Organisation affiliée : Organisation mondiale de la Santé (OMS)
Type de publication : Bulletin d’information annuel
Date de publication : Novembre 2022
Pandémie de Covid-19 : la résilience du Tchad, leçons apprises, défis et perspectives
Le Tchad est un pays au système de santé faible et dans le cadre de l’élaboration de son plan de contingence pour la riposte au COVID-19, le Ministère de la Santé Publique et de la Prévention a d’abord conduit une évaluation de ses capacités de riposte à l’épidémie de Covid-19. Plusieurs faiblesses du système de santé étaient documentées : La faiblesse du mécanisme de coordination des actions sanitaires et de planification ; l’insuffisance des mesures de prévention et de contrôle de l’infection dans les hôpitaux et dans les communautés et lieux de rassemblements publics ; etc. Au regard de cette situation épidémiologique et sur les recommandations de l’OMS, le Gouvernement a mis en place, une structure de coordination en s’appuyant sur les huit piliers de la réponse : la coordination stratégique et de gestion de la réponse ; la communication et la mobilisation sociale ; la surveillance, détection des cas et gestion des contacts ; le contrôle des points d’entrée ; la gestion des cas ; le laboratoire ; la prévention et le contrôle des infections (PCI), de renforcement de l’hygiène publique ; et les opérations et soutien logistique.
La résilience du système de santé tchadien a été observée à travers les 8 piliers de la riposte y compris en termes de prévention, la vaccination contre cette pandémie, l’acquisition d’infrastructures nouvelles et de matériels de prise en charge des cas le renforcement des ressources humaines en santé, le laboratoire.
Afin de contenir la pandémie, le Gouvernement avait adopté un certain nombre de mesures restrictives pour freiner la propagation de la maladie. Ainsi, en vue de renforcer davantage la résilience face à cette pandémie, le Tchad a souscrit au mécanisme COVAX afin de bénéficier des facilités offertes par ce mécanisme pour l’accès aux vaccins contre la COVID-19 et aussi par le biais des dons bilatéraux.
Malgré la disponibilité et la gratuité de vaccins depuis le 04 juin 2021, le taux de couverture vaccinale est resté très faible (1%) en fin 2021 (vaccination en mode routine avec des sites limités). Les doses totales administrées depuis le 04 juin 2021 sont de 3 873 794. L’organisation des campagnes de vaccination a permis d’obtenir un gain d’au moins 16% de taux de couverture des groupes cibles prioritaires complètement vacciné.
Parmi les piliers de la réponse à l’épidémie, le pilier « laboratoire » apparaissait le moins préparé. Toutefois, le système des laboratoires a fait preuve d’une résilience en s’adaptant à la situation et en augmentant progressivement les capacités de test tenant compte des ressources disponibles.
En dépit des progrès réalisés par le Tchad en matière d’acquisition d’équipements, matériels, et autres produits médicaux, des défis persistent. Il s’agit : de la fragilité de la chaîne d’approvisionnement dans le pays, de l’inaccessibilité de certaines provinces pendant la saison des pluies, de la faiblesse du mécanisme de coordination des activités logistiques et de planification.
Compte tenu des résultats obtenus dans la lutte contre la Covid-19, depuis l’apparition en mars 2020 du premier cas indexe, le Tchad a fait preuve d’une résilience sans précédent. Cette résilience concerne tous les piliers de la riposte.
Expérience du Tchad dans la riposte contre une épidémie de fièvre jaune en 2022
L’année 2021 a été marquée par la survenue d’une épidémie de fièvre jaune au Tchad coïncidant avec des épidémies de cette maladie dans les pays frontaliers. Le taux d’attaque moyen en 2021 était de 7 cas pour 100 000 habitants. Depuis le début de la dernière flambée, le pays a enregistré 30 cas confirmés et 16 cas probables. La létalité parmi ces cas positifs est élevée (14,3%) soit 6 décès sur 46 cas positifs. C’est dans ce contexte qu’un Plan National de riposte a été élaboré en décembre 2021, avec l’appui de l’OMS bureau pays, dans le but de vacciner au moins 90% de la population âgée de 9 mois à 60 ans dans les districts touchés.
