Auteur: Elisabeth Beugré
Type de publication : article
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Treichville, quartier d’Abidjan, est située au sud du Plateau, le quartier des affaires et de l’administration. Son histoire est liée au développement économique et politique d’Abidjan et de la Côte d’Ivoire, comme en témoignent les causes de sa création et de sa croissance urbaine.
Treichville a été créée en 1903 par les Ebriés Bidjan du village Dugbéyo. Celui-ci était installé à l’endroit actuel de la rue du commerce du Plateau; il devait lui-même son existence à certains habitants du village de lokodjoro, situé à l’emplacement du dépôt du chemin de fer du Plateau; un conflit intervenu à la suite du partage des produits de la pêche les avait éloignés de ce village, à la fin du XIXe siècle.
Les raisons de l’abandon du site du village Dugbéyo sont liées à la construction du chemin de fer Abidjan-Niger, décidée à la suite des études de terrain du capitaine Houdaille et de Crosson-Duplessis, réalisées entre 1898 et 1901. Ces agents coloniaux avaient jugé ce site propice au démarrage des travaux du chemin de fer, obligeant ainsi les habitants de Dugbéyo à traverser la lagune et à s’installer sur l’Ile de Petit-Bassam, à peu près à l’endroit actuel du grand marché de Treichville.
Le village ainsi créé fut appelé Anoumabo, c’est-à-dire « Forêt aux roussettes ». Comme tout village ébrié, il était bâti autour d’une voie centrale, sans route transversale clairement tracée, et organisé en quatre générations d’habitants dénommées Dugbo, Tiagba, Blessoué et Nyandon. Les liaisons avec la rive nord de la lagune et les villages environnants se faisaient par pirogues, moyens essentiels de l’activité de pêche lagunaire.
Après sa fondation, Anoumabo, sur l’Ile de Petit-Bassam, connut une rapide extension. La main-d’œuvre africaine, venue notamment des autres villages attié, alladian et abbey pour les chantiers du rail, du warf de Port-Bouet et des travaux de transfert de la capitale de Bingerville à Abidjan, n’étant pas autorisée à se mêler à la communauté européenne, vint s’y installer, élargissant et transformant ainsi l’espace villageois ébrié.
L’intérêt de la communauté européenne pour Anoumabo devint de plus en plus croissant. Alors, les autorités coloniales étendirent en 1932 le plan de lotissement du Plateau à cette ville indigène de l’Ile de Petit-Bassam, grouillante de monde et vitale pour la ville européenne qui se développait sur la terre pleine du Plateau. Les mille lots ainsi tracés furent les lots carrés à l’habitat traditionnel. Les voies nord-sud furent numérotées en rues et les voies ouest-est en avenues.
Son histoire est liée au développement économique et politique d’Abidjan et de la Côte d’Ivoire, comme en témoignent les causes de sa création et de sa croissance urbaine.
Ce premier lotissement sonna l’intégration d’Anoumabo dans le paysage urbain de la ville coloniale d’Abidjan. Ainsi, le 27 décembre 1934, les autorités lui attribuent le nom d’un européen illustre, Marcel Treich-Laplène, et elles l’appelèrent « Treichville », faubourg d’Abidjan.
Marcel Treich-Laplène, mort à Grand-Bassam le 9 mars 1890, avait été le fondateur de la Côte d’Ivoire. Arrivé à la Côte de l’Or en 1883, à l’âge de 23 ans comme collaborateur du négociant français Arthur Verdier, il avait été le premier des Européens à effectuer deux expéditions à l’intérieur des terres, en 1887 et 1888, au cours desquelles des traités furent signés, soustrayant de nombreuses contrées aux visées coloniales des Britanniques, concurrents de la France dans la région.
Le nom de « Treichville » s’imposa très rapidement non seulement dans les communications administratives et actes officiels, mais encore dans l’usage courant. L’appellation « Anoumabo» s’éclipsa peu à peu, puis disparut.
Son histoire est liée au développement économique et politique d’Abidjan et de la Côte d’Ivoire, comme en témoignent les causes de sa création et de sa croissance urbaine
L’érection d’Abidjan, en 1934, en nouvelle capitale de la colonie de Côte d’Ivoire, au détriment de Bingerville, provoqua un nouvel afflux de populations africaines à Treichville. Congolais, Dahoméens, Guinéens, Maliens, Nigériens, Sénégalais, Togolais et Voltaïques s’y installèrent en grand nombre. La plupart d’entre eux n’étaient pas des manœuvres mais des travailleurs lettrés et évolués. Alors s’organisa dans ce quartier d’Abidjan la vie commerciale, sociale et intellectuelle. Les bars et les premières salles de cinéma apparurent. Les premiers Cercles d’Études se formèrent autour des idées socialistes et communistes. L’avènement du Front Populaire en France, en 1936, favorisa, à partir de Treichville, l’expansion de ces idées dans la capitale coloniale.
Pour contrer ces idées socialistes et communistes qui prêchaient l’athlétisme, les missionnaires catholiques y créèrent, en octobre 1936, la paroisse Sainte Jeanne d’Arc. Celle-ci était la deuxième mission catholique d’Abidjan après la paroisse Saint Paul du Plateau, fondée le 31 janvier 1905.
