Victor Bouscarle
La République de Singapour est un micro-État insulaire de seulement 726 km² situé en Asie du sud-est, à l’extrémité Sud de la Malaisie. La cité-État comprend 5,7 millions habitants, ce qui en fait le troisième État le plus dense du monde derrière les territoires de Macao et Monaco.
L’eau est un enjeu majeur pour la République de Singapour. En effet, tandis que les ressources sont très faibles, les besoins sont de plus en plus conséquents. Malgré sa position équatoriale et les pluies abondantes dans le pays, il est très difficile de récupérer l’eau de pluie qui ruissellent rapidement vers la mer.
Par ailleurs, aucune ressource souterraine en eau douce n’a été trouvée jusqu’ici sur ce micro-territoire. Parallèlement, le dynamisme industriel et commercial consomme d’importantes quantités d’eau. En effet, Singapour est un hub commercial et a su développer une industrie puissante. L’État est ainsi considéré comme l’un des quatre « dragons asiatiques », petits pays asiatiques étant devenus pendant la seconde moitié du XXe siècle des puissances industrielles et économiques de haut-rang (Hong-Kong, Singapour, Corée du Sud, Taiwan).
Ce dynamisme économique est couplé avec celui démographique à l’origine de l’extrême densité du territoire, ajoutant un nouveau poids aux faibles ressources en eau douce. Ainsi, entre 1965 et 2007, le Produit intérieur brut (PIB) a été multiplié par 26, la population par 2,5 et la consommation d’eau par 5, selon les chiffres présents dans le rapport de l’ENS. De plus, cette tendance est toujours actuelle, le Public Utilities Board ( PUB), agence nationale de l’eau de Singapour, considère que d’ici 2060 la demande en eau pourrait doubler.
L’importante demande dans un contexte de faible ressource entraîne un fort « stress hydrique », 82% en 2018 selon la FAO – le stress hydrique est le rapport entre les prélèvements et les ressources en eau douce.
Des solutions diverses, vers l’autosuffisance ?
Pour répondre à cette problématique, la République de Singapour met en place diverses stratégies. Dans un premier temps, le gouvernement a répondu par l’importation d’eau depuis la Malaisie, à travers divers contrats et des infrastructures pour l’acheminement. Si cette ressource est la moins onéreuse pour Singapour, elle ne satisfait pas le gouvernement qui craint une dépendance trop accrue à cette ressource extérieure, dont les contrats, établis pour une durée de 100 ans, sont contestés par le gouvernement malaisien. Le dernier contrat prend fin en 2061 et d’ici là le micro-état cherche à devenir auto-suffisant. Pour ce faire, quatre stratégies sont mises en place.
La première, la plus évidente peut-être, est de diminuer la consommation d’eau. Cette solution n’est applicable qu’aux ménages, car la croissance économique et industrielle peut difficilement le permettre. Si actuellement 45% de la demande en eau provient des ménages, le PUB prévoit qu’en 2060 ce chiffre atteindra 30%, permettant à la demande non-domestique d’utiliser 70% de l’eau.
Le Public Utilities Board ( PUB), agence nationale de l’eau de Singapour, considère que d’ici 2060 la demande en eau pourrait doubler
Ainsi, le gouvernement a mis en place une campagne de sensibilisation et cherche à limiter la consommation d’eau journalière par personne. En 2000, le PUB estimait la consommation personnelle journalière à 165 litres d’eau, en 2018, elle était réduite à 141 litres et la stratégie vise 130 litres en 2030. 35 litres de moins peuvent ne pas sembler importants mais pour un territoire de 5,7 millions d’habitants cela représente des quantités considérables.
Dans la même optique de gaspiller au minimum l’eau douce présente, la République de Singapour a beaucoup investi dans les techniques de purification des eaux usées. Ainsi, des infrastructures d’envergure récupèrent les eaux usées domestiques et industrielles.
Celles-ci sont acheminées vers des sites de traitement où un triple processus est effectué pour obtenir finalement une eau pure. D’abord, l’eau est filtrée par des membranes très fines ; par la suite, l’osmose inversée est appliquée (technologie filtrante, qui permet de purifier l’eau) ; enfin, pour éliminer tous résidus d’organismes vivants, l’eau subit une désinfection aux ultra-violets. La NEWater, littéralement nouvelle eau, n’est pas consommable car trop pure, elle est par conséquent majoritairement destinée à la demande non-domestique.
Cependant, parfois, des minéraux y sont ajoutés pour la distribution aux ménages lors de périodes de pénurie. En 2003, le premier site de traitement est opérationnel, il est suivi de cinq autres sites qui permettent au total de fournir, selon le PUB, 40% de la demande d’eau de Singapour.
Parallèlement à la stratégie d’économie et de réutilisation, Singapour a su mettre en place une stratégie de production d’eau douce et potable. Celle-ci repose sur deux volets : la récupération des eaux de pluie et le dessalement de l’eau de mer.
Dans un premier temps, le gouvernement a répondu par l’importation d’eau depuis la Malaisie, à travers divers contrats et des infrastructures pour l’acheminement. Si cette ressource est la moins onéreuse pour Singapour, elle ne satisfait pas le gouvernement qui craint une dépendance trop accrue à cette ressource extérieure
Durant la seconde moitié du XXe siècle, pour faire face à l’insalubrité de l’île et lutter contre les pluies dévastatrices, la République de Singapour a développé une importante politique d’aménagement du territoire. L’objectif était alors de créer des canaux de drainages efficaces pour accompagner l’eau de pluie vers la mer et ainsi protéger le bâti.
Dans le même temps, ces aménagements ont permis la dépollution des eaux de surface qui souffraient des rejets industriels. Ils permettent alors d’améliorer le cadre de vie des populations mais également de récupérer l’eau de pluie et de les diriger vers des usines de traitement avant qu’elles soient redistribuées aux populations.