Après la validation du plan de riposte par le ministère de la santé et de la solidarité nationale, un groupe technique restreint sous le leadership du Ministère a été mis en place pour préparer le dossier de soumission à ICG pour le financement des activités et la dotation en vaccins. L’objectif visé était de vacciner au moins 90% de la population de 9 mois à 60 ans dans chaque district retenu et prendre en charge tous les cas de Manifestations Post Immunisation (MAPI) selon manuel national de pharmacovigilance. Un plan de communication a été élaboré ainsi que des outils des mobilisateurs et de plaidoyer. Plusieurs activités ont été conduites au niveau des districts dont des réunions de sensibilisation et des plaidoyers avec les autorités administratives et religieuses. La pharmacovigilance était un dispositif nécessaire à mettre en place en vue de gérer les fausses rumeurs et de préjugés et de prendre en charge les cas réels de MAPI.
Les couvertures vaccinales administratives obtenues ont été globalement bonnes. Toutefois il est à signaler qu’en dépit de ces bons résultats la survenue de la saison des pluies a été un facteur limitant dans l’atteinte de toutes les cibles.
La campagne réactive en 2 passages a permis de ralentir l’épidémie. Tous les districts en dehors de Korbol, Koumogho et Lai avaient atteint l’objectif en matière de couverture vaccinale. Le monitorage indépendant a permis de rattraper les zones mal couvertes pendant la campagne. La surveillance des MAPI a permis aux équipes de terrain d’être proactives dans la prise en charge des cas.
Résistance de Anopheles gambiae sl aux insecticides au Tchad : un problème de santé publique
Le paludisme reste la maladie infectieuse tropicale la plus meurtrière, causant, selon les estimations, 627 000 décès dans le monde en 2020. Au Tchad, il constitue le premier motif de consultation dans les formations sanitaires avec 1 174 743 cas dont 2 955 décès soit 0,25% ; ce qui fait de cette maladie la première cause de décès.
Pourtant, entre 2000 et 2013, les taux mondiaux de morbidité et de mortalité liés au paludisme ont été réduits presque de moitié surtout dans la Région africaine de l’OMS où la charge de morbidité reste la plus élevée. Cette réduction spectaculaire du taux de paludisme a été obtenue en partie grâce à l’utilisation généralisée des Moustiquaires Imprégnées d’Insecticide à longue Durée d’Action (MILDA) et aux Pulvérisations Intradomiciliaires (PID).
Cependant, l’utilisation généralisée d’insecticides à des fins agricole, domestique et de santé publique a conduit au développement rapide de la résistance des vecteurs de paludisme aux insecticides. Le développement et la propagation de la résistance aux insecticides, en particulier aux pyréthrinoïdes constitue une menace sérieuse pour l’efficacité des MILDA et pourrait conduire à l’échec des programmes de contrôle du paludisme dans les zones endémiques.
Au Tchad, la résistance d’Anopheles gambiae sl a été mise en évidence depuis 2008. Ainsi, avec l’appui financier du Fonds mondial de lutte contre le VIH/Sida, la Tuberculose et le paludisme, le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) a créé des sites sentinelles dans lesquels est régulièrement surveillée, la propagation de cette résistance.
Il existe une résistance généralisée avec une intensité élevée pour les pyréthrinoïdes dans tous les sites d’étude. Cependant, sur la base des tests biologiques avec le Pipéronyl-butoxyde (PBO), l’efficacité des pyréthrinoïdes a été partiellement restaurée, ce qui indique que les moustiquaires avec PBO sont une option pour gérer la résistance intense et généralisée aux pyréthrinoïdes dans les Provinces ou les moustiques ont été testés.
Les efforts du Tchad vers l’élimination de la Trypanosomiase Humaine Africaine (THA) en tant que problème de santé publique
La Trypanosomiase Humaine Africaine (THA), encore appelée maladie du sommeil est une maladie essentiellement retrouvée en Afrique, car la mouche Tsé Tsé vecteur de cette maladie est retrouvée seulement en Afrique subsaharienne. Il s’agit d’une maladie parasitaire avec deux formes, selon la sous-espèce du parasite responsable de la maladie. La maladie est endémique dans 36 pays d’Afrique Subsaharienne avec des millions de personnes à risque. Pour la période 2016-2020, le nombre de personnes exposées au risque de contracter la maladie est estimé à 55 millions. Ce sont 992 et 663 nouveaux cas qui ont été enregistrés respectivement en 2019 et 2020, soit le nombre le plus faible jamais enregistré depuis la mise en place de la collecte systématique des données à l’échelle mondiale.
