Auteurs : Kerri Elgar, Dambudzo Muzenda, Karuna Phillips
Organisation affiliée : Initiative NEPAD-OECDE
Type de publication : Rapport
Date de publication : Novembre 2009
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Introduction
A l’heure du changement climatique et de la raréfaction des ressources énergétiques fossiles, les pouvoirs publics comme les investisseurs ont intérêt à déterminer quelles sources d’énergie seront les plus efficaces et les plus fiables pour soutenir la croissance à l’avenir.
D’après l’Agence internationale de l’énergie, la majeure partie des infrastructures énergétiques qui existent aujourd’hui dans le monde devront être remplacées d’ici 2030. De manière générale, on prévoit que les investissements annuels dans la production d’électricité renouvelable dépasseront les investissements dans les centrales à combustibles fossiles au cours de la période 2007-2030.
La stabilité des approvisionnements énergétiques est essentielle à une croissance économique soutenue et à la réduction de la pauvreté. Les énergies renouvelables sont abondantes et diversifiées, et elles ont pour avantage de diminuer la dépendance à l’égard des ressources finies ou importées. Elles comprennent notamment, mais pas uniquement, la biomasse, l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’hydroélectricité, l’énergie marémotrice et la géothermie. Elles renforcent la sécurité énergétique, en particulier dans les pays qui ne produisent pas de pétrole, créent des emplois et contribuent à la lutte contre la pauvreté en améliorant l’accès à l’énergie, notamment dans le cas des populations rurales ou isolées.
Pourtant, l’Afrique ne recourt guère aux mécanismes de financement carbone pour investir dans le secteur des énergies renouvelables. Alors que le continent dispose d’atouts non négligeables en la matière, il n’exploite à l’heure actuelle qu’une très petite partie de ses ressources. Selon une analyse des dernières statistiques de l’Agence internationale de l’énergie, si les énergies renouvelables représentent 16 % des sources d’énergie qu’utilise l’Afrique pour produire de l’électricité, celles-ci se composent en très grande majorité de combustibles, qu’ils s’agisse de ressources renouvelables ou de déchets. Moins d’un pour cent du total est imputable à l’hydroélectricité. Les autres formes d’énergie renouvelables utilisées sur le continent (géothermie, solaire, énergie marémotrice et éolien) n’occupent qu’une place négligeable.
Mécanismes existants de financement carbone pour l’investissement dans les énergies renouvelables
Description des mécanismes prévus par le Protocole de Kyoto : Le financement carbone constitue un ensemble relativement récent et très divers de dispositifs internationaux et nationaux publics et privés, dont la fonction est de réduire le coût économique de l’atténuation du changement climatique résultant des émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES). Fondé sur des mesures volontaires ou contraignantes ou sur des incitations, le financement carbone permet aux pays, au secteur privé et même aux particuliers de faire diminuer leurs émissions de GES avec un bon rapport coût-efficacité.
Échanges de droits d’émissions : instrument commercial qui encourage le passage à une économie plus durable moyennant des incitations financières en faveur de nouvelles réductions des émissions. Il permet aux pays qui n’utilisent pas leurs droits d’émission (tels qu’ils ont été alloués dans le cadre du Protocole de Kyoto) de vendre cet excédent à des pays qui n’atteignent pas leur objectif.
Mécanisme pour un développement propre (MDP): mécanisme fondé sur des projets qui encourage la consommation d’énergies renouvelables et leur développement en incitant à investir. Le MDP est le principal instrument de marché faisant intervenir les pays en développement. Son objectif premier est de favoriser le développement durable dans les pays hôtes (pays en développement), tout en donnant aux pays visés la possibilité de respecter leurs obligations de limitation et de réduction des émissions.
Le présent document met l’accent sur le MDP, car il s’agit du principal moteur du financement carbone et de l’investissement dans les énergies renouvelables, et du mécanisme le plus pertinent pour les pays d’Afrique.
Le MDP est à même de catalyser l’investissement: Le MDP s’appuie sur des projets et aboutit à la production d’unités de réduction certifiée des émissions (URCE). Ces unités sont obtenues en faisant diminuer les émissions, moyennant par exemple des investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Ces unités permettent à leurs détenteurs d’attester qu’ils respectent leurs obligations réglementaires ou bien de réaliser des échanges commerciaux sur le marché international du carbone, dans le cadre du mécanisme d’échanges de droits d’émission. Les investisseurs sont gagnants dans les deux cas : dans le premier, ils évitent d’avoir à payer des amendes ou des indemnités ; dans le deuxième, ils gagnent de l’argent directement. Parallèlement aux URCE, il existe des unités de réduction volontaire des émissions (VER) pour les entreprises qui souhaitent diminuer volontairement leurs émissions de gaz à effet de serre.
