Auteur (s) : Patricia Huon
Organisation Affiliée : L’actualité
Type de Publication : Article
Date de Publication : Novembre 2014
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D’un côté, l’enfer d’une ville étouffante où s’entassent 15 millions d’habitants. De l’autre, une cité moderne qui se construit à partir du chaos urbain. Derrière son désordre apparent, Lagos serait une ville modèle, voire futuriste, disent des urbanistes et des architectes occidentaux.
Folle, extrême, Lagos avale ses visiteurs, étourdis par ses contrastes.
D’un côté, l’enfer urbain. Une ville qui s’étale en bord de mer, étouffante, polluée et embouteillée, avec ses 15 millions d’habitants.
De l’autre, une ville qui se modernise à vitesse grand V, à coups d’infrastructures et de nouveaux quartiers. Dont Eko Atlantic, avec des immeubles modernes, des palmiers, trois marinas, des parcs, des commerces… Cette presqu’île, qui s’étend sur neuf kilomètres carrés volés à l’Atlantique par un procédé de remblaiement, devrait compter 250 000 habitants à la fin des travaux, en 2015.
Eko Atlantic, financé par des investisseurs privés, est sans doute le chantier qui incarne le mieux la Lagos de demain. Mais la ville la plus peuplée d’Afrique (après Le Caire) reste une mosaïque où se côtoient les extrêmes, des bidonvilles aux quartiers huppés surveillés par des hommes en armes.
D’un côté, l’enfer urbain. Une ville qui s’étale en bord de mer, étouffante, polluée et embouteillée, avec ses 15 millions d’habitants
Lagos est devenue, ces dernières années, un nouvel objet de curiosité pour des architectes et urbanistes occidentaux. Selon certains, derrière son désordre apparent, elle serait une ville modèle, voire futuriste, qui se construit à partir du chaos urbain !
Un demi-siècle d’indépendance le Nigeria a été une colonie britannique jusqu’en 1960 marqué par une succession de coups d’État militaires, une guerre civile et la corruption qui gangrène l’économie nigériane n’a fait qu’accentuer le fossé qui, à Lagos, sépare les nantis des plus pauvres. Les loyers dans les nouveaux quartiers sont inabordables pour la majorité. Des bidonvilles sont rasés sous prétexte d’insalubrité, plus vraisemblablement à cause de la spéculation immobilière. Pour les habitants expulsés, la vie à Lagos est un combat quotidien pour des rêves inaccessibles.
Cette ville délaissée par les autorités nigérianes après la création d’une nouvelle capitale, Abuja, en 1991, a longtemps traîné une mauvaise réputation. Ses artères délabrées étaient devenues le territoire de gangs de voyous, qui sévissaient à la nuit tombée, parfois même en plein jour. Un vrai coupe-gorge.
De l’autre, une ville qui se modernise à vitesse grand V, à coups d’infrastructures et de nouveaux quartiers
Dès le début des années 2000, les autorités ont voulu changer le visage de la mégapole. Le gouverneur Babatunde Fashola, élu en 2007, a poursuivi dans le même sens et présente désormais Lagos comme un exemple de développement urbain.
Lagos, où s’entassent plus de 15 000 habitants par kilomètre carré, est en fait un ensemble d’îles reliées entre elles par d’immenses ponts. Deux fois grande comme l’île de Montréal, la ville accueille chaque année des centaines de milliers de nouveaux arrivants. Originaires des régions rurales et d’autres pays africains, ils rejoignent la mégapole en quête d’une vie meilleure.
Le chaos de Lagos rebute, mais fascine aussi. « L’énergie que dégage la ville est extraordinaire », observe l’Anglo-Nigérian Giles Omezi, chercheur au centre de recherche Bukka et directeur du cabinet d’architectes Laterite, à Londres. « C’est le lieu de tous les rêves, où chacun se dit qu’il y a une occasion à saisir. Bien sûr, la vie n’y est pas facile, mais elle ne l’est pas non plus à Londres ou à New York. »
Les embouteillages de Lagos sont célèbres dans toute l’Afrique. Ils peuvent durer des heures, matin et soir. Preuve que l’on peut tirer parti de tout, ils sont devenus un intense lieu d’activités. Des gamins lavent les parebrises, des vendeurs circulent entre les voitures pour proposer chargeurs de portables, piles électriques, casquettes, savons, livres, et nourriture en tout genre.
L’approvisionnement en énergie et en eau, les égouts, les transports et le logement ont souffert du développement anarchique de la ville. Mais depuis quelques années, les égouts à ciel ouvert ont été curés, les ponts nettoyés des ordures qui les bordaient, des espaces verts ont vu le jour, la criminalité a considérablement diminué. La ville se refait une beauté et ses habitants recommencent à l’aimer. « Il y a eu d’énormes progrès, constate Kayode Aboyeji, journaliste au quotidien Daily Newswatch. Lagos n’est plus la ville sale et dangereuse d’il y a quelques années. » D’une attitude un peu fataliste, les Lagotiens sont passés à une dynamique où ils prennent conscience qu’un changement est possible, ajoute le journaliste.
Deux fois grande comme l’île de Montréal, la ville accueille chaque année des centaines de milliers de nouveaux arrivants. Originaires des régions rurales et d’autres pays africains, ils rejoignent la mégapole en quête d’une vie meilleure
Les plans modernes de développement de certains quartiers progressent lentement mais sûrement, dit le commissaire Oluwatoyin Ayinde. « Il s’agit de créer une économie locale de proximité à l’échelle de chacun de ces quartiers, pour limiter les déplacements plus lointains. Il reste du travail, mais dans un an, la ville aura encore beaucoup changé. »
Le marché d’Oluwele, l’un des plus grands de la ville, a fait l’objet d’un réaménagement. Pour remplacer le millier de boutiques bringuebalantes, on a construit un premier marché couvert à étages, en briques. Un autre devrait l’être prochainement. Les commerçants se disent plutôt satisfaits. « Je paie 400 000 nairas [NDLR : environ 2 500 dollars] par an. C’est 10 fois plus cher que lorsque nous avions une échoppe dans la rue, mais l’endroit est nettement plus propre, les clients se sentent plus à l’aise et donc achètent plus », témoigne Onyeka Okoye, dans la mi-vingtaine, qui loue une petite boutique d’environ deux mètres sur trois, fermée par une porte métallique, pour y vendre des jeans.
Les embouteillages de Lagos sont célèbres dans toute l’Afrique. Ils peuvent durer des heures, matin et soir
L’approvisionnement en électricité, par contre, est toujours un vrai problème. Malgré sa richesse en pétrole et en gaz, le Nigeria produit moins de 4 500 mégawatts pour tout le pays (7,5 fois moins que l’Afrique du Sud). La mégapole résonne du bruit permanent des génératrices et les coupures de courant y sont quotidiennes. Face à ces dernières, les Lagotiens gardent leur sens de l’humour : ils disent que l’acronyme de la compagnie d’électricité, NEPA (devenue Power Holding Company of Nigeria), correspond à « Never Expect Power Always » (n’espérez pas un courant permanent).
Lagos se modernise, mais elle ne cesse d’être une jungle urbaine où naissent et parfois se réalisent les espoirs les plus fous.
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