Le Tchad fait partie actuellement des pays en tête de peloton pour la certification de l’élimination de la THA en tant que problème de santé publique. Au Tchad, cinq foyers épidémiques historiques sont décrits.
Les principaux domaines d’intervention pour la lutte contre la THA au Tchad sont :
– La recherche active et passive des cas : Le dépistage actif est effectué par les équipes mobiles qui se déplacent en voiture ou à moto dans les villages identifiés et réalisent un examen sérologique de masse sur toute la population qui volontairement se présente aux examens.
– La lutte antivectorielle : menée par l’Institut de Recherche en élevage pour le Développement (IRED). Elle vise la réduction du contact homme-vecteur par la diminution de la densité des glossines. Dans le foyer de Maro, la densité apparente (DAP) des mouches Tsé-tsés est passée de 0,7 en 2019 à 0,06 en 2020.
– La prise en charge et le suivi de des cas : Des prestataires sont formés dans les 4 provinces où la maladie est endémique. Il assure la prise en charge et le suivi de cas dépistés en actif ou passif.
La surveillance transfrontalière avec la République Centrafricaine où la situation sécuritaire handicape la mise en œuvre des interventions de lutte contre la THA constitue un très grand défi. La surveillance transfrontalière doit être renforcée avec ce pays.
Au regard des données actuelles, le Tchad aurait éliminé la THA comme problème de santé publique depuis fin 2021. C’est ainsi qu’avec l’appui de l’OMS, le pays est en train de préparer son dossier pour la certification de l’élimination de la THA en tant que problème de santé publique. Ce dossier pourrait être finalisé et présenté pour une certification avant la fin de l’année 2023. Toutefois, les activités de dépistage, de lutte anti vectorielles, de prise en charge et suivi de cas seront maintenues et poursuivies.
Une planification sanitaire robuste pour l’atteinte de l’objectif de la Couverture Sanitaire Universelle au Tchad : cas du quatrième Plan National de Développement Sanitaire 2022-2030 (PNDS4)
La vision du Tchad d’ici 2030 est que la population ait un meilleur accès aux services de santé essentiels de qualité et d’équité et de façon pérenne notamment pour toutes les couches vulnérables, afin de contribuer à l’amélioration de leur santé et la qualité de leur vie. L’atteinte de cette vision est assurée à travers la mise en œuvre du Plan National de Développement (PND) et de la Politique Nationale de Santé (PNS) dont découlent les Plans sectoriels tel que les Plans Nationaux de Développement Sanitaires (PNDS).
Le taux d’utilisation des services de soins est faible selon le rapport annuel 2019 de la DSSIS (23,5%). Quant au taux brut de mortalité, il était de 15 % en 2021, la mortalité maternelle est de 860 décès pour 100 000 NV, le taux de mortalité infanto-juvénile est de 122 %, le taux de mortalité néonatale de 33 % et la prévalence de la malnutrition chronique 30, 4%.
Les processus d’élaboration du PNDS4 ont été longs pour permettre d’obtenir un document pertinent qui prend en compte la quasi-totalité des préoccupations des parties prenantes. Les étapes du processus d’élaboration du PNDS4 étaient : la mise en place d’un comité de coordination multisectorielle et son sous-comité technique ; La mobilisation des consultants (un national et deux internationaux) ; l’évaluation du PNDS 3 et des PPDS ; l’analyse de la situation et identification des problèmes prioritaires pour le PNDS 4 ; la définition des objectifs, orientations stratégiques, résultats du PNDS 4 ; l’identification des actions clés et leur programmation ; l’élaboration d’un plan de suivi et évaluation et; la budgétisation du Plan en utilisant l’outil One-Health .