Ainsi, à travers des investissements dans l’aménagement du territoire, Singapour a su transformer en ressource la contrainte des abondantes et ruisselantes pluies équatoriales. Actuellement, 17 réservoirs conservent l’eau de pluie et fournissent, selon le rapport de l’ambassade française à Singapour, environ 20% de la demande en eau.
Enfin, Singapour utilise le dessalement de l’eau de mer pour fournir de l’eau potable aux populations et aux industries. Le dessalement de l’eau de mer est en place à Singapour depuis 2005 avec l’ouverture du premier site de dessalement asiatique. Par la suite, la République de Singapour a renforcé ses capacités de traitement et bénéficie désormais de quatre sites de traitement utilisant la technique de l’osmose inversée.
Le gouvernement a mis en place une campagne de sensibilisation et cherche à limiter la consommation d’eau journalière par personne. En 2000, le PUB estimait la consommation personnelle journalière à 165 litres d’eau, en 2018, elle était réduite à 141 litres et la stratégie vise 130 litres en 2030
Ces sites permettent actuellement de répondre à 30% de la demande en eau de Singapour. Cette méthode de dessalement est un progrès technologique efficace mais demeure énergivore. Par ailleurs, le pompage de l’eau de mer ainsi que le rejet des saumures après dessalement inquiètent quant à la préservation des écosystèmes marins à proximité des sites.
La République de Singapour continue d’investir dans la recherche et développement pour améliorer la consommation énergétique de l’osmose inversée, limiter les dérèglements marins engendrés et développer de nouvelles techniques de dessalement. Les sites de dessalement d’eau de mer se répandent à travers le monde.
Actuellement, Singapour est en capacité de produire, grâce à ses investissements territoriaux et technologique, 70 à 90% de sa consommation. Les quantités restantes sont nécessairement importées. Le PUB centralise et coordonne les efforts avec pour objectif de devenir auto-suffisant en 2060, lorsque les contrats d’importations prendront fin. Ainsi, le micro-État cherche à maximiser la récupération et le stockage de l’eau de pluie, tandis que les sites de traitement des eaux usées et de dessalement se multiplient et se modernisent.
Le déterminisme du milieu n’est pas une fatalité
La République de Singapour alloue toujours plus de moyens aux universités et centres de recherche sur l’eau. Cette stratégie a permis à Singapour de devenir un véritable hydro-hub, centralisant les intérêts des acteurs du monde entier.
Parallèlement à la stratégie d’économie et de réutilisation, Singapour a su mettre en place une stratégie de production d’eau douce et potable. Celle-ci repose sur deux volets : la récupération des eaux de pluie et le dessalement de l’eau de mer
Ce statut se concrétise lors de la Singapore International Water Week, véritable salon international sur les techniques pour la gestion de l’eau. Ces investissements, destinés en premier lieu à améliorer les conditions de vie des populations de l’île, sont alors devenus une source de rayonnement international et de revenus grâce à l’exportation des techniques innovantes développées pour faire face aux contraintes naturelles.
À l’inverse, l’Afrique subsaharienne bénéficie de ressources en eau douce conséquentes, que ce soit en eau de surface ou bien en eau souterraine. Le stress hydrique n’est pas menaçant, exception faites des pays d’Afrique du Nord. Ce sont par contre les politiques d’aménagement et les investissements technologiques qui manquent.
Ainsi, que ce soit en milieu rural ou urbain, l’accès à l’eau potable pour les populations et à l’eau douce pour les industries est une problématique majeure. À Dakar, par exemple, Sen’Eau, la société de gestion de l’eau potable en milieu urbain, annonce chaque semaine quels quartiers souffriront de faible pressions et de coupures d’eau, sans compter toutes les fois où ses situations sont imprévues. Cela perturbe considérablement le rythme de vie des populations alors contraintes de remplir des bidons la nuit lorsque le débit existe.
Les perspectives de croissance démographiques en Afrique, et notamment de croissance urbaine, nécessitent une planification des systèmes hydriques pour offrir aux populations un décent accès à l’eau.
Divers projets voient le jour sur le continent, mais leur effectivité et leur efficacité restent à prouver. À titre d’exemple, le gouvernement sénégalais met en place un projet de site de dessalement par osmose inversée à Dakar, couplé avec l’amélioration des conduits de distributions de la capitale et ses environs.
La République de Singapour alloue toujours plus de moyens aux universités et centres de recherche sur l’eau. Cette stratégie a permis à Singapour de devenir un véritable hydro-hub, centralisant les intérêts des acteurs du monde entier
Mettre en perspective ces deux situations permet d’observer que ce ne sont pas les conditions du milieu qui déterminent les conditions de vie mais bien la planification et les moyens investis par les puissances publiques. Ainsi, à Singapour, les conditions naturelles ne permettaient pas l’accès à l’eau aux populations. La détermination et les investissements du micro-État ont permis de transformer cette contrainte naturelle en opportunité scientifique.
À l’inverse, de nombreux habitants des pays d’Afrique ne bénéficient pas d’un décent accès à l’eau alors même que la ressource est abondamment présente dans la grande majorité des territoires.
Photo: Le Petit Journal
Victor Bouscarle est étudiant géographe en Master Etude comparative du développement à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a développé au cours de sa Licence un intérêt croissant pour l’Afrique de l’Ouest. Pendant l’été 2021, il effectue à WATHI un stage de dix semaines.
1 Commentaire. En écrire un nouveau
Mon oncle s’intéresse au traitement de l’eau. Il est bon à savoir que celui ci s’effectue en trois processus. J’espère qu’il trouvera une entreprise fiable pour le conseiller dans cette matière.