Auteurs: Dr. Margaret Agama-Anyete, Omilola Babatunde Olumide
Organisations affiliées: Banque africaine de développement (AFDB), Union africaine (UA)
Type de publication: Rapport
Date de publication: Février 2019
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Si les pays africains font des efforts considérables pour lutter contre la malnutrition, notamment en se dotant de plus d’instruments et de politiques en matière de gouvernance et en assurant la promotion de plans d’action pour la nutrition, le fardeau de la malnutrition dans le monde reste élevé et les progrès effectifs faibles. Selon le Rapport mondial sur la nutrition 2018, la malnutrition génère plus de problèmes de santé que n’importe quelle autre cause.
Les enfants de moins de cinq ans ploient sous de multiples charges : 150,8 millions d’entre eux souffrent d’un retard de croissance, dont 58,7 millions en Afrique; 13,9 millions d’enfants sont atteints d’émaciation et 8 % des adultes de plus de 20 ans sont obèses. Pendant ce temps, 20 millions de bébés naissent chaque année avec un faible poids à la naissance.
Reconnaissant que la nutrition n’est pas seulement un résultat, mais aussi un investissement dans le développement économique, les diverses cibles qui ont été fixées pour faire progresser les objectifs en matière de nutrition en Afrique ont donné aux dirigeants africains une occasion unique d’accorder suffisamment d’attention à la situation de leurs pays respectifs en ce qui concerne l’atteinte des cibles et engagements en matière de nutrition.
L’initiative Dirigeants africains pour la nutrition mise en place par la Commission de l’Union africaine et la Banque africaine de développement s’inscrit dans le cadre de la réalisation des engagements que l’Afrique a pris en matière de sécurité nutritionnelle.
Le statut de la nutrition en Afrique
Le retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans reste un problème majeur en Afrique. La moitié des pays africain ont une prévalence élevée à très élevée (> 30 %) du retard de croissance chez les enfants, selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé dont le but est de déterminer la gravité de la malnutrition. Seulement 7 pays se caractérisent par une faible prévalence (< 19 %). En vue de respecter l’engagement de l’Assemblée mondiale de la santé qui consiste à réduire les retards de croissance de 40 %, le taux de retard de croissance devrait s’établir au moins à 14,7 % au plus tard en 20251.
Compte tenu de la situation qui prévaut actuellement, il est peu probable que la majorité des pays africains atteigne cet objectif d’ici à 2025. Le retard de croissance dans la petite enfance est préjudiciable au développement de la matière grise chez les enfants et nuit à la productivité économique. Malgré cela, des pays tels que le Ghana ont réduit de moitié les taux de retard de croissance, qui sont passés de 36 à 19 sur une période de 11 ans.
La cible fixée par l’Assemblée mondiale de la Santé pour l’émaciation consiste à réduire le taux d’émaciation chez l’enfant qui était de 7,9 % en 2012 pour le porter sous la barre de 5 % en 2025, et à le maintenir sous cette barre. Seulement 15 pays ont réussi à contenir la prévalence de l’émaciation dans cette fourchette. Dans la majorité des pays, la prévalence de l’émaciation infantile est faible ou critique, variant de 5 % à 23 %. La cible fixée par l’Assemblée mondiale de la santé pour la surcharge pondérale chez l’enfant est de ne pas augmenter la prévalence par rapport au niveau de référence de 2012, estimé à 6 %. En d’autres termes, il s’agit de maintenir la prévalence à un niveau inférieur ou égal à cette proportion.
En général, le seuil de référence fixé en 2012 pour l’anémie chez les femmes en âge de procréer s’établissait à 30,3 %. En 2017, la prévalence moyenne de l’anémie chez les femmes en âge de procréer était de 47,3 % en Afrique. Considérant que l’objectif de l’Assemblée mondiale de la santé est de réduire à 15 % cette prévalence à l’horizon 2025, les pays africains continuent d’avoir une prévalence de l’anémie très élevée (entre 22 % et 59 %). Trente-huit pays africains, affichent une prévalence de l’anémie chez les femmes en âge de procréer supérieure aux estimations mondiales pour 2012.
