Auteur : Arthur Banga
Site de publication : Iris
Type de publication : Article
Date de publication : 2023
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Les facteurs favorisant l’établissement des Groupes armés terroristes
En outre, cette situation entraîne des migrations problématiques. En effet, l’exacerbation de la violence au Burkina Faso provoque le déplacement de réfugiés. Selon, le maire de Bawku, Amadu Hamza, plus de 6 000 Burkinabè sont arrivés dans sa circonscription à la suite des attaques djihadistes et du coup d’État. Déplacements massifs qui inquiètent autorités et populations. Elles craignent des infiltrations de terroristes, des débordements et des problèmes sociaux. La zone est aussi concernée par les migrations pastorales. Les migrations pastorales sont souvent perçues comme un catalyseur majeur pour les conflits communautaires et un vecteur potentiel pour le terrorisme et ses avatars (trafic, instabilité, crime). Elles sont amplifiées par la porosité des frontières.
En plus de la mitoyenneté avec des zones infestées, le nord du Ghana a des caractéristiques qui en font un terreau fertile pour le terrorisme. Le premier, ce sont les interminables conflits communautaires autour des chefferies, du foncier et des disparités dans l’accès à l’espace politique et à la prise de décision. On évoque généralement le sempiternel conflit entre les ethnies Kusasi et Mamprusi dans la région de l’Upper East. On peut aussi arguer ceux entre Doba et Kandiga, Bongo et Nabdam. Ce sont plus de 352 conflits de chefferie non résolus qu’on décompte dans les zones frontalières du nord du Ghana. Au mois de février, les affrontements entre Kusasi et Mamprusi font plus de 10 morts. Le ministre de la Défense en parle devant les parlementaires ghanéens : « Ce qui se passe aujourd’hui n’a rien à voir avec des disputes entre chefs de tribu, il s’agit de criminalité a affirmé le ministre. (…) Si nous n’arrêtons pas maintenant ce qui est en train de se passer à Bawku, nous risquons une situation où le Ghana pourrait être touché par des attaques terroristes ».
En outre, ces tensions favorisent dorénavant une circulation accrue d’armes légères destinées à la défense des intérêts économiques de ces communautés (bétails, terres agricoles, zones de pâturage, points d’accès à l’eau).
Au-delà des tensions, le nord du Ghana connaît de réels problèmes de développement. Mutaru Mumuni Muqtar en fait un point éloquent : « Dans le nord-est, notamment les zones de Bawku, Saboba, Chereponi, Gushiegu et Karaga, il existe d’importants déficits de gouvernance. Routes mauvaises et impraticables, manque d’eau potable, soins de santé inadéquats et établissements d’enseignement et chômage élevé des jeunes rendent particulièrement les jeunes très vulnérables ». À cela s’ajoutent les trafics de drogue, les vols de bétails et l’orpaillage illégal. Cette activité est fortement développée dans la région de Bawku et aux frontières avec la Côte d’Ivoire.
Les stratégies des groupes armés terroristes pour s’installer au GHANA
Le Ghana est aussi un bassin de recrutement. Ainsi, Préméditation évoque une stratégie active des GAT qui a facilité le recrutement de 200 à 300 jeunes utilisés dans le Sahel. Le Parlement ghanéen parle lui de 100 Ghanéens recrutés pour agir en Libye quand le rapport du West Africa Center for Counter-Extremism (WACE) révèle des combattants ghanéens en Syrie.
Les difficultés économiques sont exploitées par les GAT pour procéder à ces recrutements. Les renseignements fournis par les premières recrues permettent d’amplifier le phénomène. Ces recrutements de jihadistes ghanéens qui alourdissent la menace sur le Ghana sont l’œuvre du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), de la Katiba de la Macina et leurs alliés affiliés à Al-Qaïda d’une part, et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), d’autre part.
Les affiliés à Al-Qaïda utilisent particulièrement l’argument ethnique et, précisément, peul pour attirer et s’infiltrer au Ghana. Dans ce profilage ethnique, ils surfent sur les tensions communautaires et le sentiment de marginalisation.
La réponse du Ghana à la menace terroriste prend trois formes principales : le renforcement de la présence et des capacités de ses forces, une forme sociale et la coopération internationale. Face à la pression de plus en plus poussée des GAT, le gouvernement ghanéen a décidé de renforcer sa présence dans le nord du pays. Une réorganisation administrative, un redécoupage militaire des provinces du nord et un renfort de plus de 900 soldats supplémentaires à lutter contre la pauvreté et le chômage des jeunes, renforcer les infrastructures et soutenir le secteur pastoral.
Le dernier pilier de la réponse ghanéenne est la coopération régionale. Le phénomène étant transnational, c’est un aspect important de la réponse. Le leadership ghanéen sur le sujet se traduit par l’initiative d’Accra. Sous l’impulsion du Ghana, depuis 2017, sept pays d’Afrique de l’Ouest décident, à travers cette initiative, de renforcer leur coopération sur le sujet.
En somme, l’activité intense des groupes terroristes dans les pays voisins du Ghana et, principalement au Burkina Faso, accentuent la pression sur le Ghana. Pression d’autant plus grande que les régions frontalières sont fragiles du fait des tensions communautaires et des retards de développement. Conscients de ces vulnérabilités, les terroristes y voient un bassin de recrutement et un territoire de repli.