Auteurs : Pascal Ouedraogo, Erica Simons, Emmanuel Grellety.
Organisations affiliées : Médecins sans Frontières (MSF)
Type de publication : Rapport d’enquête.
Date de publication : Novembre 2023.
Lien vers le document original
Introduction
Contexte
Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR septembre 2023), les violences des combats entre militaires et paramilitaires ont entrainé, par vagues successives, plus de de 420 000 personnes à fuir au Tchad, dont près de 327 000 dans la province du Ouaddaï.
Les réfugiés soudanais et les retournés tchadiens (le nombre de retournés est estimé à plus de 62 000 personnes) vivent dans des conditions très précaires avec un accès limité aux soins de santé primaire, à l’eau et à l’alimentation. Les ménages enregistrés sont composés à 85% de femmes et d’enfants en bas âge. Une épidémie de rougeole sévit depuis le début du mois de mars et la situation nutritionnelle des enfants de moins de 5 ans est inquiétante.
Résultats de l’enquête
Dans le camp d’Adré, où une partie de la population a été relocalisée à Ourang, un total de 40 667 enfants a été vaccinés en juillet et 139 cas suspects de rougeole ont été identifiés et pris en charge à l’hôpital de district.
Les adultes ont principalement été admis pour des blessures intentionnelles, telles que des plaies ouvertes et des fractures, tandis que les enfants ont été essentiellement admis pour des blessures non traumatiques, notamment des infections des voies respiratoires inférieures, le paludisme et des diarrhées non sanglantes.
Parmi les ménages du camp de Toumtouma, le taux brut de mortalité (TBM) était significativement plus élevé en phase 2 qu’en phase 1. Trois décès sur 62 ont été signalés chez des enfants de moins de 5 ans. La violence était la principale cause de décès signalée, suivie de la diarrhée et de l’infection respiratoire. Les décès liés à la violence étaient principalement par armes à feu et ils ont été particulièrement nombreux en mars et avril (semaine 12 et 16).
Près de 4% des hommes âgés de 30 à 44 ans sont décédés de causes violentes et 5,2% des hommes âgés de 15 à 44 ans ont été déclarés disparus pendant la période de rappel. Parmi les moins de cinq ans, la principale cause de décès était la diarrhée, suivie du paludisme/fièvre. Parmi la totalité des décès, 29 (52%) ont eu lieu dans leur ville ou village d’origine (tous dans un centre de santé), 15 (27%) pendant leur déplacement, 3 (5%) après leur arrivée au Tchad et 9 (16%) dans un lieu inconnu. La majorité des décès était originaire de Mistre (54%) et Kongu (29%) au Darfour.
Discussion
-> Prévalence de la malnutrition aiguë : La tranche d’âge la plus touchée était les 6-23 mois, tout particulièrement à Ourang et Arkoum où la prévalence de la malnutrition aiguë atteignait respectivement 28,4% et 30,2%.
-> Vaccination contre la rougeole : La disponibilité des cartes de vaccination restait faible. Plus de la moitié des enfants n’avaient pas de carte de vaccination à Ourang alors que cela représentait plus des trois-quarts sur Toumtouma et Arkoum. Malgré les récentes campagnes de vaccination menées par MSF et le MSPP, et bien que dépendant fortement de la confirmation verbale, la couverture vaccinale était insuffisante (58,6% à Toumtouma, 75,9% à Ourang et 63,7% à Arkoum) par rapport au taux minimum de 95 % nécessaire, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, pour prévenir toutes flambées épidémiques.
Conclusion
Dans les 3 camps investigués, une surmortalité a été observée parmi les ménages pendant la phase de crise (phase 2), avec une différence significative du Taux Brut de Mortalité due principalement aux décès par violences chez les hommes. Dans le camp de Toumtouma, le TBM a plus que doublé et il a plus que triplé dans le camp d’Arkoum. Les populations du camp d’Ourang, originaires à plus de 90% de la ville d’El Geneina au Soudan, semblent avoir été particulièrement affectées par les violences, le TBM était 20 fois supérieur à la période avant crise avec un taux de mortalité dépassant les seuils d’urgence standard (1/10 000/j). La grande majorité des décès a eu lieu sur les sites d’origine ou pendant les déplacements vers le Tchad (89% à Toutouma, 94% à Ourang et 79% à Arkoum). Les prévalences de la malnutrition aiguë globale et de la malnutrition aiguë sévère étaient élevées dans les camps d’Ourang et Arkoum, avec une prévalence de MAS alarmante, supérieure à 4% pour les 6-59 mois et à 11% pour les 6-23 mois. De plus, la couverture vaccinale contre la rougeole était faible dans l’ensemble des camps enquêtés ; oscillant de 59% à 76%, elle est insuffisante pour prévenir toutes flambées épidémiques.