un climat plus tropical. En moyenne, le Tchad reçoit entre 10 mm et 1 000 mm de précipitations par an entre mai et octobre et affiche une température annuelle moyenne d’environ 28 °C.
La principale source d’eau du pays est le lac Tchad, situé à la frontière occidentale, qui alimente environ 50 millions de personnes sur l’ensemble du bassin, y compris au Cameroun, au Niger et au Nigéria voisins.
Le lac Tchad était autrefois un des plus grands lacs d’Afrique, mais, en raison des impacts climatiques et d’une gestion non durable de l’eau, la surface du lac a rétréci, passant d’environ 25 000 km² dans les années 1960 à un minimum de 1 800 km² en 2010, avant de commencer à réaugmenter légèrement les années suivantes.
Le Tchad est desservi par deux grands cours d’eau : le Chari et le Logone, le Chari alimentant le lac Tchad.
Le pays peut être divisé en sept grandes zones agro-écologiques (ZAE). Chacune de ces zones est caractérisée par une température et une humidité spécifiques et donc, par des schémas de production agricole et d’activité pastorale différents. Les pratiques agricoles non durables, telles que le surpâturage ou la culture sur brûlis, ont entraîné des problèmes environnementaux majeurs tels que la déforestation, la dégradation des terres et le braconnage. Les précipitations accrues et les conditions plus sèches devraient s’intensifier dans le contexte du changement climatique, ce qui souligne la nécessité pour le pays de se doter de stratégies d’adaptation afin de protéger la biodiversité et de préserver les écosystèmes fragiles et leurs services.
Changements climatiques prévus
- Température
En réaction à la hausse des concentrations en gaz à effet de serre (GES), la température de l’air au Tchad devrait augmenter de 2,1 °C à 4,3 °C (fourchette très probable) d’ici à 2080 par rapport à l’année 1876, en fonction des différents scénarios d’émissions de GES.
- Journées très chaudes
Parallèlement à la hausse des températures annuelles moyennes, le nombre de journées très chaudes par an (journées durant lesquelles la température maximale dépasse 35 °C) devrait augmenter avec un degré de certitude élevé dans l’ensemble du pays. Dans certaines parties du pays, particulièrement dans le centre, cela équivaut à plus de 300 journées très chaudes par an d’ici à 2080.
- Précipitations
Les projections de précipitations sont moins certaines que les projections de température en raison de la variabilité naturelle élevée d’une année à l’autre.
- Fortes précipitations
En réaction au réchauffement climatique, les épisodes de fortes précipitations devraient redoubler d’intensité dans de nombreuses parties du monde sachant que, lorsque l’atmosphère est plus chaude, sa capacité de rétention de vapeur d’eau augmente. Le nombre de journées de fortes précipitations devrait également augmenter.
- Humidité du sol
L’humidité du sol est un indicateur important de sécheresse. Outre les paramètres et la gestion du sol, cet indicateur dépend à la fois des précipitations et de l’évapotranspiration et, donc, aussi de la température puisque la hausse des températures entraîne une augmentation de l’évapotranspiration potentielle. L’incertitude associée à la modélisation est toutefois importante car les modèles hydrologiques prévoient des évolutions différentes. Il est donc impossible d’identifier une tendance claire.
- Évapotranspiration potentielle
L’évapotranspiration potentielle est la quantité d’eau qui s’évaporerait si les ressources en eaux de surface et en eaux souterraines étaient suffisantes. Sachant que l’air, lorsqu’il est plus chaud, contient davantage de vapeur d’eau, le réchauffement climatique devrait entraîner une augmentation de l’évapotranspiration potentielle dans la plupart des régions du monde.
Évaluation des risques du changement climatique par secteur
- Ressources en eau
Les projections actuelles relatives à la disponibilité de l’eau au Tchad sont assorties d’un degré élevé d’incertitude, quel que soit le scénario d’émissions de GES considéré. En partant de l’hypothèse d’un niveau de population constant, la médiane des projections de l’ensemble multi-modèles suggère l’absence de changement dans la quantité d’eau disponible par habitant dans le pays d’ici à la fin du siècle en vertu des deux modèles RCP. Par contre, si l’on tient compte de la croissance démographique telle qu’elle est estimée dans les projections SSP25, la disponibilité de l’eau par habitant au Tchad devrait baisser de 75 % d’ici à 2080 par rapport à l’année 2000. Même si ce déclin est principalement dû à la croissance démographique et non au changement climatique, il souligne combien il est urgent d’investir dans des mesures et technologies d’économie d’eau pour la consommation future.
Depuis quelques dizaines d’années, le Tchad est soumis à de fortes variations saisonnières et annuelles des précipitations, ce qui constitue un problème majeur pour la production agricole. Le pays a subi des sécheresses sévères entre 1950 et le milieu des années 1980, période pendant laquelle les précipitations ont baissé. Le total des précipitations annuelles a ensuite recommencé à augmenter, mais en restant néanmoins inférieur à la moyenne du XXe siècle. D’autres sécheresses ont été enregistrées en 2005, 2008, 2010 et 2012. La sécheresse de 2012 au Sahel a affecté un total de 3,6 millions de personnes au Tchad.
La transhumance était autrefois un moyen efficace de gérer les variations de précipitations et les sécheresses, de nombreux éleveurs/éleveuses tchadien·ne·s migrant vers la République centrafricaine pendant la saison sèche. Le manque de pâturages et d’eau qui en a résulté a entraîné une rivalité accrue dans l’accès à ces ressources limitées. Le problème est exacerbé par la croissance démographique, les conflits entre agriculteurs/agricultrices et éleveurs/éleveuses et les activités terroristes qui perdurent dans la région au sens large, rendant ce mode de vie moins rentable et parfois même dangereux. Les sécheresses répétées ont des impacts en cascade : le manque d’eau fait baisser les rendements des cultures, ce qui accroît le risque d’insécurité alimentaire pour les populations et pour leur bétail et limite donc leur capacité de résistance à d’éventuelles futures sécheresses.
