Auteur : Gondeu Ladiba
Organisation affiliée : United States Institute of Peace
Type de publication : Analyse
Date de publication : 6 juillet 2023
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L’état de la transition politique au Tchad n’est pas rassurant. L’actuel président Mahamat Idriss Déby a pris des mesures pour consolider le pouvoir avant les élections prévues pour octobre 2024, laissant l’opposition et les groupes de la société civile préoccupés par le fait que Déby pourrait ne pas remettre le pouvoir à un gouvernement civil.
Au niveau régional, le Tchad se trouve également dans une situation précaire. À la suite du déclenchement de la guerre civile au Soudan voisin en avril dernier, les réfugiés ont commencé à traverser la frontière pour échapper aux combats. Au nord, l’instabilité politique en Libye s’est propagée au-delà de la frontière désertique. Au Sahel, l’extrémisme violent continue de menacer la sécurité régionale.
Quels sont les principaux défis et obstacles auxquels est confrontée la transition au Tchad ?
Depuis la prise de pouvoir du Conseil Militaire de transition (CMT) en avril 2021, la principale préoccupation de ses partisans semble être la conservation du pouvoir plutôt qu’une véritable réconciliation entre les Tchadiens.
La répartition du pouvoir reste personnelle, basée en partie sur les liens claniques familiaux, et a conduit à une multiplication des champs de contestation et de conflits. Les institutions tchadiennes de transition semblent prises en étau entre le parti politique actuellement au pouvoir et le réseau de soutien tribal qui entoure le président de transition Mahamat Idriss Déby.
Une grande partie des citoyens ne se reconnaît pas dans le processus qui a conduit au Dialogue National inclusif et souverain (DNIS), sans parler de ce qui s’est passé par la suite. Pour beaucoup, ce dialogue n’a été qu’une vaste pagaille dans laquelle les partisans du parti au pouvoir ont manœuvré pour resserrer leur emprise et réprimer la liberté d’expression des participants.
Le Tchad doit construire une alliance politique interne stable; car la trajectoire politique du pays ressemble à un jeu de “cache-cache” dans lequel les différents acteurs qui y sont engagés s’excluent plutôt de collaborer.
Les voix de l’opposition se sont tues au fur et à mesure que le processus de transition avançait, notamment en raison du rétrécissement de l’espace de dialogue public et des mesures de répression. Le manque de transparence du processus a conduit certains chercheurs et institutions à se demander si le pays est réellement en transition.
Pourtant, certains acteurs politiques affirment que cette transition est la dernière chance pour les Tchadiens de choisir leur destin. Soit elle réussit à travers une élection libre et transparente où les Tchadiens peuvent exprimer leurs choix pour la forme de l’État et des institutions républicaines. Soit elle échoue, et tous les acteurs disparates s’en iront chacun de leur côté, éventuellement en prenant les armes les uns contre les autres.
L’importance d’une transition pacifique pour la sécurité et la stabilité de la région
L’environnement régional est très préoccupant, avec une insécurité et une instabilité politique importantes au Soudan, en République Centrafricaine et dans le bassin du lac Tchad, où Boko Haram est actif depuis plus d’une décennie. Les frontières poreuses du Tchad avec la Libye, au nord, ont donné lieu à des activités illicites d’extraction d’or, de contrebande et de trafic d’êtres humains.
En ce qui concerne la stabilité régionale, le Tchad est considéré comme une zone tampon, un bastion sécuritaire vital contre les menaces djihadistes dans la région du Sahel.
Existe-t-il des fenêtres d’opportunité ou des ouvertures/signaux encourageants pour la transition ?
Avec le recul, on peut affirmer que les intérêts américains au Tchad reposent sur deux piliers : la diplomatie culturelle qui promeut la langue anglaise, la culture américaine et les échanges académiques et universitaires d’une part, et les partenariats militaires, motivés par la lutte contre le terrorisme, qui impliquent la fourniture régulière d’équipements et de formations aux forces de défense et de sécurité tchadiennes d’autre part.
Cependant, l’engagement des Etats-Unis dans la politique intérieure tchadienne peut souvent être considéré comme timide. Un soutien plus direct et plus affirmé des Etats-Unis à la démocratie, à la liberté d’expression et de réunion, et à la bonne gouvernance – y compris des sanctions significatives contre ceux qui sapent la démocratie et l’Etat de droit au Tchad – serait souhaitable. Compte tenu de l’opacité du processus de transition et de la répression systématique des voix dissidentes au Tchad, il est essentiel que les partenaires prennent clairement position aux côtés du peuple tchadien.
Les choses avancent au rythme du gouvernement et c’est le moment pour les partenaires du Tchad d’appeler le gouvernement à respecter ses engagements et à initier un processus transparent et inclusif de reconstruction de la nation tchadienne. En particulier, il est crucial que les partenaires du Tchad continuent à exercer une pression sur le président de transition, l’exhortant à avoir le courage d’élargir l’espace civique et la confiance dans le peuple tchadien afin d’ouvrir la voie à une paix véritable.