Auteurs : Mahaut de Fougières, Cécilia Vidotto Labastie
Site de publication : Institut Montaigne
Type de publication : Article
Date de publication : 15 février 2022
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L’Afrique, dont les leaders se sont réunis les 5 et 6 février à Addis-Abeba, est confrontée ces derniers mois à la résurgence de coups d’État (ou tentatives) et au retour en force des militaires au pouvoir, en particulier en Afrique de l’Ouest ; tandis que l’Europe fait face à une crise à la frontière ukrainienne avec la Russie, qui met en péril sa sécurité.
Malgré les attentes, il est peu probable que ce sommet débouche sur un changement de cap immédiat pour le partenariat. Cependant, la nouvelle stratégie que propose l’UE vis-à-vis de ses partenaires africains pourrait faire évoluer le partenariat dans les années à venir.
La relation avec l’Afrique, une priorité pour l’UE
Depuis deux ans, l’UE a développé un éventail d’outils susceptibles d’améliorer la relation entre les deux continents. Le 9 mars 2020, la Commission publiait la communication “Vers une stratégie globale avec l’Afrique” qui pose les bases de la stratégie européenne pour l’Afrique.
Plusieurs facteurs font de l’Afrique un partenaire naturel pour l’UE, au premier rang desquels le “destin commun” qui unit les deux continents voisins. Paix et sécurité, migration, changement climatique, transition numérique, crise du multilatéralisme, sont autant de défis communs auxquels sont confrontés les deux continents. L’Afrique constitue par ailleurs un indispensable relais de croissance pour l’Europe.
Par ailleurs, les crises politiques et sécuritaires que connaît aujourd’hui le continent – en Ethiopie, au Mozambique, au Soudan, au Mali, au Burkina Faso, en Guinée – exercent une pression sur les Européens, dont ils ne peuvent se détourner.
Au-delà des institutions européennes, on observe depuis plusieurs années un intérêt croissant des États membres pour leur voisin africain. Environ 10 parmi les 27 disposent aujourd’hui d’une stratégie Afrique autonome. La France n’est pas pour rien dans cet intérêt croissant : elle a fait preuve depuis une dizaine d’années de beaucoup de pédagogie envers ses partenaires européens sur l’importance du continent africain pour l’UE.
L’Afrique au cœur de la compétition géopolitique
L’Afrique est d’autant plus attractive aux yeux des Européens ces dernières années qu’elle l’est également pour de nombreuses autres puissances.
Les États africains ont désormais le choix dans les partenariats qu’ils souhaitent nouer avec des puissances étrangères. C’est le cas de la Chine qui investit massivement sur le continent.
La Russie a également opéré un retour sur le continent après 30 ans de désengagement à la suite de la dislocation de l’Union soviétique. La présence russe est tout particulièrement militaire, notamment à travers la société de sécurité privée Wagner.
L’Afrique est d’autant plus attractive aux yeux des Européens ces dernières années qu’elle l’est également pour de nombreuses autres puissances
Autres pays témoignant d’un intérêt croissant pour l’Afrique : la Turquie, Israël, et les pays du Golfe, Émirats arabes unis en tête.
Le partenariat Union africaine – Union européenne, une priorité pour la France
Le sommet UE-UA coïncide avec une ambition française, affichée par le Président Macron, de développer le volet européen de la relation avec l’Afrique.
La France souhaite faire du sommet un point fort de sa présidence du Conseil de l’UE. Après une réunion à Bruxelles en décembre, Emmanuel Macron s’est d’ailleurs entretenu avec Macky Sall et Paul Kagamé pour poursuivre la préparation du sommet en comité plus restreint.
Une relation Afrique-Europe confrontée à plusieurs défis
L’UA, au même titre que l’UE, est une organisation internationale et non un pays, comme les leaders africains n’ont de cesse de le répéter. En proie non seulement aux divisions ethniques, religieuses, géographiques ou encore culturelles, l’Afrique est un territoire morcelé sur le plan commercial.
À l’instar de l’UE, les divisions internes de l’UA peuvent la fragiliser sur la scène internationale et ainsi perturber l’organisation du sommet UE-UA.
Chaque chef d’État africain composant avec son propre agenda national, il apparaît alors difficile pour l’UA de parler d’une seule voix.
À l’instar de l’UE, les divisions internes de l’UA peuvent la fragiliser sur la scène internationale et ainsi perturber l’organisation du sommet UE-UA
Un deuxième axe problématique de la relation UE-UA est que l’Afrique n’est pas une priorité pour tous les États membres de l’UE. Les pays dont la position géographique ou l’histoire sont les plus liées au continent africain restent à l’écoute de celui-ci et suivent son actualité. À l’opposé, on trouve des pays membres de l’UE qui, par leur proximité avec la Russie par exemple, regardent plus à l’Est qu’au Sud.
Par ailleurs, le contexte n’est pas propice à un intérêt des citoyens européens pour cette question : la crise actuelle entre l’Ukraine et la Russie accapare l’attention publique. De manière générale, les principales préoccupations des citoyens européens et de leurs représentants portent sur les questions de santé ou de la relance post-pandémie.
S’agissant désormais du fond des discussions qu’entretiennent l’UE et l’UA actuellement, il existe des craintes que la volonté affichée de l’UE de nouer un partenariat “d’égal à égal”, sur de nouvelles bases, ne reste qu’une simple déclaration d’intentions.
La question climatique est également un sujet délicat. La transition verte et énergétique promue par l’UE sur un continent responsable d’environ 2 % des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie suscite l’incompréhension.
S’agissant désormais du fond des discussions qu’entretiennent l’UE et l’UA actuellement, il existe des craintes que la volonté affichée de l’UE de nouer un partenariat “d’égal à égal”, sur de nouvelles bases, ne reste qu’une simple déclaration d’intentions
Enfin, la pandémie de Covid-19 n’est pas sans conséquences sur la relation. Bien qu’il s’agisse d’un facteur récent, la crise sanitaire a fait évoluer les priorités de nombreux acteurs, modifiant ainsi les équilibres et les possibilités d’évolution de la relation.
Qu’attendre de ce sommet ?
Ces difficultés, à la fois structurelles et conjoncturelles, dans la relation appellent au réalisme quant aux attentes à avoir de ce sommet.
Par ailleurs, le sommet risque d’être évincé par l’actualité de la remise en cause de la présence européenne (Task Force Takuba) au Mali, notamment après que la junte ait demandé au Danemark de retirer ses troupes.
Sans compter sur un éventuel événement majeur dans la crise ukrainienne, qui aurait pour effet de faire passer le sommet, au mieux, au second plan.
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