- Agriculture
Les petit·e·s exploitant·e·s du Tchad sont de plus en plus confrontés à l’incertitude et à la variabilité des conditions météorologiques qui résultent du changement climatique. Sachant que leurs cultures sont principalement pluviales, elles dépendent de la disponibilité de l’eau de pluie. Or, la durée et l’intensité de la saison des pluies sont de plus en plus imprévisibles et l’utilisation d’équipements d’irrigation reste limitée en raison de l’importance des investissements initiaux requis, de l’utilisation inefficace des ressources en eau et de l’absence de techniques de stockage et de distribution de l’eau. En 2002, moins de 8 % des 335 000 ha de terres potentiellement irrigables (0,7 % de la superficie agricole utile totale du pays) étaient irrigués.Dans le nord et le centre du Tchad en particulier, les sols sont pauvres en nutriments, sableux et peu profonds, ce qui a un impact négatif sur la rétention d’eau et rend les sols vulnérables à l’assèchement et à l’érosion.
Le changement climatique aura un impact négatif sur les rendements du maïs, du mil et du sorgho. Alors que le maïs est sensible aux températures supérieures à 35 °C, le mil et le sorgho tolèrent mieux la chaleur et les périodes de sécheresse
- Infrastructures
Le changement climatique devrait avoir un impact significatif sur le secteur des infrastructures du Tchad à cause de la multiplication d’événements climatiques extrêmes (inondations, vagues de chaleur, etc.). L’augmentation des quantités de précipitations peut entraîner l’inondation de routes, tandis que la hausse des températures peut provoquer des fissures et une dégradation plus rapide des routes, des ponts et des structures de protection.
Le Tchad dépend fortement du transport routier en raison de l’absence de voies ferrées, du caractère saisonnier de la navigabilité des rivières et des installations aéroportuaires limitées. La densité routière du pays s’échelonne entre 40,5 km pour 1 000 km² dans le sud et seulement 6,4 km pour 1 000 km² dans le nord, ce qui en fait une des plus faibles du continent. De nombreuses routes non bitumées deviennent impraticables pendant la saison des pluies, de nombreux villages et communautés rurales se retrouvant alors coupés du monde. Il faudra investir dans la construction de réseaux routiers résilients au changement climatique.
Les implantations informelles sont particulièrement vulnérables aux événements météorologiques extrêmes : les habitations de fortune sont souvent bâties dans des lieux géographiques instables, comme les berges des fleuves, où les inondations peuvent entraîner la destruction des habitations, la contamination de l’eau, des blessures ou des décès. Leurs habitants ont généralement une faible capacité d’adaptation à de tels événements en raison de leur niveau de pauvreté important et du manque d’infrastructures permettant de réduire le risque. En 2012, de fortes inondations dans le sud du Tchad ont affecté jusqu’à 700 000 personnes, les régions les plus affectées étant Tandjilé, Mayo-Kebbi Est, Mayo-Kebbi Ouest et Sila.
- Écosystèmes
Le changement climatique devrait avoir une influence significative sur l’écologie et sur la distribution des écosystèmes tropicaux, même si l’ampleur, le niveau et l’orientation de ces changements sont incertains. Avec la hausse des températures et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses, les zones humides et les réseaux fluviaux risquent de plus en plus de se transformer en d’autres écosystèmes, les plantes étant remplacées par d’autres et les animaux perdant leurs habitats. La hausse des températures et la recrudescence des épisodes de sécheresse pourraient également influencer le renouvellement des systèmes forestiers tout en augmentant le risque d’implantation d’espèces invasives, le tout au détriment des écosystèmes.
- Santé humaine
Le changement climatique menace le secteur de la santé et de l’assainissement en raison de la fréquence accrue des vagues de chaleur, des inondations, des sécheresses et des tempêtes. Les principaux enjeux sanitaires du Tchad sont la morbidité et la mortalité résultant des maladies à vecteur telles que le paludisme, des maladies d’origine hydrique liées à des événements météorologiques extrêmes (inondations, etc.) telles que la diarrhée et le choléra, des maladies respiratoires, de la rougeole et de la méningite.
Le changement climatique peut avoir un impact sur l’approvisionnement en aliments et en eau, renforçant le risque de malnutrition et de faim. Bon nombre de ces problèmes vont aller en s’aggravant avec le changement climatique. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus de 2,5 millions de cas de paludisme, dont 8 693 décès, ont été rapportés en 2018. Le changement climatique risque d’avoir un impact sur les périodes de transmission et sur la portée géographique des maladies à transmission vectorielle.
Au Tchad, le risque général de paludisme pourrait diminuer en raison de la hausse des températures, mais certaines régions deviendront probablement plus vulnérables, notamment en raison de la fréquence accrue des inondations. Les hausses des températures et les baisses de l’humidité résultant du changement climatique pourraient entraîner une augmentation significative du nombre de cas de méningite et avancer la date d’apparition saisonnière de la méningite. La partie sud du Tchad fait partie de la « ceinture de la méningite », qui correspond en grande partie à la région du Sahel et qui est le siège de la majorité des épidémies de méningite. L’insécurité alimentaire et la malnutrition sont également des problèmes de santé majeurs : entre juin et août 2020, 1,1 million de personnes devraient souffrir sérieusement d’insécurité alimentaire, avec plus de 460 000 cas de malnutrition aiguë sévère. La hausse des températures entraînera une fréquence accrue des vagues de chaleur au Tchad et donc une recrudescence de la mortalité associée à la chaleur.