Auteurs : Siyali Wanlo Innocents & Atta Koffi Lazare
Organisation affiliée : Revue Kafoudal
Type de publication : Article de revue scientifique
Date de publication : 2020
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La gestion du foncier et de l’immobilier joue un rôle indispensable dans la réalisation d’un développement urbain durable. En effet, La terre, autrefois bien collectif, sacré et inaliénable, entre de plus en plus dans le système de l’économie capitaliste ou elle est considérée comme une marchandise. Le foncier urbain est aujourd’hui incontournable pour comprendre les dynamiques et mutations des villes.
En Côte d’Ivoire, la ville d’Abidjan dont l’effectif démographique connait un taux d’accroissement moyen annuel de 2,8 %, doit faire face à une demande toujours croissante de logements. Une évidence est que le secteur de l’immobilier à Abidjan est en pleine effervescence.
Les besoins en logement deviennent importants au fil des années. Ils sont estimés à 40 000 logements par an, dont près de 20 000 pour la seule ville d’Abidjan
À Abidjan, au cours des trois dernières décennies, le désengagement des pouvoirs publics en matière de production foncière et immobilière s’est accompagné d’une concentration de l’activité des promoteurs privés formels sur la production destinée aux groupes à revenus les plus élevés. Il s’est également accompagné d’une « marchandisation » croissante des filières populaires de la gestion foncière : il n’y a plus de filières gratuites d’accès au sol. Les besoins en logement deviennent importants au fil des années. Ils sont estimés à 40 000 logements par an, dont près de 20 000 pour la seule ville d’Abidjan.
Un impact du marché foncier et immobilier sur la structure urbaine
Les sociétés immobilières ont réussi à fixer le niveau et la qualité du développement résidentiel dans deux communes types : celle de Yopougon, principalement destinée aux employés de l’État et aux classes moyennes inférieures, et celle des classes aisées de Cocody dont la construction et le développement avait déjà été engagé à la période coloniale.
L’extension de la production immobilière a conduit à la rencontre de quartiers aux projets urbains différents : le plus aisé (Cocody) a rejoint le plus populaire (Abobo). Le fait renseigne sur deux (2) choses. La première est la puissance des poussées territoriales : les communes de Cocody et d’Abobo qui étaient originellement distantes de 15 km par la route, sont aujourd’hui contiguës. La deuxième est la fragilité des isolements élitistes. Alors qu’on a coutume d’observer la progression des formes « populaires » en direction des formes « bourgeoises », on assiste ici à la situation inverse.
Le centre de la ville d’Abidjan connaît à ce jour une saturation et ce sont les périphéries qui se développent. On ne cesse d’étendre les communes déjà existantes et d’exploiter les zones jusque là inexploitées
Par l’intermédiaire du site des Deux-Plateaux, plus rapidement rempli que celui de la Riviera, Cocody rencontre donc Abobo. Yopougon, dans le même temps, perd peu à peu sa distinction. Car, Yopougon, qui semblait représenter une troisième voie (celle d’une forme de classe moyenne) entre l’urbanisation populaire représentée par la commune d’Abobo et l’urbanisation élitiste symbolisée par celle de Cocody paraît devoir s’engloutir dans la première. La culture urbaine populaire semble avoir absorbée la majorité des communes de la ville d’Abidjan.
Le centre de la ville d’Abidjan connaît à ce jour une saturation et ce sont les périphéries qui se développent. On ne cesse d’étendre les communes déjà existantes et d’exploiter les zones jusque là inexploitées. Les quartiers d’habitat traditionnel, et surtout leurs extensions illégales, se sont implantés dans des zones souvent peu favorables. C’est le cas dans les communes d’Attécoubé (très enclavée et de configuration tourmentée) et aussi de Koumassi (partiellement construite sur des bas-fonds inondables dont le drainage est particulièrement difficile et onéreux).
L’extension de la ville d’Abidjan est une réalité que peut percevoir tout nouvel arrivant. Car, avec la pression foncière les diverses interstices que l’on pouvait retrouver dans les différentes communes sont rigoureusement utilisées aussi bien par les propriétaires privés que par les gestionnaires de la ville. Dans ce contexte, les immenses surfaces recherchées par les SCI, conduisent ces acteurs à se tourner vers les zones périphériques de la ville.