Le marché mondial du carbone connaît un essor rapide: Pour une large part, le développement du financement carbone est encouragé par la multiplication des fonds et mécanismes de financement carbone créés par la communauté internationale. Ces fonds opèrent soit en investissant directement dans des projets et des entreprises, soit en procédant à des achats fermes de crédits carbone, tandis que les mécanismes aident à financer les coûts initiaux des projets comme les droits d’enregistrement et les études d’impact sur l’environnement.
Le contexte africain
Peu d’investissements dans les énergies renouvelables ou faible utilisation du financement carbone: Alors que le continent dispose d’atouts non négligeables en matière d’énergies renouvelables, il n’exploite à l’heure actuelle qu’une très petite partie de ses ressources pour produire de l’électricité. Seuls 7 % du potentiel hydroélectrique et moins de 1 % du potentiel géothermique sont mis en valeur.
L’Afrique n’utilise guère les mécanismes de financement carbone pour investir dans le secteur des énergies renouvelables. Si le MDP se révèle efficace pour catalyser l’investissement dans les économies émergentes (en Afrique du Sud, par exemple), l’Afrique dans son ensemble représente moins de 2 % des projets MDP enregistrés et à peu près 3 % des URCE en moyenne annuelle (CCNUCC, statistiques concernant le MDP, 2009). Néanmoins, des progrès sont en cours. Plusieurs pays d’Afrique se lancent dans les projets de ce type. Entre janvier 2008 et mars 2009, le Cameroun, l’Éthiopie, le Liberia, Madagascar, la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Swaziland et la Zambie se sont joints au mouvement.
Un potentiel important… tout comme les bénéfices : L’Afrique est en mesure de tirer parti des mécanismes de financement carbone pour accroître les investissements dans l’énergie et l’accès à l’énergie sur tout son territoire. Le potentiel des énergies renouvelables est important et on évalue celui de la seule géothermie à 7 000 MW. La Banque mondiale estime que, techniquement, l’Afrique sub-saharienne pourrait accueillir plus de 3 200 projets MDP, à même de produire plus de 170 GW supplémentaires, soit plus de deux fois la capacité installée actuelle. Les coûts de production y sont plus bas et les infrastructures existantes souvent limitées, ce qui permettrait au continent d’adopter directement les nouvelles technologies sans passer par les anciennes.
Les énergies renouvelables offrent aussi une occasion unique de desservir les populations rurales d’Afrique, car la taille des projets est flexible et dépend rarement d’infrastructures centralisées. Les projets modestes, par exemple la production d’hydroélectricité sur de petits cours d’eau ou les systèmes autonomes d’énergie solaire, n’ont pas besoin d’être raccordés à un réseau électrique régional ou national. La biomasse et l’énergie solaire peuvent aussi constituer une source d’énergie durable pour les villages isolés dans les pays enclavés importateurs de pétrole, moyennant des coûts limités par rapport à ceux des combustibles fossiles. En comparaison, dans les pays de l’OCDE, beaucoup de sites où l’on pourrait produire des énergies renouvelables coûtent cher à exploiter et sont soumis à des contraintes légales, par exemple des règles strictes de protection de l’environnement.
Pour l’instant, le potentiel n’est pas exploité: Malgré ces avantages comparatifs importants, le potentiel de l’Afrique dans le domaine des énergies renouvelables est sous-exploité. Pour reprendre un exemple bien connu, seulement 1 % des 77 810 kilomètres carrés d’eau que possède la République démocratique du Congo sont utilisés pour produire de l’hydroélectricité, alors que 94 % de la population n’a pas l’électricité. En ce qui concerne l’énergie éolienne, l’Égypte, le Maroc et la Tunisie représentent 95 % de la capacité installée totale du continent. Les pays d’Afrique occidentale et orientale, qui pourraient recourir largement à l’énergie éolienne lorsque des sécheresses amputent les capacités de production des barrages, ne l’utilisent guère, voire pas du tout.