En 2012, le taux de l’allaitement maternel exclusif chez les nourrissons de zéro à cinq mois était de 37 %, alors que l’objectif fixé pour 2025 par l’Assemblée mondiale de la santé était de porter ce taux à 50 % au minimum. En Afrique, 18 pays ont déjà dépassé cet objectif, et 10 autres affichent des taux variant entre 37 % et 48 %. Le taux moyen du continent est de 41,9 %. En dépit de cette situation, 20 pays ont des taux d’allaitement maternel exclusif très faibles (entre 36 % et 5 %).
Entre autres interventions à fort impact visant à encourager l’allaitement maternel exclusif, on peut citer: le recours aux plateformes de systèmes de santé pour soutenir l’allaitement maternel exclusif; la mise en place systématique des initiatives «Hôpitaux amis des bébés»; la limitation de la commercialisation agressive et inappropriée des substituts du lait maternel; et l’appui aux femmes afin de les encourager à allaiter leurs enfants exclusivement au sein, en soutenant l’instauration d’un congé de maternité obligatoire payé de six mois, tout comme les politiques qui encouragent les femmes à allaiter leurs enfants sur le lieu de travail.
État de la couverture des services liés à la nutrition
20 des pays africains ont atteint le seuil minimal de 70 % recommandé par l’UNICEF pour la couverture par la supplémentation en vitamine A. Dans 26 pays, le taux de couverture varie entre 65 % et 99 %. Malgré cette couverture remarquable, 14 pays affichent un niveau de supplémentation en vitamine A se situant dans une plage comprise entre 50 % et 2 %. La supplémentation en vitamine A est une intervention d’importance vitale lors des étapes cruciales du développement du nouveau-né. Les pays à faible couverture devront investir davantage dans l’enrichissement des aliments et l’amélioration de la diversité de l’alimentation afin de pallier les carences en vitamine A.
En général, le seuil de référence fixé en 2012 pour l’anémie chez les femmes en âge de procréer s’établissait à 30,3 %. En 2017, la prévalence moyenne de l’anémie chez les femmes en âge de procréer était de 47,3 % en Afrique. Considérant que l’objectif de l’Assemblée mondiale de la santé est de réduire à 15 % cette prévalence à l’horizon 2025, les pays africains continuent d’avoir une prévalence de l’anémie très élevée (entre 22 % et 59 %). Trente-huit pays africains, affichent une prévalence de l’anémie chez les femmes en âge de procréer supérieure aux estimations mondiales pour 2012
Mise en place des instruments politiques, juridiques et de gouvernance relatifs à la nutrition: état des lieux
Deux indicateurs ont été retenus pour montrer l’état actuel des instruments politiques, juridiques et de gouvernance, à savoir la législation sur l’enrichissement obligatoire des aliments et la législation sur le code de commercialisation des substituts du lait maternel. Il n’existe aucune politique ni de lois sur l’enrichissement des aliments dans 15 des pays. Toutefois, 39 pays ont au moins une loi. L’enrichissement des aliments est une intervention efficace offrant un bon rapport coût-efficacité pour lutter contre les carences en micronutriments, en particulier chez les femmes enceintes et chez les femmes allaitantes, et pour prévenir plusieurs maladies et conditions mortelles chez les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes.
Des lois importantes contribuant à l’atteinte de l’ODD 2 sont essentielles pour mettre fin à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. L’application des normes et recommandations contenues dans le code international de commercialisation des substituts du lait maternel encouragera l’allaitement exclusif au sein. La mise en œuvre des résolutions d’assemblées de santé pertinentes ultérieures est essentielle pour garantir un environnement favorable aux bonnes pratiques d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. Cependant, seuls 12 pays africains sur 53 ont une législation pour protéger l’allaitement maternel.
Interventions en faveur de la nutrition en Afrique: analyse des points manquants
Les aspirations du continent africain en matière de nutrition et de santé sont clairement exprimées dans de nombreux documents approuvés sur le continent, notamment la Déclaration de Malabo, la Stratégie régionale africaine de la nutrition et l’Agenda 2063. Quarante pays sont membres de l’initiative mondiale «Scaling Up Nutrition» De plus, 23 pays africains exécutent le Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique qui vise à intégrer la nutrition dans les plans nationaux d’investissement agricole (PNIA).
