Auteur : Fond Monétaire International
Site de publication: FMI
Type de publication: Rapport
Date de publication: Décembre 2023
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Contexte des faiblesses macro-critiques de la gouvernance et des vulnérabilités face à la corruption en Mauritanie
Les analyses et rapports disponibles établissent que la corruption est un problème grave qui a des conséquences macro-critiques tant sur l’activité économique actuelle que sur le bien-être futur. Depuis sa prise de fonctions en août 2019, le Président Ghazouani a reconnu publiquement l’importance cruciale de s’attaquer à ce problème et a placé la LCC et la bonne gouvernance au cœur des politiques et programmes de l’État.
Les nombreuses déclarations du Gouvernement concernant la LCC ont été suivies de mesures claires et concrètes. La responsabilisation est une ligne d’action prioritaire, comme le souligne la publication d’un ensemble de rapports de la Cour des comptes et le fait que l’inspecteur général d’État rend désormais compte de son action directement au Président de la République. En juin 2021, des poursuites pour corruption ont officiellement été engagées concernant l’ancien Président et onze (11) autres personnes. L’adoption en 2022 d’une nouvelle stratégie de LCC est venue compléter et renforcer l’application des lois visant à exiger des hauts fonctionnaires de rendre des comptes dans l’exercice de leurs fonctions.
Malgré ces mesures, la perception de la corruption parmi les citoyens semble relativement inchangée et les preuves d’un recul du phénomène ne sont pas suffisamment perceptibles. Cela peut notamment s’expliquer par le peu de temps écoulé depuis l’entrée en fonctions du nouveau Gouvernement et par l’intervalle existant entre l’adoption des mesures visant à renforcer la gouvernance et l’amélioration des indicateurs qui reflètent les avancées dans ce domaine. Les bouleversements provoqués par la pandémie de COVID-19 ont interféré avec les activités du Gouvernement et ont pu masquer la portée des changements mis en œuvre.
La présentation la plus détaillée des mécanismes de la corruption en Mauritanie figure dans les rapports de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) constituée en 2020.
Entre autres constatations, les rapports de la CEP, publiés en 2020 ont révélé que 89 % des contrats d’infrastructure examinés ont été passés par attribution directe souvent en transférant les investissements au moyen de procédures opaques au sein d’entreprises qui bénéficient de financements publics.
À bien des égards, les rapports de la CEP publiés en 2020 ont étayé des constats qui avaient déjà été dressés s’agissant des incitations, de la dynamique et de la structure de la gouvernance en Mauritanie. Différents rapports parus entre 2013 et 2019 r ont caractérisé la Mauritanie comme un pays où la corruption est souvent nécessaire pour obtenir un agrément, remporter un appel d’offres, régler des impôts, ainsi que lors de toute interaction avec le système judiciaire, tant au civil qu’au pénal.
Ce bref rappel des faits met en exergue le défi que devra relever le Gouvernement dans ses efforts pour consolider la gouvernance.
L’autorité publique a démontré sa capacité à détecter les infractions de corruption mais il reste important de garantir que les individus soient tenus légalement responsables de leurs actes.
Le Gouvernement a déjà pris des mesures visant à réformer la gouvernance. Des lois et réglementations ont été mises à jour pour s’aligner sur les normes internationales et les bonnes pratiques dans différents domaines tels que la banque centrale, la surveillance du secteur financier, la lutte contre le blanchiment de capitaux et la passation des marchés publics.
Des travaux approfondis ont en outre été consacrés à l’élaboration d’une nouvelle stratégie globale de LCC. Le récent rapport relatif à la stratégie nationale de LCC est le fruit d’un processus inclusif destiné à définir la stratégie de LCC de la Mauritanie pour la période 2023-30.
Lutte contre la corruption
Ces dernières années, les autorités mauritaniennes ont affirmé de plus en plus clairement leur détermination à lutter contre la corruption, tout en menant activement des poursuites judiciaires au titre de différentes affaires à fort retentissement, conformément à la loi relative à la LCC adoptée en 2016.
Toutefois, l’efficacité des efforts de LCC engagés par la Mauritanie a été limitée par les faiblesses structurelles de l’approche nationale. Des lacunes de la loi relative à la LCC identifiées voici plus de cinq ans n’ont pas été comblées, et certains mécanismes clés permettant d’établir des normes d’intégrité et de prévenir la corruption, à l’image des déclarations de conflit d’intérêts et les déclarations de patrimoine, sont absents ou insuffisants. La plupart des institutions de responsabilisation manquent de ressources et ne disposent pas des compétences organisationnelles et techniques nécessaires pour accomplir leur mission.
Pour une LCC efficace, l’approche adoptée par la Mauritanie doit prendre en compte le caractère systémique du problème, établir des priorités claires et des objectifs concrets, et définir clairement les attributions et responsabilités concernant les progrès accomplis dans la promotion de l’intégrité et de la responsabilisation. De récentes initiatives de la part des pouvoirs publics, telles que la définition d’une nouvelle stratégie nationale de LCC, illustrent une prise de conscience accrue du coût de la corruption et de la nécessité d’adopter une approche élargie et plus stratégique pour lutter contre elle.
Cadre Stratégique de Lutte Contre la Corruption
Pour bien fonctionner, les dispositifs de Lutte contre la corruption doivent poursuivre des objectifs prioritaires définis de manière explicite au terme d’une analyse des risques et des pratiques et des réseaux qui favorisent les pratiques de corruption.