Un impact du marché foncier et immobilier sur le paysage urbain
Les productions des SCI se résument pour la plupart à des cités immobilières aux caractéristiques communes. En général, les maisons sont disposées en bande. Construites avec les mêmes matériaux, elles ont des toits et des murs aux colorations identiques (rouge, vert, bleu). Reconnaissables à leur paysage, les cités immobilières ont des noms divers et foisonnent dans toute la ville d’Abidjan.
Les SCI produisent aussi bien des logements économiques, des logements de moyen standing, que des logements de haut standing. L’analyse des proportions des maisons construites pour chacune des catégories nous permet de conclure que la tendance est intensément portée vers les logements de type économique.
La pression foncière à Abidjan conduit les usagers à construire de plus en plus des habitats collectifs. L’on préfère par exemple réaliser la construction de huit (8) appartements locatifs sur une surface de 600 m2, que huit (8) résidences individuelles sur une superficie de 4 800 m2 qui pourraient être d’une autre utilité et plus rentable.
L’essentiel des projets de productions immobilières se concentrent le plus dans la commune de Cocody qui offre plus d’espaces constructibles. À la différence de la Commune de Cocody, les autres communes enregistrent une proportion plus importante de construction d’immeubles. Avec la pression foncière que connait la ville d’Abidjan, cette tendance des usagers s’inscrit sans aucun doute dans une logique de gestion rationnelle et efficace des espaces constructibles.
La demande de plus en plus importante de lots et une population urbaine qui dépasse toute les prévisions en termes de croissance urbaine altèrent les stratégies d’urbanisation harmonieuse de la ville malgré l’existence d’un plan directeur d’urbanisme remanié au fil des années
L’application des dispositions relatives à l’habitat, ne semble pas être suivie par les usagers. L’État lui-même n’est de toute évidence pas épargné par le mouvement de colonisation des lotissements officiels par l’habitat précaire, et la construction de bâtiments à usage divers.
Dans cette situation il apparaît une « complicité » des municipalités avec les citadins qui se placent en situation d’illégalité (en occupant des terrains qui non seulement ne leur sont pas destinés, mais sur lesquels ils s’exposent à des risques environnementaux, donc d’éviction) contre l’État et parfois les intérêts privés. Cette « complicité » tient dans bien des cas à des raisons d’ordre électoraliste et de pouvoir d’une part, et à des raisons économiques et financières d’autre part.
La demande de plus en plus importante de lots et une population urbaine qui dépasse toute les prévisions en termes de croissance urbaine altèrent les stratégies d’urbanisation harmonieuse de la ville malgré l’existence d’un plan directeur d’urbanisme remanié au fil des années. La trop grande discrétion de l’Etat lotisseur-aménageur aiguise la nostalgie des défuntes sociétés d’aménagement, car, elle fait prospérer un marché foncier illégal, lourd de conséquences et source de conflits. La planification spatiale, la gestion et l’harmonie de la ville s’en trouvent ainsi menacées.
Des communes telles qu’Adjamé, Attecoubé, Yopougon, Treichville, Port-Bouët, Koumassi, Cocody, étalent ainsi à flancs de collines ou de dépressions des bidonvilles. L’habitat spontané apparait comme l’un des éléments essentiels de la morphologie d’Abidjan. Cela n’étonner guère dans cette ville dont l’effectif démographique croit très rapidement du fait d’une population presqu’exclusivement rurale, à faible pouvoir d’achat et s’accommodant bien à un cadre de vie précaire lorsque les conditions l’exigent.
Eau, électricité, voirie et équipements sanitaires et scolaires sont presqu’inexistants. Les populations sont livrées à elles-mêmes. En 1992, le MCUH estimaient à 1 032 000 le nombre de personnes vivant dans ces quartiers sous-intégrés, soit 53% de la population abidjanaise de l’époque. Tout regard profane voit en ces bidonvilles un désordre total. En réalité, il n’en est rien de tel, car, ils répondent à une organisation interne propre : existence d’une autorité (chefferie) locale, des voies pour la circulation des résidents.