Les interventions prioritaires en Afrique devraient comprendre la promotion et la protection de l’allaitement maternel (en particulier pendant les six premiers mois), en veillant à ce que plus de personnes consomment des aliments sains et nutritifs et en assurant l’accès aux services d’assainissement de base et d’alimentation en eau potable.
La fragilité de la gouvernance, les effets des conflits et les facteurs de stress associés au climat sont des problèmes majeurs qui limitent les progrès. De nombreux pays africains font face à des catastrophes naturelles, à des conflits et autres crises humanitaires, notamment à l’afflux de réfugiés provenant de pays voisins. Les crises humanitaires contribuent à l’accroissement des risques d’apparition de maladies infectieuses, d’insécurité alimentaire et d’accès insuffisant aux services.
À l’avenir, il sera nécessaire de déployer des efforts concertés pour venir à bout des facteurs sous-jacents de la malnutrition et assurer la durabilité de ces actions au profit de tous les Africains. De nombreux états fragiles signalent que la plupart des financements sont consacrés aux interventions d’urgence et à court terme, alors que les interventions relatives à la nutrition restent largement sous-financées.
La lutte contre la dénutrition doit être menée en même temps que celle contre l’augmentation des cas de surcharge pondérale et d’obésité chez les enfants, les adolescents et les adultes. Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque importants des maladies non transmissibles liées à l’alimentation, comme le diabète et l’hypertension artérielle. La combinaison de la mise à disposition des ressources financières et la création de cadres politiques et législatifs propices pour s’attaquer à la dénutrition est donc essentielle.
Conclusion et principales recommandations
Le continent africain déploie des efforts louables pour améliorer l’état nutritionnel de ses populations. Pourtant, le fardeau de la malnutrition ne cesse de s’alourdir, comme en témoigne l’accroissement de la prévalence du retard de croissance, de la surcharge pondérale et de l’émaciation chez les enfants. Cette situation constitue une menace directe pour les gains économiques engrangés sur le continent et est susceptible de compromettre le développement et la productivité des générations futures en Afrique. Les initiatives destinées à s’attaquer au défi de la malnutrition doivent porter essentiellement sur l’augmentation des investissements en faveur des interventions spécifiques à la nutrition et sensibles à la nutrition.
Les projets visant la réduction de la malnutrition peuvent se révéler très rentables et très efficaces en faisant progresser de plus de 11 % le PIB par habitant. Il importe également de renforcer la coordination à tous les niveaux moyennant des plans multisectoriels pour la responsabilisation. Des mesures efficaces doivent intégrer d’autres secteurs tels que l’agriculture, l’eau, l’assainissement, l’hygiène, la protection sociale et l’éducation, afin de maximiser l’impact nutritionnel. Une attention accrue doit aussi être accordée à la mise en place de mécanismes efficaces de suivi et d’évaluation et au renforcement des capacités afin que les interventions en matière de nutrition génèrent des rendements plus élevés sur le plan économique et social.
La lutte contre la dénutrition doit être menée en même temps que celle contre l’augmentation des cas de surcharge pondérale et d’obésité chez les enfants, les adolescents et les adultes. Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque importants des maladies non transmissibles liées à l’alimentation, comme le diabète et l’hypertension artérielle. La combinaison de la mise à disposition des ressources financières et la création de cadres politiques et législatifs propices pour s’attaquer à la dénutrition est donc essentielle
1• Accroître les allocations budgétaires consacrées à la mise en œuvre des plans multisectoriels pour la nutrition, afin de s’attaquer aux conditions favorisant la malnutrition.
2• Soutenir et faire respecter les lois sur l’enrichissement obligatoire des aliments, en particulier en ce qui concerne les aliments transformés (afin d’éliminer ou de prévenir l’anémie), la vitamine A et les carences en iode, entre autres.
3• Adopter des politiques sur les mécanismes de protection sociale afin de doter les femmes et les adolescentes des moyens d’intégrer des comportements qui renforcent la santé pendant la grossesse et la prime enfance.
4• Être en tête des efforts menés à l’échelle nationale pour rendre disponibles les données de qualité et actualisées sur la nutrition afin d’étayer les mesures, la responsabilisation et l’apprentissage dans la lutte contre la malnutrition en Afrique.
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