La première démarche visant à formuler une approche a été conduite en 2010, avec l’élaboration de la stratégie nationale de LCC. En 2016, une deuxième stratégie nationale de LCC a été élaborée sous la direction du ministère chargé de l’Économie, dans le cadre plus large de la Stratégie nationale de croissance accélérée et de prospérité partagée 2016-30. La nouvelle stratégie de LCC pour la période 2023-30 traduit l’engagement de la Mauritanie à combattre la corruption suivant une approche disciplinée, séquencée et
hiérarchisée.
Parvenir à mettre en œuvre rapidement les réformes et à susciter des changements visibles à court terme représente un défi de taille pour la Mauritanie, qui ne dispose que d’une expérience brève et relativement peu productive s’agissant des stratégies de LCC. Afin de créer une dynamique favorable au processus de réforme, il peut être utile d’adopter des mesures temporaires qui assurent une mobilisation rapide et concertée en faveur de l’adoption de réformes décisives dans le domaine de la gouvernance et de la LCC.
Recommandations
- Confier à une entité, au sein de la présidence de la République, la supervision de la mise en œuvre du plan d’action relatif à la gouvernance et à la LCC, à titre provisoire pendant la définition des dispositions de long terme.
- Créer un bureau ou mécanisme anti-corruption indépendant, répondant aux principes de bonne pratique, chargé de diriger la mise en œuvre et la coordination des activités de prévention, de détection, d’enquête et de sanction.
- Modifier la loi relative à la LCC de manière à combler les lacunes recensées lors du processus d’examen de l’application de la CNUCC.
- Amender les règles actuelles pour instituer et mettre en œuvre un mécanisme complet de déclaration de patrimoine et un cadre juridique conforme aux meilleures pratiques internationales (Principes de haut niveau du G20 sur la déclaration de patrimoine des agents publics). Plus précisément, faire en sorte que :
- L’ensemble des hauts fonctionnaires et des personnes occupant des postes d’influence soient soumis aux obligations déclaratives.
- Les actifs, revenus, droits fiduciaires, créances et dettes, existant dans le pays et à l’étranger, détenus directement ou à titre de bénéficiaire effectif par les agents publics concernés, les membres de leur famille et les personnes qui leur sont associées, fassent l’objet d’une déclaration.
- La déclaration doit également détailler les antécédents professionnels des déclarants, leurs activités, leur appartenance à des conseils d’administration, le pouvoir de représentation accordé par ou à des tiers, les créanciers, les donateurs, les clients, les relations et les intérêts pertinents pour la détection des conflits d’intérêts dans l’exercice de la fonction publique.
- Un mécanisme de contrôle efficace soit en place et une institution responsable (par exemple, une Commission de LCC) ait été désignée.
- Des sanctions proportionnées et dissuasives soient applicables en cas de manquement ou de fausse déclaration.
- Les déclarations de patrimoine des hauts fonctionnaires soient publiées.
- Adopter et appliquer une législation établissant un mécanisme de gestion des conflits d’intérêts conforme aux pratiques internationales et aux principes internationaux/fondamentaux existants.
Transparence
Les états financiers de la BCM sont établis selon un plan comptable national qui diffère significativement des normes internationales d’information financière (IFRS). Le cadre comptable de la BCM est défini par le plan comptable mauritanien, inchangé depuis 1986. Malgré les améliorations apportées aux informations à fournir, qui visent à procurer aux utilisateurs des informations supplémentaires sur les activités et la situation financière de la BCM, les divergences entre le plan comptable mauritanien et les normes IFRS sont importantes. Elles concernent notamment l’absence de comptabilisation à la juste valeur des créances sur l’État, ainsi que les informations à fournir sur le traitement des gains et pertes de réévaluation des actifs et des passifs des réserves de change.
La mise en application des normes IFRS a toutefois été reportée à plusieurs reprises. Le CG a publié en 2004 une résolution relative au basculement vers les normes IFRS, et les autorités se sont engagées à plusieurs reprises à adopter ce référentiel. Les autorités prévoient d’adopter le cadre IFRS à compter de l’exercice 2024, à l’issue d’une refonte des systèmes informatiques. Pour faciliter la transition et conformément aux recommandations du FMI, la BCM a embauché un expert externe en mars 2023 et a lancé un projet de transition aux IFRS supervisé par un comité de pilotage présidé par le Gouverneur et un comité technique composé de représentants de tous les départements concernés.
Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT)
Le cadre LBC/FT est un instrument important dans la LCC. Un régime de LBC/FT efficace peut contribuer aux activités de prévention, détection et poursuite des pratiques de corruption, dans la mesure où les criminels et les individus corrompus tentent souvent d’en blanchir le produit. Les problèmes résultant des carences de la gouvernance, tels que la corruption, les pots-de-vin et le détournement de fonds publics, ont été reconnus comme constituant des menaces et des vulnérabilités importantes. Cependant, le rapport d’évaluation mutuelle (REM) a souligné que si la corruption était bien identifiée comme une menace majeure pouvant générer des produits importants destinés au blanchiment de capitaux, les activités d’enquête et de poursuite en la matière étaient insuffisantes.
La Mauritanie fait partie du Groupe d’action financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (GAFIMOAN), un organe régional de type GAFI qui promeut l’adoption et la mise en œuvre des normes internationales de LBC/FT dans la région MOAN. En 2019, le GAFIMOAN a évalué si la Mauritanie respectait les normes internationales et si ses mécanismes de LBC/FT étaient efficaces. Selon le REM correspondant, adopté en 2018, la Mauritanie présentait un niveau de conformité technique faible et n’avait pu démontrer l’efficacité des mesures mises en œuvre pour aucun des résultats attendus. Depuis lors, la Mauritanie a adopté différentes mesures pour améliorer sa conformité technique aux normes internationales.