Les contraintes du marché foncier et immobilier (loyers élevés, coûts importants des matériaux de construction) sont des facteurs favorisant la création des bidonvilles. Les résidents de ces espaces squattés, ont pour la plupart un statut social défavorisé. Ils ne peuvent donc faire face aux charges d’un marché foncier et immobilier très « spéculatif » ou les prix de location et d’achat des terrains et des maisons sont régulés par une offre et une demande croissantes.
En 2013, la restitution et la validation des travaux sur les « Etudes des quartiers précaires dans les treize communes du district d’Abidjan et définition des plans de restructuration » ont permis de dénombrer sur la base des critères définis par ONU-HABITAT, 137 quartiers précaires dans le district d’Abidjan. Ils se caractérisent en général par l’illégalité de leur installation, leurs espaces non viabilisés, le manque d’infrastructures et d’équipements socio-économiques de base, des maisons construites dans des zones vallonnées sous des hautes tensions électriques, sur des terrains irréguliers. Cette prolifération des bidonvilles participe à une véritable dégradation du paysage urbain abidjanais.
Un impact environnemental
Les quartiers installés sur les zones industrielles ou leur proximité immédiate connaissent des nuisances diverses. Les populations de jeunes enfants pataugent ainsi dans des eaux, des huiles de vidange rejetées dans la nature sans traitement préalable chez la plupart des industriels. Parfois, en l’absence de viabilisation, ces déchets liquides coulent sur les routes, d’où elles dégagent des odeurs qui indisposent.
Constitués de déchets banaux eux-mêmes constitués d’emballages (papier, carton, bois, sachets plastiques), d’objets métalliques ou plastiques cassés, de bidons vides, de chiffons, de déchets spéciaux (déchets radioactifs par exemple), les déchets solides constituent autant que les déchets gazeux (fumées, hydrocarbure, particules de poussière) des risques sanitaires pour ces populations riveraines des aires de concentration manufacturière.
Les populations de jeunes enfants pataugent ainsi dans des eaux, des huiles de vidange rejetées dans la nature sans traitement préalable chez la plupart des industriels. Parfois, en l’absence de viabilisation, ces déchets liquides coulent sur les routes, d’où elles dégagent des odeurs qui indisposent
Les populations sont conscientes des dangers encourus. Mais compte tenu de l’illégalité de leur quartier, elles ne peuvent se plaindre ni aux industriels, ni à la mairie de peur qu’elles ne soient déguerpies.
Conclusion
La ségrégation spatiale est donc une des caractéristiques sociales dominantes de la ville d’Abidjan. La forte concentration du bâti marque la réduction considérable des espaces constructibles dans ce nouveau contexte de forte pression foncière. Cette réalité se trouve renforcée par les modes d’habitation.
Nous retenons que l’illégalité des espaces bâtis relèves de la compétition foncière et immobilière, car, les économiquement faibles n’ont d’autres choix que d’occuper les espaces apparemment libres dans la ville. La réduction de l’offre foncière explique l’extension spatiale de la ville d’Abidjan et l’adoption de des constructions en hauteur afin de rentabiliser les investissements immobiliers. Toute cause confondue, la structure et le paysage urbain connaissent à ce jour une modification profonde.
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L’article souligne l’évolution spectaculaire du marché foncier et immobilier à Abidjan, qui façonne profondément la structure urbaine de la ville. Alors que cette dynamique crée des opportunités, elle pose également des défis en termes de gestion urbaine et d’inégalités spatiales. Dans ce contexte, des plateformes comme immooz Côte d’Ivoire, CoinAfrique, et Afribaba jouent un rôle crucial en facilitant l’accès à l’information immobilière et en démocratisant l’accès au logement pour différents segments de la population. Ces outils numériques sont essentiels pour accompagner les mutations urbaines et offrir des solutions adaptées aux besoins croissants en logement dans la capitale ivoirienne.