De nombreuses raisons expliquent pourquoi l’Afrique recourt encore relativement peu aux mécanismes de financement carbone. Les obstacles sont de deux ordres: a) obstacles liés aux capacités (capital humain insuffisant et manque de coordination régionale) et b) obstacles financiers (coûts de démarrage élevés, financement locaux insuffisants et perception aiguë des risques). Pour chacun de ces facteurs, le présent document indique les actions que pourraient conduire les acteurs concernés et met en évidence les pratiques optimales pouvant aider à surmonter les obstacles. Le projet hydroélectrique de Bethlehem, en Afrique du Sud (encadré 4), fournit un exemple de la voie que des promoteurs privés peuvent suivre pour prendre pied sur un marché difficile et lancer un projet MDP avec succès. Il illustre aussi les obstacles liés aux capacités et les obstacles financiers que le présent document a déjà évoqués, et la manière de les surmonter.
Le potentiel des énergies renouvelables est important et on évalue celui de la seule géothermie à 7 000 MW
Capital humain insuffisant pour répondre aux besoins de chaque projet: De manière générale, l’Afrique manque de connaissances et de compétences pour exploiter et entretenir des installations de production d’énergies renouvelables. En ce qui concerne les projets à petite échelle, par exemple dans le cas de la biomasse, les habitants du voisinage doivent être qualifiés pour utiliser la technologie de la cogénération. Cependant, les promoteurs locaux ne maîtrisent pas suffisamment l’exploitation et l’entretien des chaudières à haute pression et à haute température employés pour la bagasse.
Le manque de coordination à l’échelle régionale met un frein aux projets potentiels: A l’heure actuelle, chaque pays hôte définit librement ses critères de durabilité (c’est-à-dire les innombrables facteurs qu’il prend en compte pour déterminer si un projet MDP proposé va dans le sens de ses priorités en matière de développement durable et respecte la réglementation nationale. A l’échelle régionale ou sectorielle, les critères de durabilité manquent de cohérence, ce qui grève les coûts d’élaboration des projets et ne facilite pas la reproduction de ces derniers dans différents pays. Il en découle que des formules potentiellement très porteuses, comme le MDP programmatique, qui permettraient de regrouper de multiples activités du même type, restent sous-développées.
Comment les principaux acteurs peuvent-ils surmonter les obstacles liés aux capacités?
Développer les ressources humaines et l’expertise : Pour beaucoup de pays d’Afrique, le financement carbone est encore une nouveauté, mais la nécessité croissante d’investir dans les énergies renouvelables et de tirer parti des possibilités de financement comme le MDP suppose que les acteurs chargés de l’énergie et du changement climatique acquièrent de nouvelles compétences. Les pouvoirs publics devraient mettre en place des conditions générales propices à la formation de groupes d’experts et à retenir les personnes qui ont déjà travaillé sur des projets MDP. Ils devraient soutenir les institutions de recherche, comme les universités, et accorder des subventions à des stages et des séminaires axés sur l’acquisition de compétences dans le domaine du changement climatique et du financement carbone.
Concevoir une politique des énergies renouvelables : Pour assurer le succès des projets d’énergie renouvelable, il est indispensable que les pouvoirs publics des pays d’Afrique conçoivent et mettent en œuvre des politiques appropriées. Par exemple, le Mali a formulé un plan d’action en faveur des énergies renouvelables qui fixe pour objectif de porter la contribution de celles-ci aux approvisionnements totaux de moins de 1 % en 2002 à 15 % en 2020.
Améliorer la coordination régionale: A mesure que les énergies renouvelables gagnent du terrain et que le débat sur le changement climatique prend de l’ampleur, les pouvoirs publics des pays d’Afrique doivent coordonner leur action en vue de définir des politiques et une vision communes pour l’avenir.
Encourager les transferts sud-sud : Un transfert sud-sud de capacités encouragerait et favoriserait des transferts d’expertise et d’expérience entre les pays susceptibles de bénéficier le plus des mécanismes de financement carbone utilisables pour investir dans les énergies renouvelables. Les transferts de ce type peuvent s’opérer au niveau intergouvernemental par l’intermédiaire des AND ou à l’échelon régional.
Renforcer les instruments d’atténuation des risques : pour apaiser les craintes que les risques inspirent aux investisseurs, il convient de renforcer les programmes existants d’atténuation et d’assurance. Par exemple, l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) a récemment assuré un projet d’énergie renouvelable. Membre du Groupe Banque mondiale, la MIGA propose des assurances couvrant les investissements transfrontières et les risques associés dans les pays en développement. Il est possible aussi de solliciter les organismes de crédit à l’exportation. Ces derniers stimulent le développement des marchés d’exportation par les entreprises nationales tout en proposant différentes formes de financement et d’assurance. Les garanties de crédit à l’exportation couvrent les non-paiements, les emprunts bancaires ou les risques encourus par les investisseurs sur les marchés étrangers.
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