Parallèlement à la baisse des tensions politiques, Treichville devint, entre 1950 et 1964, le nombril d’Abidjan et de la colonie de Côte d’Ivoire, voire de toute l’Afrique Occidentale Française, par la mise en eau du Canal de Vridi, la construction du pont Félix Houphouët-Boigny et celle du prolongement du chemin de fer du Plateau vers le sud.
En effet, c’est le 23 juillet 1950 que l’on sauta le bouchon mettant la mer en communication avec la lagune Ebrié. Les travaux de ce canal avaient débuté en 1938 à Vridi. Ils devaient être achevés en 1941, mais la guerre 1939-1945 les avait retardés considérablement.
Les caractéristiques modernes de ce pont permirent aux autorités politiques de prolonger vers le sud le chemin de fer Abidjan-Niger. De la gare du Plateau, la ligne ferroviaire enjamba la lagune Ebriée par l’étage inférieur du pont , longea le port et atteignit Vridi. Inaugurée officiellement en 1964, cette ligne devint le troisième cordon qui relia Treichville au reste du pays et à la sous-région.
Parallèlement à la baisse des tensions politiques, Treichville devint, entre 1950 et 1964, le nombril d’Abidjan et de la colonie de Côte d’Ivoire, voire de toute l’Afrique Occidentale Française, par la mise en eau du Canal de Vridi, la construction du pont Félix Houphouët-Boigny et celle du prolongement du chemin de fer du Plateau vers le sud.
Tous ces liens, qui, de 1950 à 1964, unirent Treichville au Plateau et à la colonie de Côte d’Ivoire, provoquèrent un accroissement de la population de Treichville. Dès lors, de nouveaux lotissements furent réalisés, augmentant ainsi le nombre des rues et des avenues. L’habitat traditionnel se transforma progressivement en architecture moderne.
Au cours de cette même période 1950-1950, de nouvelles structures sociales, commerciales, culturelles et religieuses furent construites: École Primaire Régionale, École Primaire du Pont, magasins de commerce et grand marché, salles de cinéma, bars et night clubs, paroisse Antoine du port en 1962. Au plan de l’administration municipale, Treichville fut intégrée, en 1957, à l’arrondissement de la Zone 4, avec pour délégué au maire d’Abidjan Kouassi Lenoir, alors attaché administratif principal du Trésor.
Pour mieux comprendre l’avènement de cette commune, il convient de jeter d’abord un coup d’œil sur l’organisation municipale de la ville d’Abidjan qui a régi entièrement Treichville jusqu’en 1980.
Avant 1980, Treichville était strictement liée au statut de la ville d’Abidjan. Celle-ci avait connu plusieurs régimes municipaux. En 1915, elle avait été érigée en commune-mixte de 3ème catégorie où les membres du Conseil étaient nommés par l’Administration coloniale. En 1939, elle était devenue commune-mixte de 2ème catégorie. Cependant, ce statut n’avait pas été appliqué jusqu’en 1945, car il était prévu l’élection de représentants de la population urbaine à ce conseil municipal. Aux élections de 1945 organisées à cet effet, le Bloc africain, l’un des nombreux cercles d’études de Treichville, uni autour du président du syndicat agricole africain, Félix Houphouët-Boigny, était sorti vainqueur des urnes. Mais, l’administrateur du cercle demeurait toujours le maire de la commune, bien que non-élu. Cette commune n’était constituée que du Plateau, « la ville européenne », Treichville et Adjamé considérés comme «les Faubourgs africains » ou « les quartiers noirs ».
En 1956, la ville d’Abidjan était devenue commune de plein exercice par la loi du 18 novembre 1956, avec pour premier maire, Félix Houphouët-Boigny, député de Côte d’Ivoire et ministre français. Cette commune de plein exercice avait été constituée de douze arrondissements: Plateau, Adjamé, Zone 4, incluant Treichville, Port-Bouet, Vridi, Koumassi, Marcory, Williamsville, Cocody, Attiécoubé, Locodjoro et Banco.
Parallèlement à la baisse des tensions politiques, Treichville devint, entre 1950 et 1964, le nombril d’Abidjan et de la colonie de Côte d’Ivoire, voire de toute l’Afrique Occidentale Française, par la mise en eau du Canal de Vridi, la construction du pont Félix Houphouët-Boigny et celle du prolongement du chemin de fer du Plateau vers le sud
Cette position de Treichville au sein de la ville d’Abidjan n’avait pas changé jusqu’en 1980 et Kouassi Lenoir André était toujours le délégué de l’arrondissement, devenu entre-temps (arrondissement de Treichville », avec pour maire de la ville d’Abidjan, Konan Kanga, qui avait succédé à Félix Houphouët-Boigny en 1959.
En 1980, pour rapprocher davantage l’administration des administrés, le Gouvernement instaura une vaste politique de décentralisation incluant des quartiers de la ville d’Abidjan avec un statut particulier à celle-ci.
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