En ce qui concerne les principaux points forts et spécificités du PNDS 4 : une bonne représentation des niveaux central et déconcentré lors de l’ évaluation du PNDS 3 et ses PPDS dont les résultats ont alimenté le PNDS 4 ; un engagement d’autres secteurs : des ministères sectoriels (Economie et Planification du Développement, Fonction Publique, Finances …), la Commune, les Organisations de la Société Civile, le Secteur Privé, les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) ; etc.
Recommandations :
- Imposer le PNDS 4 comme seul document de référence pour tous les acteurs sur lequel ils doivent aligner toutes leurs interventions;
- Mettre un accent sur le développement des districts sanitaires car environ 80% des résultats sanitaires sont produits à ce niveau à travers les Soins de Santé Primaires ;
- Assurer la stabilité des cadres à tous les niveaux de la pyramide sanitaire pour une continuité de la mise en œuvre des activités du PNDS 4 et la pérennisation des acquis.
Dialogue national sur la problématique de la mortalité maternelle, néonatale et infantile au Tchad
La situation actuelle de la mortalité maternelle au Tchad est alarmante (avec un taux de 860 décès pour 100.000 naissances vivantes en 2015 selon EDST-MICS-2015), le pays est parmi les 3 derniers en Afrique qui enregistrent les taux les plus élevés.
Les causes profondes sont attribuées au faible statut de la femme dans la société, la pauvreté, en particulier le manque d’autonomisation économique et socio-culturelle. A cela, s’ajoute le facteur lié à l’accessibilité géographique des formations sanitaires, l’insuffisance des infrastructures routières pour le déplacement des populations vers les établissements de santé. Les causes directes de ces décès maternels sont aussi connues ; il s’agit de l’hémorragie laquelle il y en plusieurs sortes et causes, de la prééclampsie et l’éclampsie, des avortements et des infections du post-partum.
Pour que le pays atteigne ses engagements en matière de réduction de la mortalité maternelle et néonatale et infantile ; il doit diminuer son taux des décès maternels de 15% par an ; des décès néonatals de 7 ,9% par an et infantiles de 5,8% par an. Actuellement, le taux de réduction des décès maternels est seulement de 2,2% ; et celui de la mortalité néonatale et infantile, respectivement à 2,3% et 1,7%.
Le dialogue national sur la problématique de la mortalité maternelle, néonatale et infantile, s’est déroulé du 28 mars au 1er avril 2022 à l’hôtel Radisson sous les hospices des hautes autorités du pays. Placé sous le haut patronage du Président du Conseil Militaire de Transition, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement du Tchad pour marquer la grandeur et surtout l’importance de cette assise. Au total, ce sont plus de 350 personnes qui ont pris part à ce dialogue (chefs traditionnels et religieux, les parlementaires, les gouverneurs des régions, la société civile et les PTFs). Des interventions sur les expériences et innovations en matière de la santé maternelle et infantile de certains pays de la région africaine ayant fait leurs preuves sur la réduction des décès maternels et infantiles ont été présentées.
Tous les sujets liés à la problématique dans le contexte Tchadien ont été évoqués et abordés. Des sujets qui jadis considérés comme tabous, tel que le mariage précoce, certaines pratiques néfastes pour les enfants telles que les scarifications des enfants malades par les marabouts pour les sauver des mauvais sorts, sources d’infections et complications mortelles chez les enfants ; le refus des femmes à fréquenter les formations sanitaires car pour la plupart d’entre elles, ont perdu leurs enfants pendant ou à la suite d’un accouchement pratiqué par des sages femmes ou matrones traitées à tort de « sorcières », etc..
Il est établi que la plupart des décès des femmes et des enfants au Tchad, surviennent dans la communauté. Les déterminants de la mortalité maternelle et infantile sont les facteurs sociaux culturels, l’analphabétisme, la pauvreté et le manque d’autonomisation des femmes Tchadiennes à décider et se prendre en charge pour les soins médicaux. Les prochaines étapes définies par les participants et le ministère de la santé sont les suivantes : 1. Rendre officiel le texte de la déclaration de Ndjamena sur les engagements en le soumettant à l’Assemblée nationale pour qu’il puisse être voté et mis en application ;2. Elaborer une feuille de route de recommandations ;3. Organiser une table ronde pour la mobilisation de ressources pour la mise en œuvre des recommandations.